Guide du 11 mars 2020
Memento Films Distribution / Jour2Fête / Sony Pictures Releasing France

Ce qu’il faut voir cette semaine.

L’ÉVENEMENT


LA BONNE ÉPOUSE ★★☆☆☆
De Martin Provost

L’essentiel
Binoche en directrice d’institution ménagère bientôt menacée par le vent de la révolution sociale…

Depuis Le Ventre de Juliette (2003), Martin Provost ne dévie pas de sa ligne en montrant des femmes confrontées à la violence (sociale, artistique, masculine) et leur lent chemin vers l’émancipation. Avec Sage Femme, son précédent film, il a changé de ton : place à la fantaisie. La Bonne Épouse confirme cette nouvelle inclination..
Christophe Narbonne

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PREMIÈRE A AIMÉ

UN FILS ★★★☆☆
De Mehdi M. Barsaoui

Une famille qui éclate, comme le symbole d’un pays en pleine métamorphose. Tel est le parallèle audacieux que dresse ici Mehdi M. Barsaoui avec son premier long, découvert à Venise. L’action se situe en Tunisie en 2011, en plein printemps arabe, quelques mois après la démission du président Ben Ali, avec les dommages collatéraux inhérents à ce genre de mouvements.
Thierry Cheze

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VIVARIUM ★★★☆☆
De Lorcan Finnegan

Lorcan Finnegan a de la suite dans les idées. L’Irlandais prolonge ici son court métrage Foxes, qui explorait – déjà en mode surnaturel – le phénomène des lotissements fantômes dans son pays. Imaginez le village du Prisonnier entièrement vide et revisité par le peintre Magritte et vous aurez une petite idée du lotissement dans lequel s’aventure un jeune couple, incarné par Imogen Poots et Jesse Eisenberg. Par la suite, l’agent immobilier, qui leur fait visiter une maison à vendre, disparaît et ils se retrouvent enfermés dans un labyrinthe à ciel ouvert, leur voiture les ramenant inlassablement devant ladite maison. Le piège se referme et l’angoisse va décupler quand, après une nuit passée sur place, ils trouvent sur le palier un paquet contenant un bébé et un petit mot leur indiquant qu’ils seront peut-être libres s’ils l’élèvent ! En disciple de La Quatrième Dimension et de Black MirrorVivarium part d’une question sociétale concrète pour développer un récit de science-fiction surréaliste. Avec une dose d’humour noir savamment distillée et une direction artistique soignée, Finnegan raconte ce qui nourrit les angoisses des jeunes trentenaires dans un monde de plus en plus incertain : ce besoin impérieux de trouver un toit pour se préserver du risque du déclassement et la pression d’être des parents parfaits même si ce sentiment paternel ou maternel leur est étranger. Dire qu’il révolutionne le genre serait mentir. Mais il réussit l’essentiel : installer et maintenir un climat angoissant sans jamais faire sursauter gratuitement le spectateur.
Thierry Cheze

KONGO 
★★★☆☆
De Hadrien La Vapeur & Corto Vaclav

Hadrien La Vapeur, ancien assistant de Philippe Garrel, et Corto Vaclav, anthropologue de formation, ont uni leurs forces pour suivre et raconter, au coeur de Brazzaville un personnage hors normes : l’apôtre Ménard, qui consacre son existence à guérir les malades victimes de mauvais sorts et se retrouve accusé de magie noire... après que la foudre s’est abattue sur un foyer dont il s’est occupé. Toujours à bonne distance de leur sujet, les réalisateurs signent un documentaire passionnant qu’aucune fiction ne pourrait surpasser. Au fait de leur sujet et plus largement d’une ville et d’un pays qu’ils ont appris à connaître de l’intérieur, ils ne laissent aucune place à un quelconque exotisme et se glissent dans les pas de l’immense Jean Rouch, avec cette même croyance en la force de leurs images pour ne pas avoir à les accompagner d’une voix off explicative. Le tout en soixante-dix minutes d’une rare intensité.
Thierry Cheze

FEMMES D’ARGENTINE 
★★★☆☆
De Juan Solanas

En Argentine, l’IVG est illégale. Et, chaque année, des milliers de femmes y meurent des suites d’un avortement clandestin. En 2018, un projet de loi prévoit enfin sa légalisation. La Chambre des députés donne son approbation. Reste à faire passer la loi au Sénat [qui l’a finalement rejetée à l’été 2018, à quelques voix près]. C’est à ce moment que le réalisateur argentin Juan Solanas (Upside Down) a décidé de suivre ces féministes activistes argentines, extraordinaires dans leur mobilisation. On est bouleversé par les témoignages des femmes, des mères, des médecins qui racontent les grossesses non désirées et leurs conséquences. Et tout particulièrement par l’histoire de cette jeune fille enceinte atteinte d’un cancer, morte d’avoir été forcée de porter un enfant. Petit à petit se dessine une évidence : l’absence de loi est une nouvelle fracture entre les classes sociales. Un documentaire implacable et essentiel.
Sophie Benamon

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ

UNE SIRÈNE À PARIS ★★☆☆☆
De Mathias Malzieu

Sur scène avec Dionysos, par ses romans ou en animation avec Jack et la mécanique du coeur, Mathias Malzieu a su faire vivre tous azimuts un univers poético-fantastique où chaque discipline artistique vient compléter l’autre. Il aime y parler d’amour en imaginant des situations et des personnages qui, bien qu’en marge de la réalité, l’embrassent pour la sublimer. Une sirène à Paris s’inscrit pleinement dans cet univers.
Sophie Benamon

