- Fluctuat
Thriller poisseux et angoissé sur fond de corruption policière dans une Los Angeles crépusculaire, Au bout de la nuit réussit son mélange entre [people rec="0"]Sidney Lumet[/people] et The Shield en trouvant son style et une atmosphère fascinante.- Exprimez-vous sur le forum cinéma Les adaptations de James Ellroy ont toujours été inégales, comme si la densité littéraire des polars du maître ne pouvait pas retrouver leur ampleur dans un scénario, auquel pourtant il participe systématiquement. Au bout de la nuit, tiré d'un script original d'Ellroy et signé David Ayer, déjà scénariste sur le discret mais réussit Dark Blue (auquel on pense beaucoup ici), n'échappe pas à cette fatalité : les images buttent sur le texte, sur la complexité supposée de l'intrigue, ses ressorts pervers et anxiogènes qui entrainent puis emprisonnent les personnages dans une descente aux enfers aux multiples pièges et retournements. Une résistance que pourtant David Ayer contourne en révélant le réalisme protéiforme et crépusculaire de Los Angeles, cette nébuleuse plate et sans fin qui sert de contexte géographique morbide et récurrent à Ellroy. Il y a un réel climat dans Au bout de la nuit, une vérité des ambiances, une manière de saisir à la volée des rues anonymes ou les recoins égarés du vice. Pour ses chromos urbains, cette lumière du bout du monde servant de console détraquée pour mesurer l'inquiétude d'une criminalité rampante et sans limites, le film vole la vedette au scénario, ce qui est un moindre mal.Ne vantons pas la seule vertu climatique du film. Au bout de la nuit, où l'on retrouve un Keanu Reeves abîmé, tente de concilier deux horizons. Le premier serait une relecture de Serpico : l'histoire d'un policier un peu cow-boy, embarqué dans une histoire de flics pourris dont il découvre les rouages en vengeant la mort d'un ex coéquipier qui voulait le donner aux affaires internes. Le second viendrait des séries télé et The Shield en particulier, dont le film hérite et auquel il échappe à la fois dans sa quête d'un lyrisme poisseux. Conçu tel un cache-cache avec enquête et accumulation de preuves sur lesquelles on a un peu trop d'avance, Au bout de la nuit n'a pas la rigueur dialectique du "sidney lumet" rec="0", mais tente d'en retrouver la puissance d'abstraction : l'univers décadent d'une justice corrompue vue comme une entité solide et pyramidale, presque conceptuelle. Si enfin la trajectoire impulsive de Keanu Reeves n'évolue pas comme celle idéaliste d'[people rec="0"]Al Pacino[/people] (bloc contre bloc, système contre système), elle conserve un crescendo épiphanique : le personnage découvre une vérité du monde qui est aussi la sienne. Malgré ses faiblesses, sa construction qui bafouille, le film réussit à imposer sa vision tout en ressuscitant un certain polar eighties venu des seventies, et c'est bon.Au bout de la nuitDe David AyerAvec Keanu Reeves, Forest Whitaker, Hugh LaurieSortie en salles le 25 juin 2008Illus. © Twentieth Century Fox France - Exprimez-vous sur le forum cinéma- Lire les fils adaptation, film policier sur le blog cinéma- Les adaptations de James Ellroy sur Flu : lire les critiques de Dark Blue (2003) et du Dahlia Noir (2006)