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Bizarrement privé de sortie française en 1997, Le Miroir trouve enfin preneur chez nous, alors que Jafar Panahi est assigné à résidence par le régime des mollahs. L’ironie de l’histoire ne s’arrête pas là puisque le film se conçoit comme une ode à la désobéissance et à la liberté. Ne pas se fier, donc, au parfum d’inquiétude et de paranoïa urbaine qui se dégage du pitch. Au contraire, Le Miroir s’emploie à associer l’esprit frondeur d’une enfant à la bienveillance naturelle du petit peuple de Téhéran qu’elle alpague à tous les coins de rue. La rupture esthétique qui intervient à mi-parcours enfonce le clou, la gamine qui joue l’écolière lâchant brutalement son rôle et l’équipe pour rentrer chez elle à pied. Mais Panahi la file en douce, et l’intrigue de se dérouler comme prévu, avec un zeste de malice et de fantaisie buissonnière. Résultat, le film court après son personnage, lequel rattrape sa jeune interprète comme dans une partie de cache-cache géante qui métamorphose le pays de la charia en un joyeux bordel.
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Contre mauvaise fortune, ils nous livrent alors l’histoire de Mina qui se refuse à jouer dans le film. L’histoire d’un résistant, Jafar Panahi, qui redouble d’astuces et de bricolages pour que son Miroir tienne debout. L’histoire d’un créateur prêt à abolir la fiction, à délaisser toute forme d’artifice pour réaliser l’acte qui est peut-être, en lui-même, le moins réaliste du monde : filmer le réel, de manière brute. Brutale, pourrait-on dire. Mais c’est "filmer" qui importe, comme une urgence, plus encore que l’objet du film. La portée du geste en devient politique, au point que le bris du miroir donne lieu à un éloge de la fiction, d’une fiction à retrouver, d’une fiction indissociable de la liberté créatrice. Suivons donc Mina jusqu’au bout, dans sa recherche d’une avenue, d’un taxi. Ne la laissons pas interdire. Demandons-lui encore de bien vouloir jouer dans le film. Dans ce film qui n’en est pas un. Et qu’importe si elle refuse : Jafar filmera quand même.
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La traversée de Téhéran par une enfant perdue mais obstinée est orchestrée avec maestria par Panahi, qui distille les sensations avec observation réaliste, poésie urbaine et humour.
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(...) L'Iran d'hier et d'aujourd'hui s'entrechoquent, entre oppression, poids de la religion et désir d'émancipation.
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Inédit en France mais couronné d’un Léopard d’Or à Locarno en 1997, ce film farceur et sensible nous offre le meilleur du cinéma de Panahi : des situations totalement incertaines et qui, par là même, reflètent une réalité tangible au fil de longues prises de vue virtuoses, quasi documentaires et le plus souvent tournées dans l’espace public. De même, comme dans chacune des fictions de Panahi (...) on y retrouve des acteurs non professionnels qui font merveille, notamment des enfants. Au final, c’est un magnifique travelling sur les leurres, les heurts et les bonheurs de la société iranienne qui nous est ici proposé. Un miroir en effet.
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Comme dans son premier film, "le Ballon blanc", Jafar Panahi scrute la société iranienne à travers le regard d’une enfant. Une façon plus douce de parler de la place des femmes, des inégalités, de l’insoumission. Pas plus haute qu’un capot de voiture, Mina ne s’en laisse imposer ni par les adultes ni par une quelconque autorité. Si bien qu’elle décide même de ne plus faire l’actrice pour Panahi. Le film se poursuit alors sous forme de document-vérité, le réalisateur suivant Mina hors film se perdant dans les rues de la ville. Léopard d’or au Festival de Locarno, "le Miroir" est curieusement resté inédit en France depuis 1997. Il faut d’autant plus le voir que la condamnation de Jafar Panahi à six ans de prison et à une interdiction de tourner pendant vingt ans a été confirmée en appel en octobre.
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La petite Mina - l'actrice - décide alors de retourner vraiment chez elle par ses propres moyens. Panahi et son équipe la suivent à son insu, la perdant parfois dans la pagaille urbaine de Téhéran. Ce glissement de la fiction vers le documentaire - du moins en apparence - finit par tourner en rond dans la dernière demi-heure. Mais entre-temps, il aura permis à Panahi d'offrir une réflexion ludique et sérieuse sur le réalisme au cinéma, sur sa position de réalisateur (obligé, en 1997 comme aujourd'hui, de tourner clandestinement) ainsi qu'une parabole sur la liberté : la frêle Nina, qui tient tête aux hommes qu'elle croise, devient l'incarnation de la résistance à la dictature des mollahs.