Michel Blanc est mort : le comédien du Splendid avait 72 ans
Abaca

Le célèbre Jean-Claude Dusse des Bronzés est décédé dans la nuit de jeudi à vendredi, à l'hôpital.

Paris Match annonce la disparition de Michel Blanc, en ce 4 octobre, à l'âge de 72 ans. Une nouvelle tragique confirmée par ses proches, la rédaction écrivant ensuite : "Dans la nuit, son ami et partenaire de la mythique troupe du Splendid, Gérard Jugnot, a publié sur Instagram un message dans lequel il a écrit : 'Putain Michel… Qu’est-ce que tu nous a fait…'"

Ce magazine avait réuni plus tôt dans l'année toute la troupe du Splendid pour célébrer leur 50e anniversaire, et s'il n'était pas question pour eux de rempiler pour un quatrième volet des Bronzés, l'acteur, scénariste et réalisateur s'y montrait enthousiaste à l'idée de reformer prochainement la troupe : "Faire des choses ensemble, oui, mais pas Les bronzés. On ne sait plus faire cet humour-là. C’était il y a bientôt ­cinquante ans, le monde a évolué."
 

Les Bronzés 4 ? "Ce serait aller dans le mur", insiste Michel Blanc

Son rôle de Jean-Claude Dusse dans cette trilogie humoristique l'a rendu très populaire dès la fin des années 1970, puis le public l'a retrouvé dans d'autres films à succès, de Je vous trouve très beau à Papy fait de la résistance, en passant par Viens chez moi j'habite chez une copine, Ma femme s'appelle reviens, Marche à l'ombre, Grosse Fatigue, Embrassez qui vous voudrez, L'Exercice de l'Etat... En tout, il fut à l'affiche de 23 films millionnaires au box-office français au cours de sa carrière.

Thierry Lhermitte, Christian Clavier et Gérard Jugnot et Michel Blanc se sont rencontrés au lycée Pasteur, à Neuilly-sur-Seine, et ils ont fondé ensemble dans les années 70 la troupe du Splendid, collectif d’auteurs/acteurs, du nom du Café-théâtre dans lequel ils jouaient leurs pièces. Se joindront par la suite à la troupe Josiane Balasko, Claire Magnin et Marie-Anne Chazel. Le petit groupe se fait d'abord connaître grâce à la pièce Le Père Noël est une ordure, et ils tournent en parallèle au cinéma, Michel Blanc multipliant par exemple des petits rôles dans des films signés Gérard Pirès (Attention les yeux, L'ordinateur des pompes funèbres), Bertrand Tavernier (Que la fête commence, Des enfants gâtés), Claude Miller (La Meilleure façon de marcher) ou Coluche (Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine) tout au long de cette décennie. Jusqu’à la sortie des Bronzés, de Patrice Leconte, en 1978, qui va connaître un joli succès en salles (2,3 millions d'entrées), et devenir de plus en plus culte au fil de ses rediffusions télé.

"Dans la bande du Splendid, on n’écrivait pas nos propres rôles mais ceux de tout le monde, a confié Michel Blanc dans Première, revenant en détails sur les films qui ont marqué sa carrière. Cependant, assez vite, on voyait qui allait jouer quoi. Et quand j’ai compris que Jean- Claude Dusse allait être pour moi, j’y ai tout de suite vu une chance. Jusque là, je n’avais pas encore trouvé mon emploi comique. Sur scène, par exemple, Gérard (Jugnot) faisait bien plus rire que moi.  (…) Avec ce rôle, j’avais trouvé mon rire et je l’ai en effet développé chez Patrice. Jusqu’à ce que j'écrive Marche à l'ombre, mon premier film comme metteur en scène, dont je savais qu'il mettrait fin à ma "carrière" café-théâtre."

Les Bronzés font du ski
1979 Trinacra Films

Après ce carton, toute la troupe croule sous les propositions, et Michel Blanc obtient des rôles plus conséquents. En 1979, il incarne l’adjoint de Javert dans La Gueule de l’autre signé Pierre Tchernia, puis Marcel Dupin dans Rien ne va plus de Jean-Michel Ribes ou Bertin dans le film de Jeanne Moreau, L’Adolescente. Mais il n’arrive toujours pas à conclure, en 1979, dans Les Bronzés font du ski, dont il ne participe cette fois pas au scénario.

