Toutes les critiques de Sansa

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Siegfried n'a qu'un prénom pour se défendre, imposé, il demande tout de suite une connivence, une intimité obligée qui peut parfois déranger. La pose agace et peut paraître prétentieuse, mais on aurait tort d'ignorer ce cinéaste aux accents libertaires. Si Sansa offre le portrait d'une errance bohème, il pose modestement quelques questions cruciales, celle de la place de l'artiste dans la société et de ce que peut faire un citoyen du monde…
    C'est petit une planète. Il suffit d'un train ou d'un avion pour se retrouver de l'autre côté de la mer. De gares ferroviaires en aéroport, Sansa sillonne le monde un crayon à la main pour griffonner quelques caricatures de touristes et gagner quelques sous. Le film commence gare du Nord. Avec sa gueule de métèque, Sansa se fait vite serrer par les flics. Passent les ministres de l'intérieur, les temps ne changent pas. Les marginaux, les rastaquouères, les originaux sont toujours suspects de ne pas être dans la norme et arrêtés pour cette seule raison… Après un petit tour au poste, Sansa reprend sa route. Irrésistiblement poussé là où ses pieds le mènent. On se demande où il vient, s'il a un chez-lui, comment il vit, s'il mange, s'il a de l'argent… Oui, comme tout le monde, sans grand confort mais sans grande misère, là n'est pas le sujet, ce n'est pas de cette dénonciation sociale là qu'il s'agit.Siegfried montre le monde tel qu'il est, sans fioritures ni naïvetés : les CRS sont de banals CRS, les gens sont ordinairement beaux. Jamais il ne s'apitoie, transmettant sans cesse une belle vitalité déjà appréciée dans son premier film. Poussé par un incroyable moteur, Sansa va toujours plus loin, de l'avant, quitte à s'égarer et se tromper, libre. Travaillant toujours ce style qui fait sa signature, le réalisateur le suit dans ses moindres mouvements, très mobile grâce à sa caméra DV, presque trop, ce qui donne au film un côté « clipesque » parfois difficile à regarder. Pourtant cette difficulté physique, cet effort, réduit la distance entre le film et la perception qu'on en a. Car l'image, le geste qui la produit est simple à faire, immédiat, ce qui impulse une incroyable énergie au film. « Quand on travaille avec Siegfried, raconte Roschdy Zem, on est en équipe très réduite. On est quatre ou cinq personnes - acteurs compris. Donc, on peut très bien être amenés à faire le clap avec les mains ou à gérer la circulation d'une rue ! On fait partie intégrante de l'équipe. D'ailleurs, ça devrait être comme ça sur tous les tournages. Toutes les émotions sont partagées par toute l'équipe, tout le temps et c'est là qu'est le plaisir ». Le film devient alors comme une métonymie de lui-même : il donne à voir plus que ce qu'on peut capter.Sansa est dans la marge et pourtant grâce à lui, tout ce qui est sur les lignes coexiste en paix. Il est ce qui permet de faire lien, réconcilie les jeunes et les vieux, est une passerelle entre les putes et les flics, entre le monde de l'art et le monde tout court, entre tous les formes de l'orient et de l'occident... Un train l'emmène ailleurs, partout, chez-lui, nulle part aussi, chez les heureux et les malheureux du monde, ceux qui ont trop chaud ou trop froid. Le monde est petit et ce n'est ni Internet ni l'Euro qui nous en donnent la preuve. Le monde a toujours été petit et le hommes se sont toujours ressemblés tout en étant si différents. La tristesse, l'angoisse, l'amour, la joie, l'amitié, la colère, c'est la même chose au Japon et en Espagne, en Russie et en Afrique. Ce tour du monde s'épuise un peu : à force d'aller partout, on finit par aller nulle part. D'autant qu'il y aura toujours des terres à découvrir. Où va Sansa ? Qui est-il ?« Sansa quoi » demande M. Click, vieux chef d'orchestre de renommée internationale - magnifiquement interprété par Ivry Gitlis. Sans sa mère, sans sa femme… ? Peut-être que c'est tout simplement l'amour que notre héros cherche sur les routes du monde. Peut-être est-ce de manière plus cruciale quelque chose qui le sauve et justifie de son existence, le fait qu'il soit debout. Pourquoi dessiner, pourquoi écrire, faire de la musique ? Pour qui ? L'Art dans la rue est-il de l'Art ? Le musicien et le gribouilleur répondent à ces questions à leur manière mais tous deux sont pour l'essentiel d'accord : il n'est nul besoin de s'en faire, il faut avancer, toujours avancer, malgré les bombes.Sansa
    Réalisation : Siegfried
    Avec : Rochdy Zem ( Sansa), Ivry Gitlis (Click)
    Sortie nationale le 28 janvier 2004[Illustrations : droits réservés ID Distribution]
    - Consulter les salles et séances du film sur le site Allociné.fr
    - Le site officiel du film : www.vagabondages.net