Toutes les critiques de Girlfight

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    L'affiche trône dans les couloirs du métro, faite pour attirer l'oeil : une fille dans la pénombre fait un mouvement de boxe. On a gardé le titre anglais, agressif et intrigant. A ouvrir également vos oreilles vous avez sans doute entendu parler de ce film "de femme" qui ferait bonne figure dans le festival du film du même nom.
    Et les beaux parleurs cinéphiles d'entamer leur petit plaidoyer sur la cause féministe qu'on a enfin eu ici les couilles de défendre... Il serait complètement réducteur de voir Girlfight selon la seule grille de lecture féministe, ce qui n'empêchera pas les critiques d'extraire des évidences scénaristiques et de leur donner une portée politique.Ne soyons pas dupes. Certes Karyn Kusama asseoit son personnage de boxeuse -qui doit, avant de monter sur le ring, affronter quelques professeurs machos - avec une certaine lourdeur.
    Pourtant cette histoire "de boxe" est moins une dénonciation - les femmes ne sont pas faites pour la boxe - que la chronique d'une adolescente mal dans sa peau.
    Et bien sûr, les consciences sont marquées par les plans en noir et blanc d'un ring émergeant dans la lumière, les combats, truqués, voient la chute du héros qui s'allonge sous l'oeil d'une mafia payant grassement...Cependant, cette esthétique se trouve au service d'un tout autre scénario. Ce n'est pas une descente aux enfers que nous montre la réalisatrice mais une ascension vers la sérénité. Diane est une adolescente qui se bagarre dès que l'occasion se présente. Quand la jeune pimbêche de sa classe la dérange, elle joue de ses poings mais ne gagne que des heures de colle et des quolibets. Electron libre dans une société qui n'a pas de place pour elle, elle promène son regard âpre et son caractère rugueux, de vengeances en provocation. Quand elle découvre les cours de boxe en allant y chercher son frère, elle voit là un moyen d'expier sa haine impérissable et toujours latente dans les règles d'un art sans compromis. C'est parce qu'elle apprend les exigences, les règles et les coutumes d'un sport, parce qu'elle s'affirme en développant sa force physique, qu'elle s'affirme également dans la vie, face à son père, à son frère et à ses amies.Sa force et son mouvement étaient ses seules façons d'exister dans l'image comme dans la vie. Ses gestes se règlent bientôt au rythme des entraînements, et deviennent plus tranquilles plus ordonnés et moins vindicatifs. Les coups sont implacables, portés par une prise de parole de plus en plus assumée. Car dans cette sueur et dans ces affrontements, dans l'apprentissage des tactiques et de la sagesse sportive, Diane apprend à être adulte et à se découvrir. Là réside la raison d'être du film.
    Alors qu'elle vient de remporter sa première grande victoire, seule dans les vestiaires, on la voit peu à peu lâcher son masque, apparaît alors la petite fille qui pleure les mains à peine sorties de ses gants de boxe. C'est parce qu'elle enchaîne les défaites, les victoires et les humiliations sur le ring, et parce qu'elle accepte d'y prendre des risques, qu'elle finit par comprendre le monde qui l'entoure, par découvrir et par accepter l'amour, par grandir, par s'assagir. " Peut-être la vie n'est la guerre que pendant un temps " dit l'adolescente à la fin du film.Karyn Kusama n'épargne jamais son personnage : pas de pathos inutile, une évocation juste de son milieu social, de ses complexes familiaux qui ancrent sa rage de vaincre ; pas de misérabilisme stérile, les banlieues, la cité, les voyous plantent juste le décor en arrière plan. Le père sévère et ambigu garde tout son mystère, Diane est le sujet central.La comédienne débutante sélectionnée parmi 300 autres a suivi un entraînement semblable à celui du personnage. Ici elle sue, se bat, échoue sans que la caméra ne la traite jamais avec indulgence. Le visage transformé par les protège-dents, son regard sur le ring est celui d'un prédateur. Sur fond de flamenco, le combat est une affaire de fierté. Celle de gagner bien sûr, mais surtout celle d'accepter de se battre. La réelle victoire est celle de l'affirmation de soi. Les mains bandées, on se rend compte qu'elle a choisit la boxe comme d'autres, dans un style différent, ont choisi le théâtre...
    Si quelques maladresses ponctuent ça et là la narration, voilà en tout cas un premier film très prometteur.Girlfight
    De Karyn Kusama
    Avec Michelle Rodriguez, Jaime Tirelli, Paul Calderon
    Etats Unis, 1999, 1h50.