Robert Redford All is Lost
Universal

Arte consacre son dimanche soir à la star. Après L'Arnaque, place à un docu retraçant sa carrière d'acteur, producteur et réalisateur.

A l'occasion de la sortie d'All is lost, Première avait rencontré la star et évoqué toutes les périodes de sa carrière sidérante. Nous repartageons cet entretien à l'occasion de la soirée spéciale Robert Redford concoctée par Arte. A 21h, place à L'Arnaque (1973), puis à 23h05, son portrait sous-titré "L'Ange blond" sera de nouveau programmé. Il est déjà visible gratuitement en replay.

Robert Redford revient sur sa carrière [interview]

Interview initialement publiée en mai 2013 :

Dans le splendide All is lost, Robert Redford est seul à l'écran, héros de ce survival maritime où un homme affronte une tempête à bord de son bateau dans l'Océan Indien. Un exploit que l'acteur de 77 ans a réalisé pour J.C. Chandor, qui signe là son deuxième film après le remarqué thriller économique Margin Call. Chandor et Redford, accompagnés des producteurs Anna Gerb et Neal Dodson, étaient au Festival de Cannes 2013 pour présenter le film hors compétition. L'occasion pour Redford, l'un des dernières légendes du cinéma américain, d'affirmer son appétit constant de défis.

"De toutes façons, j'étais coincé sur le tournage"

Car All is lost est une affaire de challenges. "C'est un défi de jouer tout seul. C'est très attrayant pour un acteur. Je me suis totalement livré au metteur en scène" raconte Redford, toujours alerte malgré son âge, bien qu'il doive parfois tendre l'oreille pour entendre une question -il en plaisante même : "je me suis blessé l'oreille en tournant le film", rigole-t-il. Un film où une dizaine de mots seulement sont prononcés -pas d'artifices, de voix off ou de flashbacks. Une radicalité qui a plu à l'acteur. "Je crois aux vertus du silence dans les films. Dans la vie, aussi. Le silence et le calme. Si tu utilises ces éléments de façon dramatique, c'est un défi excitant pour un acteur. Ca te permet d'être totalement libre. Il y a le bateau, la mer, et les dangers à l'horizon. C'est tout. C'est existentiel."

Plus concrètement, Redford, malgré son âge, a tenu à faire la plupart des cascades lui-même :  "C'est bon pour le personnage et bon pour mon ego. De toutes façons, j'étais coincé sur le tournage. Je pouvais aller nulle part." Malgré son air sportif, Redford n'a jamais fait de bateau. "Je n'ai jamais navigué. J'ai fait du surf, gamin, en Californie. C'est J.C. qui a l'expérience de la mer." Une expérience qui a nourri le film, d'après Chandor lui-même qui estime toutefois que la virée dans l'enfer liquide est très exagérée : "si tu t'y connais un peu, tu vois que le film représente tous les pires cauchemars des navigateurs. En fait, il n'y a pas de navigation à proprement parler dedans..."

"Un joli contraste avec les bruits du monde"

Redford tout seul dans un bateau face à la mer et à lui-même, y aurait-il une dimension symbolique dans All is lost ? "Redford, pour moi, c'est le symbole de la génération de mes parents, née pendant ou juste après la Seconde guerre mondiale", déclare Chandor. "C'était intéressant de le mettre à l'épreuve dans le film. En le privant de sa voix, une de ses caractéristiques les plus remarquables." Et Redford d'enchaîner : "Je suis né entre la Grande dépression et la Seconde guerre mondiale. Après la guerre, j'ai vu que des choses commençaient à disparaître. L'innocence est comme un pays qu'on quitte peu à peu. Quand j'ai commencé en tant qu'artiste, je voulais voir au-delà de la propagande des Etats-Unis, explorer la zone grise qui se trouve en-dessous.Il y a eu le Watergate, le Viet-Nam... Avec nos films, à l'époque, on a essayé de voir au-delà des images triomphales, cocardières."

En 2013, l'absence totale de dialogues d'All is lost participe aussi d'après lui à une exploration du monde actuel : "J'observe que la technologie rend tout plus rapide, que les gens sont de plus en plus bavards et parlent rapidement. Jusqu'où ça ira ? Jusqu'à quand ça durera avant d'exploser ? Dans le film, il n'y a plus aucune technologie, rien que les éléments. Ca fait un joli contraste avec tous les bruits du monde."

30 pages de script

C'est au Festival de Sundance que J.C. Chandor, qui y projetait Margin Call, a rencontré Redford (créateur de cette rencontre incontournable du ciné indé US). "Parmi les réalisateurs découverts à Sundance, aucun ne m'avait jamais demandé de jouer dans leur prochain film", rigole Redford. "Sauf J.C., qui me l'a demandé très gentiment." En fait, Chandor a vu en chair et en os l'acteur faire une conférence sur Jeremiah Johnson et ses difficultés de tournage dans la neige. C'est sans doute là qu'a germée l'idée d'All is lost.  "J'ai écrit son nom sur un bout de papier. Puis j'ai écrit le script sans vraiment penser à lui..." Un scénario d'une simplicité remarquable en notre époque de scénarios hyper denses et complexes.

"Chandor m'a présenté un script de 30 pages -et il y avait tout le film dedans. Pas évident de la vendre", estime le producteur Neal Dodson. "Les noms de Zachary Quinto, qui co-produit le film, et de Redford, ont certainement attiré les investisseurs." Car All is lost est un peu bâtard, en tant que film indépendant techniquement ambitieux : "Ce n'est pas un long indé comme les autres", renchérit Anna Gerb. "Il y a baucoup d'effets spéciaux, dont certains en numérique. Pas la recette habituelle pour un petit film." En tous cas, All is lost est parvenu à bon port, mené par un Redford plus en forme que jamais malgré la crise et les difficultés de faire des films en marge du système. "Le business des films est devenu plus dur", concède Redford -acteur, producteur, réalisateur et gourou de Sundance. "Mais je n'arrêterai jamais de jouer et de réaliser. Je n'abandonnerai jamais."

Robert Redford, magnifique dans la tempête d'All is lost [critique]