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Dans le sous-genre fécond des films sur l’adolescence, le nouveau long métrage de Joachim Lafosse (Nue Propriété)
se classe du côté des regards les plus dérangeants et les moins consensuels, qui sont aussi les plus passionnants, tant ils révèlent les gouffres et les troubles de cet âge. Portrait d’un garçon de 16 ans en échec scolaire, dont l’éducation est prise en main par un adulte a priori bien intentionné, Élève libre pousse sa logique jusqu’à l’extrême. Il y est question de manipulation et de sexualité, de liberté individuelle et de limites, de choix et d’abus, de transmission et de domination. Bref, un film complexe, qui met d’autant plus mal à l’aise que sa mise en scène très rigoureuse empêche tout jugement facile. Brillant.
Toutes les critiques de Elève Libre
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
- Téléramapar Jacques Morice
Ce film-ci est parmi les plus dérangeants qu'on ait vus depuis longtemps. La perversion à l'œuvre y est d'autant plus troublante qu'elle n'est pas pornographique. Elle est plus insidieuse : elle se cache d'abord dans le langage, ce possible instrument de pouvoir.
- Fluctuat
Décrivant la relation explosive entre un adolescent et des adultes qui s'amusent à le manipuler, Elève libre surprend par sa mise en scène acérée et la crudité de ses dialogues. Dans Nue propriété, Joachim Lafosse auscultait avec âpreté les conflits opposant une mère à ses deux fils. Cette fragile relation familiale ne constitue plus qu'une toile de fond dans Elève libre, qui mise son énergie sur le drôle de quatuor formé par un adolescent et trois amis adultes. Entre éducation sentimentale, soutien scolaire et initiation sexuelle, les frontières vont s'estomper... Une des forces du film est de dessiner un puissant lien entre pouvoir et langage, en faisant de la parole un outil de manipulation. Avec ses répliques délicieusement crues (il y a longtemps qu'on n'avait pas entendu parler si librement de sexe au cinéma), Elève libre décrypte le mécanisme par lequel Pierre (Jonathan Zaccaï) parvient à faire croire au jeune Jonas (Jonas Bloquet) que celui-ci pense par lui-même. Au-delà de cet engrenage narratif, Elève libre est une oeuvre qui respire, transpire et attire la lumière. La mise en scène, ciselée et tranchante, s'intéresse aux corps et à leurs pulsations. Difficile pour le spectateur de savoir s'il se trouve face au portrait d'un adolescent égaré ou devant la chronique amère d'adultes névrosés ; le flottement est perceptible et les acteurs s'engouffrent joliment dans la brèche que leur offre le réalisateur.Si certains ont vu dans Elève libre une condamnation pudibonde du libertinage, le film s'avère plus subtil que cela. Joachim Lafosse ne fait qu'éclairer à sa manière un parcours individuel, qu'il ne cherche pas à rendre universel. Explorant avec brio la notion de libre-arbitre et les ambiguïtés qui peuvent l'habiter, le cinéaste élargit brillamment les horizons de sa jeune filmographie.[mediabox id_media="83686" align="null" width="500" height="333"][/mediabox]Illus. © Haut et Court- Exprimez-vous sur le forum cinéma- Lire le fil réalisateur sur le blog cinéma
Pariscopepar Arno GaillardLa transmission, les premiers pas vers la sexualité des premières amours, celle des adultes aussi, le pouvoir d’un professeur sur un élève, l’homosexualité latente et le mal-être d’un homme : voilà ce que filme Joachim Lafosse. Devant cette œuvre subtile, on pense à Luis Bunuel, le cinéma de ces dernières années a rarement montré avec autant d’ habilité et d’intelligence des moments aussi troublants. Une fois de plus, Jonathan Zaccaï, dans le rôle de Pierre, apporte tout son talent à cette histoire. Il est cet adulte en souffrance qui manipule et tente d’enfermer par son érudition et sa culture, dans sa douloureuse cage humaine, ce jeune élève libre mais encore fragile. Un film dérangeant, un étrange obscur objet de perversité qui, sans doute, déconcertera certains spectateurs.
Le Mondepar Jean-François RaugerElève libre décrit une manipulation tout entière, tendue vers la conquête d'une proie a priori facile. Et si la qualité de l'interprétation lui évite toute sécheresse trop abstraite, le film de Joaquim Lafosse pose avec une indiscutable acuité et une vraie singularité des questions complexes, déstabilisantes dans le concert hédoniste actuel.