Le film de SF de Steven Spielberg a divisé à sa sortie. Arte le rediffuse ce soir.
Au début des années 1970, Stanley Kubrick se lance dans un projet d'adaptation de la nouvelle Les Super-Toys durent tout l'été de Brian Aldiss. A.I. commence à prendre forme en 1985 lorsque Kubrick invite son ami Steven Spielberg à produire le film à ses côtés. Le projet sera ensuite longtemps coincé dans un "development hell". En 1995, Kubrick finit par l’abandonner en l'offrant à Spielberg, qui le mettra définitivement en chantier à la mort du réalisateur, en 1999, avce Haley Joel Osment (Sixième sens) dans le rôle principal. Il en résultera un film que Spielberg voulait le plus proche possible de ce qu'en envisageait Kubrick, mais qui n’a pas reçu l’accueil escompté.
A.I. n’est pas le mieux aimé des Spielberg, mais le long métrage est cependant intéressant. Alors qu’il repasse ce soir sur Arte, dans le cadre d’une programmation spéciale consacrée au réalisateur, nous republions notre critique parue dans Première en novembre 2001.
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Il l’aime, elle s’en fout. Pendant que leur fils sombre dans le coma, les Swinton adoptent David, un petit robot programmé pour aimer. Lorsque le vrai enfant revient, David manifeste des signes d’humanité : jalousie et peur de mourir. Abandonné dans les bois, il va tenter de retrouver ceux qu’il considère comme sa famille.
Pinocchio dans un futur improbable. Si ce film est loin d’être satisfaisant, il a au moins de quoi alimenter les polémiques. Pour commencer, il devrait s’appeler « A. A. » pour « Affectivité Artificielle ». A défaut d’intelligence, l’émotion est le seul moteur possible d’une histoire difficile à avaler parce qu’obsolète. Si aujourd’hui, la technologie n’apporte pas de réponse aux questions que posait en 69 la nouvelle de Brian Aldiss dont le film est tiré, elle permet au moins de faire la part de ce qui est réaliste et de ce qui ne l’est pas. On sait par exemple que la possibilité de fabriquer des organismes artificiels conscients est aussi improbable que de voyager dans le temps. C’est peut-être pour cette raison que Kubrick avait de plus en plus de mal à trouver un sens à cette histoire.
En prenant le relais, Spielberg a simplifié les enjeux, ne gardant de la trame futuriste que le décor d’un conte de fées. Même là, A.I. fonctionne de guingois. Au fil d’une structure classique en trois parties, l’intérêt va en décroissant.
Dans l’exposition, Spielberg survole les principaux problèmes en prenant soin d’esquiver la vraie question : comment un être artificiel pourrait-il être aimé quand lui-même ne sait pas qui il est ? Spielberg se concentre sur ce qu’il sait faire, établissant d’emblée son personnage comme purement humain, notamment dans son exigence d’un amour réciproque.
Dans la seconde partie, Spielberg marque son territoire en resservant son thème obsessionnel de l’enfant éloigné de sa famille. On a vu ça dans ET, Sugarland Express, Empire du soleil… Ici, l’humanité de David est accentuée par la différence établie entre lui et son camarade Gigolo Joe (Jude Law) : d’un côté, une machine à aimer, de l’autre, une machine à baiser. Ce qui fait la supériorité de la première, c’est sa capacité à rêver, même si ce rêve est artificiel, comme on peut le voir dans la conclusion, nébuleuse et trop longue. Au total, le film ne manque pas d’ambition, ni de moments brillants, mais il se résume à la lecture infantilisante d’un thème dépassé de la science-fiction.
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