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Dès que Bellocchio se replie sur l’intime, un sujet qu’il manie pourtant d’habitude si bien (La Nourrice, Le Sourire de ma mère), sa verve cinématographique perd l’ampleur dont il fait preuve en décrivant le contexte politique et social de l’époque. Étonnant car c’est justement la plongée dans l’intimité des ravisseurs d’Aldo Moro, autre page sombre de l’histoire de l’Italie, qui avait donné tout son intérêt à Buongiorno, notte.
Toutes les critiques de Vincere
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Vincere, plutôt relâché sur les détails historiques, ne cherche pas à dialectiser la montée fasciste par l'illustration de son opposition politique directe. L'opposition vient de l'intérieur, et sur d'autres registres, ceux inattendus du mélodrame, de l'opéra, de la dérive onirique et de l'histoire du cinéma, qui emportent le film dans un flot puissant d'accélérations sonores et d'associations visuelles, d'envolées impétueuses et de reflux hébétés. Bellocchio n'avait pas trouvé un équilibre aussi impressionnant entre la violence pulsionnelle de ses personnages et la musicalité constamment brisée et relancée du film depuis Le Diable au corps ou le Prince de Hombourg.
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(...) Vincere se pose comme la synthèse extatique et l'aboutissement monumental de tout ce que Marco Bellocchio, depuis son retour inespéré avec Le Prince de Hambourg, a apporté au cinéma italien dévasté des années 2000.
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(...) il s'agit sans doute du film le plus mûr, le plus maîtrisé, le plus stimulant visuellement, d'un cinéaste dont le parcours fut à la fois bouillonnant et erratique, mais qui paraît entré, depuis une décennie, dans la plénitude de son art.
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Plus encore que Le Sourire de ma mère, Vincere, chef-d'œuvre effaré traversé de visions inoubliables (les scènes d'amour du début, le sublime passage sous la neige), glace, ravit et renverse sans jamais se rendre à l'horizon de pose, menace de figement presque constante, qu'appelle inévitablement sa puissance grandiose et mortifère.
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Vincere est avant tout affaire de visages. Il y a ces portraits de femmes aliénées, éplorées, qui surgissent étrangement au détour d'une scène - et Bellocchio qui fut, dans les années 70, partisan de l'antipsychiatrie y concentre toute la souffrance du monde. (...) Marco Bellocchio cadre de près ces yeux simplement ouverts et en fait une allégorie de la justice bafouée, de l'individu écrasé par le totalitarisme. C'est bouleversant.
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La force du film est de mêler l'histoire et l'intime. Un récit sur trente ans scandé par des plans de films d'époque extraits d'oeuvres du mouvement.
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Marco Bellochio associe politique et psychiatrie pour brosser le portrait exalté d'une petite femme italienne qu'aucun pouvoir ne fera fléchir. D'aucuns verront dans cette oeuvre magnifique quelques parallèles troublants avec la réalité contemporaine italienne.
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Si l'on parle de passion et de soumission, impossible de s'abstenir de parler de Pouvoir. D'admiration ou de fascination. Et au moins d'érotisme. Vincere nous en remplit les yeux. Vincere serait donc un film porno, voire un film de trottoir ? Pas du tout. Mais il expose assez crûment comment deux êtres passionnés peuvent se trouver et s'augmenter l'un l'autre.
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Som film [Marco Bellocchio] échappe à la leçon d'histoire et à la reconstitution grâce à une idée magistrale : ne jamais montrer Mussolini dictateur qu'à travers des images d'actualité. Ainsi Ida Dasler est comme nous, elle ne voit plus le Duce que par le prisme d'un écran. L'identification est parfaite. Le film aussi.
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Le film plonge avec son personnage dans l'affliction et l'enfermement, d'asiles en hôpitaux psychiatriques. Des plans prémonitoires de co-détenues l'indiquent dès le début, Ida est prise en tenaille, condamnée dès le début au sacrifice. Avec un sujet proche, Eastwood plombait un film (L'Echange) de lourdeurs mélos. Plus en retenue, Bellochio évite cela, irriguant son étouffante matière narrative de plans sublimes (Ida grimpant aux grilles de sa prison), et d'une émouvante BO de Carlo Crivelli. Ce beau portrait de femme bénéficie également de la présence féline de son actrice principale, Giovanna Mezzogiorno.
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La force du film est dans sa métaphore : il démonte le mécanisme du fascisme, l'anéantissement moral et physique d'un opposant, à partir d'un vampirisme familial. Bellocchio est évidemment à son affaire, lui qui dénonça les internements abusifs, l'asservissement des fils par leur père, les hypocrisies de l'Eglise, les procès en sorcellerie... Le premier film de Bellocchio, Les Poings dans les poches (1965), plongeait déjà dans le microcosme fou d'une famille dont l'un des membres nourrit l'obsession de dominer les autres. Vincere renvoie à l'histoire contemporaine et à Berlusconi. Et affiche une ambition de voir couronner une mise en scène effervescente.
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Image de l'intégrité conjugale et maternelle, Ida (superbement interprétée par Giovanna Mezzogiorno, indomptable et déchirante) est aussi une figure de la résistance au despotisme, dans ce haut mélodrame où Bellochio déploie son double talent de cinéaste politique et d'analyste raffiné des profondeurs troubles des êtres. [...] La mise en scène de Bellochio orchestre le conflit entre l'apparence publique flatteuse d'un pouvoir populaire, théâtre politico-médiatique où le Duce est passé maître, et la réalité meurtirère et sordide des coulisses, dévoilée par la fiction. Avec Bellochio, on a le spectacle et l'intelligence du spectacle.
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Avec cette grande fresque, puissante et tragique, entrecoupée d'images d'actualités illustrant l'ascension du Duce, Marco Bellochio évoque le destin d'une Antigone broyée par le pouvoir [...] Magistralement interprété par Giovanna Mezzogiorno [...]
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Si Vincere est une réussite incontestable sur la forme, on ne peut pas en dire autant sur le fond, trop mécanique, répétitif, voire lassant, les trente dernières minutes du film paraissant même interminables. Que le film, présenté en compétition officiel lors du dernier Festival de Cannes, soit reparti bredouille est donc logique.
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Un film à la fois simple et grandiloquent, tenu par deux acteurs exceptionnels.
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(...) cette histoire d’amour déraisonnable, de fascination aveugle et destructrice, c’est aussi celle du spectateur face à l’écran (parsemé d’hommages au septième art, le film invoque tout en le stigmatisant le redoutable pouvoir de l’image) et celle d’un pays à la botte de ses Mussolini, Berlusconi et autres tristes figures.
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Vincere - « vaincre » en italien - ne joue pas sur les mots, tous ont un sens précis et c’est avec eux que l’héroïne se bat, pour faire reconnaître à Mussolini qu’une parole donnée ne se reprend pas. Mais celui-ci est au théâtre et est un bien piètre acteur, et certainement pas un artiste : les propos tenus n’ont de sens pour lui que sur l’instant, il ne mesure pas leur portée. Le discours de Marco Bellochio est, quant à lui, sans appel : Ida Dalser a bel et bien existé et son souvenir perdure à travers ce long-métrage témoin.