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Pour résister à l’invasion des séries hollywoodiennes aux moyens colossaux, la fiction tricolore s’organise. Ateliers d’écriture, aides publiques accrues, coproductions internationales… Le rouleau compresseur américain. Une enquête de Télé 7 jours

Doc Martin, le toubib revêche, et Joséphine, l’ange gardien facétieux, font figure d’irréductibles Gaulois. Mais, au Top 100 des audiences télé 2011, les héros de TF1, doivent faire face à l’envahisseur venu d’Hollywood (Mentalist, Dr House, Esprits criminels…), qui truste 76 places. Ils sont partout, ces Ricains !Sur les six chaînes nationales historiques, la fiction étrangère – au trois quarts made in US -, a représenté 60,4 % des soirées de fiction contre seulement 39,6% pour les oeuvres nationales. Pour un diffuseur, il est bien plus rentable d’acheter un épisode d’une série américaine (entre 175 000 et 200 000 euros l’unité), au succès quasi garanti, plutôt que de contribuer au budget d’un épisode de 52 mn (entre 800 000 euros et 1,1 million d’euros), d’une production hexagonale au résultat hypothétique.Un financement amélioréEn 2011, le coût horaire moyen de la fiction française s’établissait à 973 500 euros. Une charge répartie entre les chaînes (71,4 %), les producteurs (10 %), et les aides publiques du CNC (10 %).Aux USA, le système diffère : la fiction est financée à 100 % par les studios producteurs. Un épisode de 43 mn coûte l’équivalent de 2,3 à 3,4 millions d’euros. Soit un budget trois fois supérieur ! « Mais les Américains disposent d’un marché national immense comparé au nôtre, souligne Dominique Lancelot, la productrice (Auteurs Associés) de Section de recherches (TF1). Leurs séries connaissent une deuxième vie sur les nombreuses chaînes régionales et sont vendues à l’international dès le pilote tourné. En France, le second marché de la TNT gratuite est encore jeune, et nous devons attendre d’avoir 22 épisodes pour intéresser les chaînes étrangères. »Afin d’inciter les chaînes à produire plus, le CNC vient de réformer ses aides, notamment 25 % supplémentaires accordés aux nouvelles séries de 52 mn de prime time, faisant l’objet d’une commande d’au moins six épisodes. Guillaume Blanchot, directeur de l’audiovisuel du CNC, explique : « La première saison est la phase la plus risquée. Certaines chaînes jouent la prudence en mettant en chantier seulement deux ou quatre épisodes. Nous les encourageons à en lancer six, d’emblée. »Pour Guillaume Renouil, l’heureux producteur (Elephant Story) de Fais pas ci, fais pas ça sur France 2, « la force d’une série ne tient pas à son nombre d’épisodes par saison, mais à son originalité. » De fait, sa comédie familiale reste à 8 épisodes, même en saison 5 dont le tournage vient de démarrer.Des délais raccourcisFidéliser le public reste le maître mot. Les séries doivent devenir de vrais rendez-vous. « Le vrai problème, c’est le temps d’attente entre la saison 1 et la suivante, insiste Céline Nallet, directrice des opérations de la fiction de TF1. Il a été réduit à une année au lieu de deux. »Pour raccourcir les délais, nombre de fictions sont conçues collectivement via un atelier d’écriture : un scénariste en chef supervise le travail de cinq ou six auteurs. On se rapproche de la méthode américaine où les épisodes sont tournés au fur et à mesure qu’ils sont écrits.La prochaine série de France 2, Tiger Lilly (6 X 52 mn) avec Lio et Florence Thomassin a adopté ce schéma. « La saison 1 n’a pas encore été diffusée que la saison 2 est déjà prête à être tournée en cas de succès », indique Thierry Sorel, directeur de la fiction de France 2.Des coproductions internationales Pour rivaliser avec les fictions US, certains producteurs et diffuseurs français misent sur les coproductions internationales tournées en anglais. L’avantage : des budgets maousse costauds. Le thriller franco-canadien XIII, (EuropaCorp Television), pour Canal+, a été précurseur en 2008. La saison 2 est en cours de tournage (13 X 52 mn, à 2 millions d’euros l’épisode).Lagardère Entertainment (filiale audiovisuelle du groupe Lagardère Active, éditeur de Télé 7 Jours) a creusé le sillon. La fresque historique Borgia (12 X 52 mn, à 2,3 millions d’euros le volet), cofinancée avec l’Allemagne, s’est vendue dans quarante pays en 2011. La saison 2 est en chantier.Le Transporteur (12 X 52 mn), inspiré de la trilogie cinéma produite par Luc Besson, sera aussi une ambitieuse coproduction franco-allemande, pour M6 cette fois. Et Takis Candilis, président de Lagardère Entertainment, annonce une troisième série événementielle, Le Grand (8 X 52 mn, à 2 millions d’euros l’épisode) pour TF1 : « Avec sa stature internationale, Jean Reno portera ce polar avec Paris, ville la plus visitée au monde, comme toile de fond de ses enquêtes. »Emmanuel Ducasse pour Télé 7 jours