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Peut-être s’est-il vu dans le miroir qu’il se tendait à lui-même dans son film précédent, Hugo Cabret. Peut-être a-t-il pris conscience qu’il n’était pas l’enfant génie gambadant dans les coulisses de la Gare du nord, émerveillé par le XXème siècle commençant et la magie du septième art, mais le vieux maître standing ovationné à la fin du film. Dans toutes ses interviews à l’époque, Noël 2011, Martin Scorsese insistait pourtant sur son identification personnelle avec le petit Hugo, le gamin aux yeux écarquillés. Mais l’évidence de ses soixante-dix ans passés autorisaient à considérer que son alter ego à l’écran était plutôt George Méliès, le vieux pépé grognon ayant épuisé tous ses tours, son enthousiasme et sa capacité à créer, mais enfin reconnu à son juste niveau après de longues années de frustration (une allusion consciente ou non à son Oscar tardif pour Les Infiltrés, pourtant l’un de ses moins bons films). Au XXIè siècle, le cinéma de Scorsese était devenu un musée, une collection d’images fantômes et de statues de cire. L’homme ayant atteint un statut de Dieu vivant intouchable, on pouvait entendre le chœur médiatique vanter les mérites de chacun de ses films et comptabiliser les chiffres au box-office, dix fois supérieurs dans la période DiCaprio à ce qu’ils avaient pu être dans les années 70-80, les années Taxi Driver, les années Raging Bull, les années De Niro. Les admirateurs ronronnaient comme des chats contents. Le cinéma de Martin Scorsese ronronnait, lui, comme au ralenti, tout content de lui. Et puis, dans son miroir, il a vu. Vu qu’il n’était plus la plus belle. Il lui fallait réagir. Si Hugo Cabret a donc fait office de piqûre de rappel pour le cinéaste, Le Loup de Wall Street est un shoot géant à destination de son public. Le « système Scorsese » avait culminé dans Casino, en 1995 ? Le Loup se propose de considérer tous les films qui ont suivi (sept longs-métrages, de Kundun à Hugo) comme une parenthèse molle du genou. Guidé par un script stupéfiant de Terence Winter (ancien de la maison Soprano, aujourd’hui show runner de la série Boardwalk Empire) et par l’autobio non moins stupéfiante de l’ex-trader carnassier Jordan Belfort, Scorsese lance DiCaprio dans un one man show cartoonesque délirant, quelque chose comme la séquence culte sous drogue des Affranchis étendue sur près de trois heures. Bien sûr, tout ce petit monde-là, réalisateur inclus, a parfaitement conscience de « faire du Scorsese. » Mais outre qu’on ne risque pas de s’en plaindre, le film fonctionne comme un morceau de bravoure perpétuel, une frénésie de cul, de drogue, de pipes, de bites, d’avidité, d’argent obscène littéralement jeté à la poubelle, de lancers de nains, de partouzes dégénérées au service d’une charge satirique décomplexée contre l’argent roi des 80’s (et d’aujourd’hui) et contre les créatures caligulesques qui sacrifient à son culte obscène. Sans doute parce qu’il est lui-même passé par une période putes, drogues & cinéma à la fin des années 70, Scorsese montre ça avec une espèce d’horreur jubilatoire ou de jubilation horrifique, un doigt sur la gâchette de la morale puritaine, mais le nez dans la poudre et la luxure, un sourire gargantuesque sur le visage. De son côté, après quinze ans de rôles renfrognés, de front plissé et de sourcils froncés, Di Caprio explose sur l’écran dans un rôle d’histrion frénétique, drivant le film non stop, en faisant bien attention à rester continuellement dans le rouge. Alors mieux que les Affranchis ? Aussi bien que Casino ? La question ne se pose pas en ces termes. Là où ces films étaient ouvertement fascinés par leur sujet, amoureux de leurs personnages de gangsters glam, Le Loup de Wall Street se présente comme un jeu de massacre sans retour, sans recours, sans rédemption ni circonstances atténuantes, une sorte d’appel à la haine sociale contre les requins sans foi ni loi qui passent le film (et leurs vies) à s’en mettre partout : plein les poches, plein le pif, plein les yeux, plein le cul. Pas « goodfellas, » « badfellas » : des sales types. Et un vrai grand film.
Toutes les critiques de Le loup de Wall Street
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Le cynisme joyeux de tous ces manipulateurs donne lieu à des scènes absurdes et cruelles. Leonardo DiCaprio, enfantin et féroce, domine une distribution éblouissante où il faut noter la prestation brève mais tonitruante de Matthew McConaughey et la bonhomie furieuse de Jonah Hill.
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En ressort une œuvre étonnamment complète et complexe, tout autant une comédie hilarante et absurde qu’une fresque obsessionnelle et dramatique sur la quête impossible du plaisir.
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A en juger par Le loup de Wall Street, sa folie reste sa raison d'être. Celle d'un cinéaste amoureux fou du cinéma, hanté pas sa propre désespérance. Une désespérance qui le pousse, pour notre plus grand plaisir, à réaliser d'excellents films.
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Leonardo DiCaprio dans la peau de Belfort, stupéfiant de cynisme, livre une interprétation exceptionnelle. (...). Un grand film étourdissant.
