Le jeune réalisateur nous présente It Follows.
Repéré il y a quatre ans à la Semaine de la critique avec The Myth of the American Sleepover, belle chronique mélancolique et ultra-sensible des adieux à l’enfance et du passage à l’âge adulte, David Robert Mitchell y revient avec It Follows, nouvel opus où les mêmes thèmes (l’effroi de la perte de la virginité, le spleen des suburbs, l’autarcie adolescente) sont coulés dans les motifs d’un film d’horreur à la Carpenter et portés par une ambition plastique saisissante, qui place son auteur dans l’orbite du Lynch de Blue Velvet. Rencontre post-projo autour d’un déca (« Je fais une intolérance à la caféine »).
Première : David, ton premier film, The Myth of the American Sleepover, avait suscité un joli buzz il y a quatre ans. Il n’est jamais sorti en salles en France, mais ça a justement contribué à le transformer en petit objet de culte…
David Robert Mitchell : Ah ? Cool, tant mieux. Enfin, je préfère quand même quand mes films sortent au cinéma. J’ai appris qu’il allait finir par sortir chez vous en DVD. Le mois prochain, je crois…
Non, la semaine prochaine. Pile à temps pour profiter du buzz It Follows.
Ah, ah ! Très bon timing.
C’est quoi le plus compliqué ? Réaliser un premier film ou réaliser un deuxième film ?
Oh, mon Dieu, c’est atrocement difficile à chaque fois, mais pour des raisons différentes. Pour The Myth of the American Sleepover, je n’avais rien, pas d’argent, pas de connexions dans le métier, juste ma bande de copains de l’école de cinéma pour m’aider. On a cassé nos tirelires et fait ça à l’enthousiasme. Mais si on avait su à quel point on allait en baver, je crois qu’on aurait laissé tomber tout de suite. Sauf qu’une fois que tu es lancé, tu ne peux plus t’arrêter… Pour It Follows, le financement a été un peu plus simple, mais il y avait de vraies galères de production. Formellement, c’est un film beaucoup plus ambitieux.
Félicitations pour le titre, au fait. It Follows, titre parfait pour un deuxième film…
Ah ahah, oui, n’est-ce pas ? Mais c’était pas prémédité. Je devais faire un autre film entre temps, It Follows aurait dû être mon troisième film, donc il n’y a aucune volonté de ma part de faire le malin…
Ça te va si on le décrit comme un remake de The Myth of the American Sleepover…
Ça non plus ça n’était pas prémédité. Mon monteur a dit la même chose que toi quand il a lu le script. Il a décrit ça comme une « dark sequel »…
Tu es quel genre de fan d’horreur ?
J’ai grandi en regardant des films d’horreur avec mon père et mon oncle. Mon père n’arrêtait d’ailleurs pas de me dire : « Fiston, quand est-ce que tu nous fais un film d’horreur ? » Bah, voilà, papa, je l’ai fait ! L’horreur moderne m’intéresse, bien sûr, Halloween et The Thing, mais mon vrai attachement va aux classiques, ceux que j’ai vus gamin : La Fiancée de Frankenstein, L’Etrange créature du lac noir, La Chose d’un autre monde…
Un peu de Jacques Tourneur aussi…
Il y a une scène de terreur nocturne dans une piscine dans It Follows, je ne peux décemment pas prétendre que je n’ai jamais vu La Féline !
Qu’est-ce qui t’intéresse le plus dans le genre ? Provoquer la peur, ou les métaphores qu’il permet de filer ?
Les deux. Mais par-dessus tout, j’étais attaché à cette idée que l’horreur t’autorise à être expérimental. Tu peux te permettre d’essayer des trucs un peu tordus, parce que tu sais qu’il y a plus de chances que le public te suive.
Tes deux films sont parcourus par une étonnante peur du sexe. Ça vient d’où ?
Aucune idée. J’ai d’abord eu cette image cauchemardesque de quelque chose qui te suit en permanence. Et ça m’a toujours paru naturel d’associer le sexe et la mort. Le sexe peut être terrifiant et très libérateur en même temps. J’adore cette ambivalence.
Du coup, tu prends le risque que certains regardent It Follows comme un tract puritain…
J’aime l’idée qu’il y ait plein d’interprétations différentes de mon film. Il est même fait pour ça.
D’un film à l’autre, tu construis cet univers hors du temps…
Exactement. Mes films ne se passent pas tout à fait aujourd’hui, pas tout à fait dans le passé non plus. Je veux que mon cinéma ressemble à la « vraie vie », mais qu’il en soit un peu en dehors aussi. Naturaliste et anti-naturaliste à la fois, c’est l’idée.
It Follows va sortir en salles en France ? Ou on l’attend dans quatre ans en DVD ?
Ah, non certainement pas. Promis, je me battrai pour que vous le voyiez en salles, celui-là !
Interview Frédéric Foubert
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