Première
par Thomas Baurez
Le titre renvoie à Michel Foucault et René Allio, mais Cyrille n’est pas Pierre Rivière et n’a pas assassiné sa famille. C’est même tout l’inverse. Son combat à lui, c’est de maintenir debout la ferme familiale, une petite exploitation trop fragile donc peu compatible avec un monde agricole où seuls les plus forts survivent. Rodolphe Marconi (Lagerfeld confidentiel) a rencontré Cyrille par hasard sur une plage. Le jeune homme hésitait alors à se mettre à l’eau. Ils ont fait connaissance, de là est née l’idée d’un portrait. On le sait depuis – au moins – le succès de Petit Paysan, le monde agricole et ses souffrances peuvent « faire cinéma ». Pas de westerns façon US, non, plutôt des drames sociaux en forme de chronique d’une mort annoncée (Au nom de la terre). Là où ce documentaire est passionnant, c’est dans sa façon de filmer avant tout un personnage, de ne s’intéresser qu’à lui, d’accompagner ses gestes, ses désirs (que l’on devine à la fausse dérobée sur son écran de portable le soir avant de s’endormir), ses combats personnels... Se dessine un jeune homme, engagé volontaire dans une sorte de fuite en avant. La vie accable et broie. Cyrille semble avoir oublié qu’un choix était possible. Quand Marconi l’a rencontré hésitant à se mouiller complètement, c’est peut-être ça qu’il a senti, cette fragilité intérieure qui empêche de s’accomplir. Cyrille se lève à l’aube, s’occupe de ses vaches. Il sait, au fond, que tout ça est éphémère mais il s’accroche. C’est beau, touchant. Cyrille est agriculteur, ça fait de lui un homme solitaire.