"Je trouvais ça vulgaire d’écrire une suite aux Bronzés, nous confiera-t-il à propos de cette suite. Donc je n’ai pas participé à ce qui se révèlera être le meilleur des deux films ! (rires)"

Le physique particulier et le talent de comédien de Michel Blanc attirent également l’attention du réalisateur Claude Chabrol qui fait appel à lui pour interpréter Corentin Calvez dans Le Cheval d’orgueil en 1980. Patrice Leconte ne se lasse pas de leur collaboration et lui donne le rôle de Guy dans Viens chez moi j’habite chez une copine, celui de Bernard dans Ma femme s’appelle reviens et Leroux dans Circulez y’a rien à voir (1983). La pièce à succès Le Père Noël est une ordure est adaptée au cinéma en 1982, et bien entendu, Michel Blanc est reconduit dans son rôle.

Marche à l'ombre
FECHNER - GAUMONT

Le comédien enfile la soutane du curé du film Papy fait de la résistance, que Jean-Marie Poiré réalise en 1983. Suit ensuite Marche à l’ombre (1984), qu’il réalise et dont il écrit le scénario.

Quand on lui a demandé ce qui l'avait poussé à passer ainsi derrière la caméra, Michel Blanc nous a confié :

"J’avais écrit avec Patrice Viens chez moi, j'habite chez une copine et Ma femme s'appelle reviens. Et c’est lui qui m’a poussé à réaliser Marche à l’ombre, dont j’avais eu l’idée et que je lui avais proposé… pour qu’il le réalise. Sur le moment, j’étais désarçonné mais il est arrivé à me convaincre. Il m’a enjoint de prendre un bon premier assistant et un super conseiller technique, en l’occurrence Patrick Dewolf avec qui j’ai écrit la structure de l’histoire."

Marche à l'ombre attire plus de 6 millions de spectateurs en France, établissant immédiatement Michel Blanc comme un auteur-réalisateur qui compte.

Michel Blanc : ces années 80 qui ont tout changé

En 1986, Tenue de soirée, de Bertrand Blier, lui vaut le prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes de 1987. De son propre aveu, ce film va bouleverser sa carrière :

"Je croyais que Bertrand ne m'aimait pas. Dans les années 70, il m'avait fait passer des essais pour une pub pour une bière. Et comme il ne m'avait ni engagé ni proposé un petit rôle dans Les valseuses qu'il a tourné après et où apparaissaient Jugnot et Lhermitte, j'étais persuadé qu'il n'appréciait pas mon jeu. Sans avoir imaginé que mon physique ne correspondait pas spontanément à celui du bon vivant, amateur de bières... Et puis, des années plus tard donc, début 1985, au déjeuner des César - où j’étais nommé en premier film pour Marche à l’ombre et lui pour le scénario de Notre histoire -, il vient me voir et me dit : « là, je fais un film avec Depardieu et Giraudeau puis après je réfléchis à quelque chose pour toi ». Peu de temps après, il m’appelle et me propose de m’envoyer le scénario de Tenue de soirée. Et là, j’apprends que Bernard a décliné le rôle au dernier moment. Et je comprends que Bertrand me le propose. Je demande alors à Bertrand comment il compte faire puisque je n’ai pas spécialement le physique et le style de jeu de Bernard… « Quand on change d’acteur, mieux vaut changer complètement de point de vue », me répond- il.

Devant les rushes, on pleurait de rire, tout en ayant peur qu'à la sortie du film, les gens nous crachent à la gueule. Particulièrement le milieu homosexuel. Mais les homos ont compris qu'on ne se foutait pas d'eux. On a même eu un article dithyrambique dans Gai Pied, titré "Touche pas à la femme Blanc". Puis on a été sélectionnés à Cannes, où j'ai reçu le prix d'interprétation. Avec L'Exercice de l'Etat, ce film tient une place à part dans ma carrière."

Suivent peu après Les Fugitifs de Francis Veber, ou encore : Sans peur et sans reproche, dans lequel son ami Gérard Jugnot lui fait jouer le rôle d’un chirurgien.

MONSIEUR HIRE (1989)
PRODUCTION / CINEA / HACHETTE PREMIERE ET CIE

Blanc change de registre

Jusqu’alors, le registre de Michel Blanc était essentiellement composé de personnages comiques, et l’acteur avait envie de diversifier sa palette. C’est chose faite en 1989 lorsqu’il interprète l’obscur tailleur Monsieur Hire, tiré du roman du même nom écrit par Georges Simenon, que Patrice Leconte adapte au cinéma. Un rôle initialement prévu pour Coluche, qui décèdera avant d'avoir pu l'incarner.