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TROIS ÉTÉS ★★☆☆☆
De Sandra Kogut

Inspiré d’un énorme scandale de blanchiment d’argent qui a secoué les élites brésiliennes, le troisième film de Sandra Kogut se focalise sur les couches populaires, victimes collatérales des magouilles des patrons. On y suit les agissements de Mada, la gouvernante d’une famille riche éclaboussée par un scandale financier, qui finit par occuper seule, avec d’autres domestiques, une demeure cossue laissée à l’abandon par les propriétaires en fuite. Et Mada de rentabiliser le lieu à coups de locations, d’événements et de tournages... À l’image de son héroïne éternellement souriante et dynamique, Trois étés avance sans obstacles sur une route pavée de bons sentiments. Dommage que Sandra Kogut n’ait pas mieux exploité ce sujet explosif en versant franchement dans le mélo ou l’absurde.
Christophe Narbonne

VISIONS CHAMANIQUES – TERRITOIRES OUBLIÉS 
★★☆☆☆
De David Paquin

David Paquin a fait du chamanisme la pierre angulaire de son travail de réalisateur. Après L’Instant magique (2011)Chamane – Le chant de la vie (2014) et La Force de l’instant (2016), le cinéaste remet le couvert avec Visions chamaniques – territoires oubliés. Une plongée initiatique étourdissante et immersive chez les Fang du Gabon et les Shipibos du Pérou, dont les rituels ancestraux – censés nous faire renouer avec mère Nature et donner du sens à notre vie - s’expriment sans pudeur devant l’objectif de la caméra. Si l’œuvre est parfois inégale et manque d’objectivité, elle n’en demeure pas moins captivante et pousse le spectateur occidental à l’introspection. 
Julia Mothu

LA DANSE DU SERPENT 
★★☆☆☆
De Sofia Quiros Ubeda

Rebaptisé La Danse du serpent depuis sa présentation à la Semaine de la critique (sous le titre moins engageant de Cendre noire), ce premier long costaricien nous entraîne sur les pas de Selva, 13 ans, orpheline, qui vit avec son grand-père et l’amie de celui-ci. La disparition inexpliquée de cette dernière, conjuguée à la faiblesse grandissante de l’aïeul, va amener Selva à s’interroger sur « l’après ». Les scènes initiatiques et ésotériques se mêlent de façon maladroite dans ce film-collage scolaire, qui semble étudié pour répondre aux canons du cinéma d’auteur défendu par les festivals internationaux. Une pointe de panthéisme par-ci, un soupçon de chamanisme par-là, quelques tubes pop pour jurer et vous obtenez... de la poudre aux yeux. Attention, ça peut faire illusion ! 
Christophe Narbonne

 

PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ

RADIOACTIVE ★☆☆☆☆
De Marjane Satrapi

Il y a mille et un films à faire sur les mille et une facettes de la vie de Marie Curie. Son enfance à Varsovie où sa mère s’éteint alors qu’elle n’a que 11 ans. Ses études de médecine à Paris dans une fac à dominante masculine. Sa rencontre avec Pierre Curie. Leurs travaux sur le polonium et le radium. Leur prix Nobel commun à la réception duquel elle n’a pas été conviée. Son Nobel en solo. Sa liaison passionnelle, après la mort de Pierre, avec Paul Langevin, un homme marié qui lui a valu d’être critiquée comme « l’étrangère qui vole l’époux d’une brave Française ». Oui, il y a mille et un films à faire sur les rebondissements de ses vies personnelle et professionnelle. Le souci de Radioactive est d’avoir voulu les faire tenir en un seul. Alors forcément, on survole sans rien creuser pour un résultat « wikipediesque », à l’intérieur duquel les rares échappées hors de cette autoroute toute tracée (Hiroshima, les essais nucléaires dans le désert américain, la catastrophe de Tchernobyl...), censées souligner les détournements des nobles travaux des Curie, suscitent au mieux l’incompréhension, au pire la consternation. Ce plan d’un enfant lançant son petit avion de pompier vers la bombe lâchée sur Hiroshima est à lui seul éliminatoire. Depuis son passage à des héros de chair et d’os avec Poulet aux prunes, Marjane Satrapi peine à trouver un second souffle. Mais il y avait au moins dans The Voices une bizarrerie qui accrochait l’attention. À mille lieues de ce récit à l’encéphalogramme plat, pourtant défendu du mieux qu’elle peut par la toujours impeccable Rosamund Pike.
Thierry Cheze

LE CŒUR DU CONFLIT 
☆☆☆☆☆
De Judith Cahen & Masayasu Eguchi

Une Française, un Japonais. Un couple. Les deux réalisateurs, Judith Cahen (La Croisade d’Anne Buridan) et Masayasu Eguchi mêlent l’intime à leur questionnement artistique et nous proposent de les suivre entre Paris, Fukushima et Hiroshima. Est-il encore possible de concevoir (au sens propre comme au figuré) dans un environnement où le nucléaire annonce la fin du monde ? Peut-on boire le thé dans une théière fabriquée à Fukushima ? Le problème de ce journal intime et politique est qu’il embrasse trop de problématiques et offre des réponses par trop comiques ou surréalistes. On a rapidement le sentiment d’assister, en voyeur, à une conversation sans queue ni tête. Le sujet aurait mérité plus de rigueur et l’apport de points de vue extérieurs au duo.
Sophie Benamon



Et aussi
D’égal à égal d’Evi  Goldbrunner
Les visages de la victoire de Lyece Boutikhine
Yiddish de Nurith Aviv

Reprises
Blue velvet de David Lynch
Les lèvres rouges d’Harry Kumel