Ethan Hawke a 50 ans : ses meilleurs rôles au cinéma
Warner Bros. / Diaphana / Columbia Tristar / Universal

Pour célébrer l’anniversaire d’Ethan Hawke, Première replonge dans la filmographie de l'acteur.

Todd Anderson dans Le Cercle des Poètes disparus (Peter Weir, 1989)

Dans ce film choral culte pour une génération, Ethan Hawke, tout en timidité, est d’abord dans l’ombre, à la fois de Robin Williams et de Robert Sean Leonard qui occupent l’écran. Mais c’est lui qui bénéficie, in fine, de la meilleure scène du film, celle où son personnage se lève sur le bureau du professeur Keating en criant, « Ô Capitaine ! Mon Capitaine ! », en hommage à la philosophie dispensée par leur mentor. Un moment cathartique, une explosion au sens large comme au figuré. Du casting, il est celui qui a ensuite réellement percé et duré. Il n’y a pas de hasard.

Le Cercle des poètes disparus
Warner Bros.

Jesse dans Before Sunrise (1995), Before Sunset (2005) et Before Midnight (2015)

Si ce sont les jeunes héros joués par Julie Delpy et Ethan Hawke qui tombaient fous amoureux en visitant l'Europe dans Before Sunrise, on peut dire qu'en coulisses, ce fut aussi le coup de foudre avec Richard Linklater : depuis 1995, l'acteur et le réalisateur ont tourné huit films ensemble, dont l'excellent Boyhood (lire plus bas), et ce n'est sans doute pas fini ! "Before est une trilogie accidentelle", nous expliquait Linklater, en 2018. "Elle n'est pas motivée par la popularité ou l'argent, mais par le cours de l'existence. (…) A chaque fois, il nous faut cinq ou six ans, à Julie, Ethan et moi-même, pour trouver une idée et comprendre que Céline et Jesse sont bien vivants. Ces deux-là ont toujours quelque chose à raconter." Effectivement, depuis leur rencontre à bord d'un train, entre Budapest et Vienne, ces deux bavards romantiques se retrouvent régulièrement, leurs interprètes vieillissant en même temps que leurs personnages et leur apportant à chaque film davantage de maturité. Un tel projet marque forcément la carrière d'un acteur... Vivement le numéro 4 !

Before Sunrise
Diaphana

Troy Dyer dans Génération 90 (Ben Stiller, 1995)

Certes, on n’a d’yeux dans ce film, la toute première réalisation de Ben Stiller, que pour Winona Ryder, icône absolue de l’époque. Certes, la belle ambition de dresser le portrait de cette génération entrant tant bien que mal dans l’âge adulte au début des années 90 ne tient pas toutes ses promesses. Mais ce film possède le charme fou de ses interprètes, parmi lesquels Ethan Hawke en beau ténébreux en apparence distant (le seul à ne pas s’ambiancer sur My Sharona de The Knack dans la supérette de la station- service où la petite bande va faire ses courses Scène restée culte) à qui il apporte une humanité attachante, y compris et surtout dans son coup de foudre pour la jeune vidéaste que campe Winona Ryder. Romantiquissime.

Génération 90
United International Pictures (UIP)

Vincent Anton Freeman dans Bienvenue à Gattaca (Andrew Niccol, 1997)

Si le film a été la découverte fracassante d'un auteur avec une vision de SF aussi bien visuelle que narrative (Niccol a écrit avant un petit film nommé The Truman Show, qui sortira l'année d'après), Bienvenue à Gattaca donne l'occasion à Hawke de briller dans le rôle d'un beau gosse physiquement et mentalement au top mais génétiquement condamné dans ce futur aseptisé, monochrome, eugéniste, lumineux et bien flippant. L'autre idée amusante du film, c'est que Hawke tente de se faire passer -génétiquement, du moins- pour Jude Law.

BIENVENUE A GATTACA ; GATTACA (1997)
PRODUCTION / COLUMBIA TRISTAR

Jake Hoyt dans Training day (Antoine Fuqua, 2001)

On a retenu de Training day la perf’ majuscule de Denzel Washington en flic ripou, rôle qui lui vaudra l’Oscar du meilleur acteur l’année suivante. C’est un peu dévaluer la composition d’Ethan Hawke, formidable contrepoint humaniste et idéaliste à son partenaire. À travers ses yeux effarés et l’atmosphère irrespirable impulsée par la mise en scène d’Antoine Fuqua, on vit la journée passée par Jake Hoyt dans le milieu interlope de Los Angeles comme une épreuve dont personne ne sortira indemne, public compris.