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Ces trois heures épuisantes et profuses signent l’accomplissement de ce qui travaille en profondeur les derniers films de Scorsese depuis "Les Infiltrés" : la fabrique d’images doubles, un pied dans la virtuosité et le brillant des images, les figures du genre et la reconduction des courants de son œuvre, l’autre dans une révélation (presque une convocation) d’un envers chaotique, informe et monstrueux.
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Film somptueusement autosatisfait et voluptueusement réalisé (...)
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Le film a un programme beaucoup plus insolent. Et autrement plus efficace que l'archéologie de la crise financière à laquelle, vu son sujet, on pouvait s'attendre.
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Leonardo Di Caprio une fois encore époustouflant dans un nouveau sommet de cinéma scorsesien.
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Scorsese s’amuse, jubile, et n’hésite jamais à en remettre une couche.
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Il ne ressemble à aucun autre, il est hallucinant, tant par le fond que par la forme. (...) Et c'est sans aucun doute le film le plus réussi de ces deux géants du cinéma.
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En trois heures menées tambour battant et racontées par Belfort (Leonardo DiCaprio), Scorsese nous livre un film punk rock (...). DiCaprio est extraordinaire dans la peau de ce personnage comique et dramatique.
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Sa maîtrise de la fresque est intacte, avec l'ampleur et l'hyperréalisme de ses meilleures tragédies violentes.(...) Ces influences produisent le défaut véniel du film : un peu de complaisance pour la « beauf attitude » des loups en rut.
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Evidemment, avec son montage ultra-dynamique, sa photographie léchée et sa BO rutilante, 'Le Loup de Wall Street' joue davantage dans la performance visuelle et sonore que dans la critique de fond du monde de la finance. Mais son rythme nous emporte tout de même irrésistiblement (...)
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Ce film-flamme finit pourtant par s’éteindre avant l’heure, et avant tout parce qu’il est trop long. En se privant de quelques redondances festives, et en réservant certaines scènes à son futur blu-ray, Scorsese (qui avait pourtant déjà réduit le métrage d’une heure avant sa sortie) aurait pu faire de l’inévitable érosion du gourou Belfort une fin de parcours aussi jouissive que les trois autres quarts du film, avec le même panache glauque qui baignait celle d’Henry Hill . Mais c’est un menu défaut, et il est plutôt logique de voir une œuvre aussi joyeusement déréglée se prendre les pieds dans sa propre surenchère.
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Le septuagénaire Martin Scorsese semble fasciné par cette énergie qu’il met en scène. Une façon pour lui de signifier son refus de baisser la garde ?
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Un bon moment de cinéma, même si la fidèle chef monteuse du grand cinéaste, Thelma Schoonmaker, ne retrouve pas la magie de "Casino"
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Le flm décrit avec frénésie un univers de débauche qui paraît encore plus hallucinant aujourd’hui, en pleine crise économique mondiale. Seul Scorsese pouvait rendre avec autant de virtuosité l’hystérie du milieu des traders des nineties et l’obscénité de leur train de vie.
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Avec la complicité de son acteur fétiche, Leonardo DiCaprio, une fois de plus habité par son personnage hors normes, Scorsese signe un grand film sur l’envers du rêve américain
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The Wolf of Wall Street est une réussite, et peut-être le meilleur film du réalisateur new-yorkais depuis dix ans.
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Une vigueur retrouvée qui profite pleinement à un Di Caprio qui tombe enfin le masque.
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Avec ce remake des Affranchis en milieu boursier, personne ne s’étonnera de voir Scorsese revenir au sommet de son art – cet art de la narration polyphonique hallucinée, de la fresque bouillonnante et euphorique.
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En plongeant à pieds joints et les narines grandes ouvertes dans la finance des années 90, Martin Scorsese signe le film le plus drôle de l'année.
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c’est ce lyrisme et cette fougueuse poésie que contenait Mean Street qui manque au Loup de Wolf Street qui décidément ne nous effraie pas tant que ça.
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Martin Scorsese conduit ce carnaval grotesque avec la maestria de mise en scène qu’on lui connaît, en s’adonnant lui-même à tous les excès.
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Le film est à l’image de cet héroïsme de l’obésité, il prolifère, enfle, devient énorme, explose, puis, nageant dans son propre vomi, reconstitue ses forces et repart. Cette extraordinaire vitalité fascine tout autant qu’elle nous menace.
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Au fond, on sent que le cinéaste ne pense pas grand-chose de Belfort. Faute d’être porté par une quelconque empathie, il se laisse un peu déborder, et se raccroche à sa cruauté de moraliste et à ses effets de signature.
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Ici, le fric et les orgies à la chaîne lassent dans leurs excès, malgré le brio des images. (...) Le spectateur, lui, n'a pas forcément les pilules ou la poudre magique pour supporter cela pendant trois heures...
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Une note d'intention qui n'excuse en rien la lourdeur des dialogues, la transparence des personnages, l'hypertrophie de l'ensemble, son montage fumeux, son esthétique de supermarché ou son discours inexistant. Et le scandaleux orgasme qui nous était promis de s'achever en finition manuelle fatiguée.
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Son film, long et répétitif, est une succession de moments outranciers dont les charges provocatrices ou humoristiques s’épuisent rapidement.
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Le "Loup de Wall Street", c'est "Casino" passé à la moulinette fadasse de la petite forme télévisuelle (...) 170 minutes d'indigence.