"Je considère le personnage de Monsieur Hire comme mon premier grand rôle de composition, commentera Blanc. Et dans la foulée, j’ai en effet peu tourné comme comédien tout simplement parce qu’on me proposait des rôles moins intéressants."

Son apparence est désormais bien loin de celle du Jean-Claude Dusse de ses débuts : il a maintenant quelques kilos en plus et la moustache en moins. Michel Blanc joue alors dans Le Monstre, sous la direction du fantasque Italien Roberto Benigni en 1994, après avoir réalisé Grosse fatigue pour lequel il obtient le prix du meilleur scénario. Il assure par la suite la réalisation de Mauvaise passe en 1999 dans lequel joue Daniel Auteuil et surtout Embrassez qui vous voudrez, trois ans plus tard, aux côtés de Charlotte Rampling, Jacques Dutronc et Carole Bouquet. Il offrira une suite à ce film chorale en 2018, Voyez comme on danse.


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L'accueil mitigé des Bronzés 3

S’il prend plaisir à réaliser, Michel Blanc aime tout autant, si ce n’est plus, jouer la comédie. Il reprend l’interprétation dans Madame Edouard en 2003 et L’affaire Dominici, un téléfilm dans lequel il joue le commissaire Sébeille. Il se glisse ensuite dans la peau d’Aymé Pigrenet dans Je vous trouve très beau d’Isabelle Mergault. Nouveau gros succès hexagonal, avec plus de 3,5 millions d'entrées.

"J’ai eu envie de ce film car Isabelle m’offrait un rôle qu’on proposait habituellement à Jugnot !, nous confiait l'acteur en 2019. Beaucoup plus sentimental qu’à mon habitude. J’avais un peu peur de m’y casser le nez, mais j’ai accepté pour élargir ma palette de jeu."

L’année 2006 voit le retour en fanfare des Popeye, Bernard, Nathalie et Jean-Claude, rassemblés 27 ans après en Sardaigne dans : Les Bronzés 3, Amis pour la vie. Si le film est un succès en salles – c'est même le plus gros de sa carrière, fort de 10,2 millions d'entrées, sa qualité est loin d'être à la hauteur des deux premiers volets, et Blanc n'aura de cesse de répéter qu'il ne veut plus tourner de suite à la saga qui l'a rendu si populaire auprès du public.

Du valet de chambre de Louis XV en 1974, au professeur Martineau de Nos 18 ans de Frédéric Berthe en 2008, en passant bien évidemment par l’inévitable Jean-Claude Dusse, Michel Blanc nous a gratifiés de rires et d’émotions pendant quatre décennies.

Michel Blanc est mort : le comédien du Splendid avait 72 ans
Abaca

Après ces comédies, Michel Blanc retrouve le drame avec La fille du RER dans lequel il joue le rôle de l'avocat Bleinstein en 2009. En 2011, c'est à l'affiche de L'exercice de l'état, de Pierre Scholler, qu'on retrouve l'acteur. Une oeuvre politique qui lui permet de remporter le César du meilleur acteur dans un second rôle, même s'il nous a avoué avoir eu un peu de mal à "trouver" ce personnage :

"Je rêvais depuis longtemps de jouer un personnage aux convictions plus fortes que tout : un homme d’Église, un militaire… Ce directeur de cabinet appartient à cette famille-là. Il a avec l’État le même rapport qu’un prêtre avec Dieu. Impossible de dire non malgré mon angoisse de ne pas être à sa hauteur, tant il se situe loin de moi. C’est le regard de Pierre qui m’a porté. Il s’était énormément documenté, avait rencontré des directeurs de cabinet et avait une idée très précise de la manière dont je devais incarner ce personnage. Au départ, je me suis montré trop gentil : un dir cab doit être courtois, mais pas gentil."

Il faut ensuite attendre 2013 pour retrouver Michel au cinéma, dans Demi-soeur de et avec Josiane Balasko. Cette dernière décennie, Michel Blanc a connu de nouveaux succès, notamment auprès de Jean-Paul Rouve (Les Souvenirs, Les Tuche 4). Son dernier scénario pour le cinéma remonte à 2016, lorsqu'il a adapté Un petit boulot, de Iain Levinson, pour Pascal Chaumeil (L'Arnacoeur). Il y tenait l'un des deux rôles principaux auprès de Romain Duris.

En 2021, toute la troupe du Splendid avait été réunie sur la scène des César pour y recevoir un prix d'honneur. Michel Blanc en faisait évidemment partie.

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