Quelle place a eu l'improvisation dans ton travail sur ce film ? Concrètement, je devais me débrouiller pour garder l'essentiel de mes dialogues, mais pour le reste je pouvais m'éclater. Je ne sais pas s'ils ont fait ça pour me torturer, mais ils m'ont donné les textes de toutes mes scènes la veille du tournage. Ça faisait 4 pages. Je pense qu'ils ont trouvé ça super marrant de me laisser gérer ça et me filmer en train d'essayer de retrouver le fil des répliques d'origine, tout en brodant tout autour avec des trucs qui n'avaient strictement rien à voir, pour pas avoir l'air trop bête. C'était la galère mais ça a marché. Parfois (rires). Notamment pour le monologue où mon personnage tente de raconter une histoire, avec Scott (Paul Rudd) qui m'interrompt plusieurs fois pour me dire "concentre-toi sur le sujet" tellement je m'éloigne. C'est la seule fois où j'ai vraiment fait rire tout le monde sur le plateau : c'est pas facile, les mecs sont des rois de la comédie. Sur le tournage je me concentre sur mon propre taf, mais c'est vrai qu'après ma première scène avec Michael Douglas, en rentrant en voiture, je me suis dit "attends là, tu viens de tourner avec Michael Douglas... meeeerde !". Et le lendemain, rebelote. Y'a un côté surréaliste.
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Ton personnage était déjà comme ça dans la première version du script ? Hmm... en fait j'ai rencontré Edgar Wright à Londres. D'ailleurs je me suis senti vraiment mal parce que je ne connaissais pas son travail avant ça. Et le mec est un vrai cinéaste, avec une vision bien à lui. Mon personnage a un peu évolué entre sa version du script et la mouture finale, mais c'est des choses qui arrivent : des réécritures, un film qui change de main, etc, c'est pas la première fois qu'on voit ça à Hollywood. J'espère que j'aurai l'occasion de bosser avec Edgar un jour.
Comment définirais-tu ton style d'humour ? Plus jeune, j'étais le clown de la classe. J'habitais un quartier pauvre, et... en fait ça va t'étonner mais j'étais à fond dans Woody Allen. D'ailleurs je suis tombé sur lui hier, dans cet hôtel, quand j'arrivais de l'aéroport. Et j'ai même pas osé aller vers lui, j'étais tétanisé ! (rires) Bref, moi mon truc c'est de partir de ce qui cloche chez un personnage pour le rendre drôle. Mais pour Ant-Man c'est un peu différent. En réalité, pendant tout le film, j'imite quelqu'un que je connais, un mec de Chicago. Attends... (il sort son smartphone et lance une vidéo) Voilà, c'est lui, le weekend dernier. Il me tue ce gars.
Mais il est au courant que c'est de lui que s'inspire... Il s'en fout complètement. Regarde ! (la vidéo montre un type souriant qui se lance dans une logorrhée très confuse, avec la même nervosité que le personnage du film) tu ne comprends même pas de quoi il parle, et lui n'a pas conscience qu'il est drôle ! Et il a toujours cette espèce de positivité incroyable... Un jour je rentrais à Chicago, je lui demande où il était le weekend précédent et il répond tranquillement "j'étais en taule, mon pote !" en souriant à pleines dents, de bonne humeur et tout. Du coup j'ai dû préciser à Peyton Reed que je ne surjouais pas : j'imite réellement ce mec, et il est réellement comme ça. Je le connais depuis longtemps maintenant, et j'ai pensé que c'était bien de le prendre comme modèle. Ce n'est pas la première fois : dans Collision, je jouais mon frère. Il venait d'avoir un enfant et moi à l'époque je ne savais pas trop comment interpréter ce rôle, alors je me suis rappelé de sa métamorphose après la naissance de son enfant, des yeux qu'il avait quand il regardait sa fille. Ça m'aide ce genre de trucs.
