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La Nuit du 12 commence par un geste audacieux qui témoigne de la confiance de Dominik Moll et de son complice de plume Gilles Marchand en leur scénario, adapté d’un livre de Pauline Guéna. D’emblée, un carton nous révèle la conclusion du récit qu’on s’apprête à suivre : cette enquête autour de l’assassinat d’une jeune femme brûlée vive en pleine rue ne sera pas résolue. On imagine que cette décision n’est pas allée de soi. Mais ce parti pris gonflé se révèle totalement payant. Tout d’abord parce que bien qu’on en connaisse donc l’issue, La Nuit du 12 est traversé par une tension permanente qui ne cesse de faire croire qu’on a mal lu le carton initial. Ensuite et surtout parce qu’on comprend très tôt que ce film va transcender l’enquête sur cet homicide pour s’emparer plus largement de la question de la violence faite aux femmes et montrer en quoi le fait que les investigations sur ces féminicides soient menées par des policiers majoritairement masculins influent sur les interrogatoires et par ricochet sur le résultat des enquêtes. Ne serait-ce que par les questions posées aux proches de la victime qui, ici, semblent maladroitement vouloir chercher à expliquer cette agression par le côté en apparence volage de celle- ci, introduisant un aspect moral incongru dans un geste de pure sauvagerie. Dans ce récit à l’os servi par une mise en scène maîtrisée, distillant avec précision dans un univers ultra- réaliste des moments d’onirisme traduisant les pensées intérieures d’un enquêteur de plus en plus perdu, le réalisateur d’Harry, un ami qui vous du bien ne reste jamais arc- bouté sur son sujet. Il dézoome toujours à bon escient pour montrer, à travers lui, combien le manque de moyens impacte ces flics payés au lance pierre, sacrifiant leurs vies personnelles à leur travail au nom d’une certaine idée de leur métier. Sous ses allures de film noir, de polar, La Nuit du 12 se révèle donc aussi un brillant plaidoyer pour la sauvegarde d’un service public en péril. Le tout servi par un casting remarquable (Bastien Bouillon, Bouli Lanners et Anouk Grinberg en tête) qui participe grandement à cette quête d’authenticité érigée ici en priorité. Sa place dans la compétition sur la Croisette – où il a été présenté dans la section Cannes Première- n’aurait été en rien usurpée.