Ernst Lubitsch - Jeux Dangereux
Les Acacias

Alors que Ciné + Classic diffuse ce jeudi coup sur coup deux comédies du maître du genre : Jeux dangereux et La folle ingénue, portrait d’un cinéaste à travers son style.

Une fois que l’on a dépouillé un film de tous ses attributs (Intrigue, personnage, casting, genre…), que reste-t-il ? Le style. Lui-seul permet de déterminer si un cinéaste est remplaçable ou pas. Ce style c’est l’âme d’un film, celle qui permet de faire battre à l’unisson toutes les pièces du puzzle. Certains en ont plus que les autres. Certains voient même leur patronyme devenir un qualificatif. Ernst Lubitsch (1892- 1947) avait lui sa « touch », une signature reconnaissable entre mille qu’il a apposé sur chacune de ses comédies hollywoodiennes. Lubitsch est né allemand, a débuté avec le muet et s’est affirmé en émigrant aux Etats-Unis à partir des années 20.

Ciné + Classic diffuse coup coup, son dernier long-métrage entièrement réalisé par ses soins, La folle ingénue (Cluny Brown, 1946) et l’une de ses œuvres phares Jeux Dangereux (To Be or Not to Be, 1942). Deux films qui permettent de définir cette fameuse « touch » caractérisée d’abord par la sophistication des scénarios. Des scénarios finement ciselés jouant constamment avec les faux semblants et les doubles sens. Dans Jeux dangereux dont l’intrigue se déroule à Varsovie au moment où les nazis envahissent le pays, une troupe de théâtre parvient ainsi à berner l’occupant allemand en déclamant du Shakespeare. Chef d’œuvre sur l’illusion et les pouvoirs de la fiction, il permet à l’héroïne incarnée par Carole Lombart de sortir cette saillie légendaire : « Si on meurt au théâtre, ensuite, on se relève et on vient saluer. Mais si on meurt dans la vie, ensuite, on est juste mort ! »

Chez Lubitsch, chaque situation à priori absurde, chaque objet à priori anodin, peuvent devenir les moteurs de l’action. Dans La folle ingénue, une jeune londonienne fana de plomberie (!) dépanne ainsi la robinetterie d’un gentleman, préfigurant une romance à venir. La métaphore sexuelle volontiers grossière permet à Lubitsch de déployer toutes une série de sous-intrigues où chacun des personnages va chercher à « réparer » ce qu’il voulait protéger. La Lubitsch touch, c’est cette élégance cachée sous le manteau de la grivoiserie. Lubitsch n'avait rien de l'artiste prétentieux.

La mise en scène du magicien Lubitsch joue avec le dévoilement et les ellipses, la suggestion et les affirmations. Le montage avance à 200 à l’heure. Pas le temps pour quiconque de reprendre son souffle.  Un conseil, ce soir, dès 20H50, installez-vous dans votre canapé et laissez-vous prendre dans les filets du cinéaste le plus raffiné de l’Histoire.

Sur Ciné + Classic : La folle ingénue à 20H50 suivi de Jeux Dangereux à 22h25