Training Day
Warner Bros. France

Jack Valentine dans Lord of War (Andrew Niccol, 2005)

OK, Lord of War est surtout le portrait un brin ambivalent et démonstratif (le générique d'intro : génie ou esbroufe ? Le jury délibère) d'un trafiquant d'armes romantique incarné à la perfection par Nicolas Cage. Mais l'arme secrète du film, c'est Ethan, qui retrouve son réalisateur de Bienvenue à Gattaca, parfait en agent d'Interpol idéaliste, brisé par la violence de la réalité lors d'un ultime face-à-face désabusé. Un second rôle qui donne au film une autre structure, comme si Jack Valentine vivait dans un film parallèle, plus positif et hollywoodien.

Lord of War
Lions Gate

Hank Hanson dans 7h58 ce samedi-là (Sidney Lumet, 2007)

Le titre original avait le goût de la mort et du désespoir, voire de l’ironie morbide : Before the Devil Knows You’re Dead. C’est le dernier opus du grand Lumet qui, tout au long de sa carrière, aura gâté ses interprètes par son approche viscérale du jeu: Henry Fonda, Paul Newman, Al Pacino, Sean Connery, Rod Steiger… Pour ce samedi-là, Ethan Hawke doit composer avec Phillip Seymour Hoffman. Ils sont frères, engagés volontaires dans un drame familial qui dévitalise leur existence. Deux frères à bout de course et de souffle. Hawke n’a jamais paru aussi fragile et angoissé que dans la peau de cet homme trop faible pour prendre en main quoi que ce soit. Chez Lumet, les êtres vacillent. Hawke tremble tout au long du film, les larmes en attente promettent un torrent. Hank Hanson, son personnage, s’énerve contre lui-même, contre sa propre faiblesse. Hank est mort mais il ne le savait pas encore. Ce samedi-là, Ethan Hawke, spectral en diable, aurait mérité amplement des lauriers.  

PRODUCTION / CAPITOL FILMS

Ellison Oswalt dans Sinister (de Scott Derrickson, 2012)

Depuis les années 2010, l'horreur ne fait pas peur à Ethan Hawke, qui multiplie les situations les plus flippantes les unes que les autres entre American Nightmare, de James DeMonaco, et sa « purge » annuelle où tous les crimes sont permis, et l'enquête glauque de Régression, une réflexion d'Alejandro Amenabar sur le fanatisme religieux et la manipulation mentale capable d'engranger de faux souvenirs. On lui préféra Sinister, de Scott Derrickson (Doctor Strange), sans doute moins « high concept » que les deux autres, mais plus efficace au trouillomètre avec sa créature maléfique qui le hante via des films en super 8. Comme on le soulignait à sa sortie dans notre critique, le talent de l'acteur, qui tient une bonne partie du film sur ses épaules, y est pour beaucoup dans sa réussite : "Dans la lignée du récent Insidious (un cran en dessous tout de même), elle ne se mesure qu’au plaisir que vous prendrez à regarder Ethan Hawke arpenter des corridors obscurs en transpirant à grosses gouttes. Il faut reconnaître qu’il fait ça très bien." 

Sinister
Wild Bunch Distribution

Mason Evans Sr. dans Boyhood (Richard Linklater, 2014)  

Ethan Hawke aime vieillir sous le regard de Richard Linklater. En parallèle à la trilogie Before, il a tourné pendant douze ans l’autre projet fou du cinéaste : Boyhood, l’histoire sidérante et émouvante d’un jeune garçon qu’on voit grandir littéralement sous nos yeux. Si sa prestation fut moins remarquée (et primée) que celle de Patricia Arquette, qui incarne la maman du gamin, Hawke fait mouche avec sa partition de père un peu loser et immature, mais débordant d’humanité. Finalement, il refait sa vie et grandit lui aussi, pendant que son ex-femme enchaine les tocards. Un rôle de type bien, joué avec une humilité très touchante, qui lui va forcément un gant.  

Boyhood
Universal

Ernst Toller dans Sur le chemin de la rédemption (Paul Shrader, 2017)

Si les votants des Oscars avaient un peu de jugeote, non seulement ça se saurait mais ils auraient probablement récompensé Ethan Hawke pour son rôle : celui d’un révérend calviniste hanté par le suicide d’un militant écolo qu’il n’a pas pu, pas su empêcher, faute de foi suffisante depuis la mort en Irak de son propre fils quelques années plus tôt. Minéral comme jamais, livide, crachant le sang, Ethan Hawke incarne cet homme brisé avec une implication qu’on sent grande, presque trop. On a l’impression que cette souffrance est la sienne, que le rôle a empiété sur le réel, prêt à l’engloutir. Rassurons-nous : Ethan Hawke est tout simplement un très grand acteur.

First Reformed (Sur le chemin de la rédemption)
Universal