- Première
Après plusieurs aventures au côté de François Ruffin et un passage moins convaincant par la fiction avec Reprise en main, Gilles Perret revient aux fondements de son cinéma, comme une évidence. Dans La Ferme des Bertrand, le cinéaste-documentariste filme un monde rural harmonieux, trouvant la distance parfaite entre les difficultés qu’endure la sphère de l’agriculture et ses progrès mirobolants dans le développement de la technologie, qui permet d’économiser les forces tout en ouvrant la porte à de meilleurs rendements. Si le commentaire politique est limpide et terriblement d’actualité, c’est pourtant dans sa dimension intimiste que le film trouve son ton. Plus proche d’Agnès Varda que de Frederick Wiseman, Perret filme une famille épanouie et incroyablement modeste, celle des Bertrand, qu’il avait déjà portraituré dans son premier film Trois frères pour une vie en 1997 après avoir vécu durant toute son enfance à côté de cette ferme de Haute-Savoie perchée dans les montagnes. En complétant les images de 1997 et 2022 avec des archives télévisées de 1972, le film offre une vision kaléidoscopique d’un métier encore trop peu mis en valeur, auquel Perret restitue toute son importance ainsi que son humanité, prenant ainsi le parti de montrer les purs moments de bonheur peuplant leur quotidien et pas uniquement les difficultés physiques et morales que celui-ci peut engendrer. Il ne reste désormais plus qu’à attendre 20 ans avant de voir, peut-être, la relève des Bertrand devant la caméra de Gilles Perret.
Yohan Haddad