C'est marrant que tu parles de ça, parce que la rédemption est au cœur du film - parfois un peu trop même. Bon, certaines personnes peuvent considérer ce qu'on va dire comme un spoiler, mais c'est pas comme si tu disais "Million Dollar Baby ? Cherche pas, elle meurt" (rires). Evidemment l'idée de rédemption est importante. D'ailleurs ce mec dont je m'inspire, c'est aussi son parcours. Il est stable maintenant, avec une femme et 3 enfants. A la fin du film, mon personnage et ses potes sont, à leur façon très spéciale, un peu réhabilités. C'est pour ça qu'à mon avis, ce film a plus de cœur que pas mal d'autres Marvel. D'ailleurs le fait que ce soit des gens finalement très ordinaires, des ex-taulards et des petits délinquants, je trouve ça cool, pour un film de superhéros ! Ça rentre dans le concept d'expansion de Marvel. Ici, on est dans un film de casse, là-bas dans de la SF, dans du space opera, dans un blockbuster... En plus, en tant qu'acteur, tu as la pression. Tu sais que les fans sont à fond. Et tu ne veux surtout pas être la personne qui va ruiner un film Marvel, surtout pas ! D'ailleurs quand mon fils de 7 ans a su que j'allais jouer dans Ant-Man, vu qu'il connaît les comics, il m'a juste dit avec sa toute petite voix : "papa, s'il te plaît, ne gâche pas ce film" (rires). Je lui lis des comics de son âge, du coup il connaît tout l'univers Marvel, c'est lui qui m'a dit "hé mais c'est un membre des Avengers", alors que moi j'ignorais - pire je ne le croyais pas : "t'es sûr ? Ant-Man ? Ce mec là ?" (rires). C'est bien pensé leur truc, ça parle à tout le monde... Je pense que c'est ça qui plaît tant dans ces films : tu retombes en enfance et ça te rappelle le regard que tu avais quand tu pouvais être impressionné par tous ces dessins.
Tu aimerais que ton personnage ait son propre costume un jour ? Tu me demandes si je veux qu'il devienne un super-héros ? Mais ce serait génial ! Il faut tout de suite vérifier s'il existe beaucoup de super-héros latinos chez Marvel ! (rires) Bon par contre, vu son caractère, il faudrait que Luis ait vraiment des pouvoirs très, très, très peu développés. Sinon c'est la catastrophe assurée. Il y a encore de la place pour de nouveaux Avengers ? Il faut que je demande à Marvel Studios... J'exige une réunion sur la question !
A priori avec les nouveaux qu'on voit à la fin de L'Ere d'Ultron, tu as tes chances, ils recrutent (rires). Tu me donnes des idées, là ! C'est vrai qu'il va y avoir beaucoup, beaucoup de personnages dans Civil War... ça a l'air dingue, tu as des infos là-dessus ? Non, attends, qu'est-ce que je dis, c'est toi qui fais l'interview normalement (rires).
Sans trop en dire, vu la fin, tu as l'air d'être celui qui pourrait faire les présentations entre Ant-Man et quelqu'un d'autre... Ah mais ouais, tu penses qu'ils vont me faire concrétiser ce truc là ? Mince, s'ils ont des idées et qu'ils ne me le disent pas, pffff ! Je te jure que Marvel Studios sont les gens les plus secrets que je connaisse dans cette industrie. S'ils ne veulent pas que tu saches un truc, tu ne l'apprendras jamais. Tout ce que je sais c'est que j'ai signé pour 3 films. Bon, ça ne veut rien dire, tu peux être dans un film et finalement ne pas être utilisé dans le montage final. L'avenir proche pour moi c'est le tournage de CHIPS, l'adaptation de la série culte, et je dirais qu'il y a parfois le même style d'humour que dans Ant-Man. Je sais qu'il y a des gens qui ont grandi avec cette série... Ce qui me fait peur c'est que je ne sais pas comment faire avec mes dents. Ce mec avait toujours un sourire incroyable (rires).
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Le trio que tu formes avec David Dastmalchian et T.I, avec le côté frères Rappetou, c'est un peu ce qui sauve le film quand il se prend trop au sérieux, comment ça s'est passé avec eux ? On arrive avec toutes nos gaffes, c'était marrant. T.I est une vraie superstar du rap aux États-Unis et il avait des répliques franchement amusantes. C'était un peu bizarre notre rencontre à tous les trois sur le tournage : la première scène qu'on avait en commun c'était celle où on mange nos gaufres, et là le script précise qu'on est censés être les meilleurs amis du monde ! (rires). D'habitude je répète vachement, mais là ça s'est fait de manière beaucoup plus spontanée.
C'est vrai qu'entre un super-héros ex-taulard et 3 voyous, ta réplique « attends, on est les gentils ? Sérieux ? » prend un autre sens. Et de mémoire, ça s'applique aussi aux latinos qui sont rarement des good guys dans ce genre de film. Ca, c'est une réplique que j'ai improvisée sur le moment. Je l'avais peut-être déjà lue ou entendue quelque part, mais ça m'a paru important de souligner le décalage. Luis est le genre de gars qui s'excite tout seul, qui gueule et qui fout le bordel : ce moment c'est une pause avec un minimum de recul, et il réalise qu'il est passé du bon côté, alors que c'est totalement improbable... J'aime cette idée.
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