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En 1994, la députée varoise Yann Piat est abattue par deux motards. Karin Viard ressuscite avec brio cette femme controversée, dont l’assassinat conserve sa part de mystère. Télé 7 jours a rencontré l'actrice

Le 25 février 1994, Yann Piat, 45 ans, députée du Var, est assassinée à Hyères. Membre de l’UDF (centre-droit), elle a auparavant appartenu au Front national. Cette année-là, elle briguait la mairie de Hyères. L’enquête accusera un patron de bar lié à la Mafia, Gérard Finale. Mais il reste des zones d’ombre à cette affaire, qui mêle le milieu politique varois au Milieu tout court. Antoine de Caunes, qui réalise son tout premier téléfilm, nous montre la fin d’un parcours atypique. Karin Viard, qui a manqué le César pour son rôle dans Polisse, incarne avec beaucoup de justesse cette femme controversée. Rencontre avec une actrice habitée par son rôle.A priori, que pensiez-vous de Yann Piat, si éloignée de vous ?Je n’avais pas d’a priori, justement, pas de jugement moral. J’éprouve de l’empathie pour tous les personnages que je joue, mais sans vouloir les sauver coûte que coûte. J’ai découvert une femme dont la soif de reconnaissance semblait illimitée, motivée par une succession d’abandons et de rejets tout au long de sa vie. Sa mère a arrêté de s’occuper d’elle dès ses 7 ans. Elle a été élevée par des retraités varois, puis placée dans un foyer de la DASS, à 15 ans. Comment l’incarnez-vous ?Dans la mesure où je ne lui ressemble pas du tout, ça ne m’intéressait pas de jouer au sosie. J’ai préféré la comprendre de l’intérieur, explorer les creux, les gouffres… Et m‘intéresser à sa pensée politique, sa vie de député. A l’époque, ça n’avait rien d’une sinécure! Victime d’un machisme effrayant, elle recevait des tombereaux d’insultes…En politique, elle était seule contre tous. Séductrice, divorcée, en croisade contre le milieu varois, elle était plutôt mal vue ! Elle a appris la politique sur le tas, parrainée par Jean-Marie Le Pen. Ancien ami de sa mère, il l’a ensuite exclue du FN. Yann avait envie de s’engager pour sa région et, très vite, le peuple l’a soutenue. Elle se savait menacée. Mais sa soif de justice était quasi-enfantine. Aujourd’hui encore, elle reste populaire à Hyères, où nous avons tourné.Avez-vous rencontré Angélique, sa fille cadette (l’aînée est morte d’une overdose, ndlr)?Oui. Elle a évoqué sa mère, pas la femme politique. Elle l’a perdue à l’âge de 15 ans. Elle se sentait très proche d’elle, même si la politique dévorait leur vie de famille. Yann Piat appartenait à une génération de femmes qui accordait moins d’importance à l’enfant qu’aujourd’hui. Elle avait deux filles de deux pères différents et les élevait seule. C’était une affranchie. Vous n’aviez pas tourné pour la télévision depuis une vingtaine d’années. Pourquoi avez-vous accepté ce projet ?Il y a télé et télé. Je ne ferais pas Joséphine Ange gardien! Beaucoup trop de fictions sont cousues de fil blanc. Mais pour des téléfilms audacieux comme celui-ci, je suis toujours partante !Emmanuelle Touraine pour Télé 7 jours