- Fluctuat
On regrette amèrement que le dernier opus du batave Verhoeven soit un ratage consternant. On imagine aisément ce qu'il aurait pu faire sans les contraintes habituelles et finalement insupportables des gros bonnets de Columbia.
The Hollow Man devient au bout de trente minutes aussi prévisible qu'un essai cinématographique de Michael Bay !Le scientifique Sébastien Caine découvre le mécanisme moléculaire de l'invisibilité. Aidé de ses assistants, il tente l'expérience au-delà de ses propres limites : devenir lui-même invisible. L'expérience échoue, le condamnant pour un temps incertain à rester dans cet état. Mais comprenant progressivement les nombreux pouvoirs de cette nouvelle aptitude, il change de comportement...La première séquence est un modèle de suspense car elle conduit le spectateur vers une piste narrative complètement invraisemblable. Verhoeven sait par quels moyens nous terroriser. Pour cela, il va filmer en serrant de près une petite souris qui se balade dans un laboratoire. Une main humaine la place dans une salle étrangement vide. Juste une petite écuelle posée sur un sol artificiel fait office de mobilier. Verhoeven continue de suivre sa petite souris. Soudain, quelque chose la serre atrocement et finit par la dévorer entièrement. Le sang dégoulinant d'une gueule à moitié visible nous confirme une chose : un gorille invisible attendait impatiemment.Cocteau disait : "Notre prison n'a que trois murs et c'est contre le quatrième que le prisonnier s'acharne, sur ce quatrième mur invisible qu'il écrit ses amours et ses rêves". Sébastien Caine est un génie mais il est arrogant. Il magnifie la médiocrité car il ne la connaît pas. Il a une belle voiture et écoute de la musique à fond car il est libre et se sent seul. Il ne connaît pas la solitude mais l'envie. Toute la thématique de ce film (filmer ce que l'on ressent et que l'on ne voit pas) tourne autour de ce personnage et de ses défauts. La bonne humeur, les belles gueules, les belles femmes... La beauté sous toutes ses formes symbolise le Mal. Caine devient ombre, et cela le rend heureux. Car il fait ce que tout bon cinéaste doit faire : il manipule son entourage !
Et puis, tout part en vrac. Le sujet de Verhoeven devient étrangement ennuyeux comme si l'on sentait constamment un air de déjà-vu, une énième version sur l'homme invisible, une incapacité totale à nous rendre pantois comme l'avait fait soixante-six ans auparavant James Whale.
Et puis au bout de trois-quarts d'heure, des questions fusent de partout. Pourquoi Verhoeven alourdit ses propos et sa mise en scène par des facilités visuelles (le double regard du spectateur aidé de la caméra permettant de détecter les matières invisibles de certaines séquences du film), des poursuites inutiles et surtout des rebondissements de dernière minute carrément épouvantables. Où voulait-il en venir ?
Et le carnage final, de surcroît prévisible, refait surface... Pendant ce temps-là, Verhoeven n'a pas remarqué que le spectateur est parti depuis belle lurette comme s'il avait fini par devenir lui-même invisible !Hollow man
De Paul Verhoeven
Avec Kevin Bacon, Elisabeth Shue, Josh Brolin
Allemagne / Etats Unis, 2000, 1h52 min.
L'Homme Sans Ombre