The Voice, la gymnastique à haut niveau, la moto et… Ariane Mnouchkine. La révélation de GT Max se confie sur son parcours.
PREMIERE : Quand on tape ton nom dans Google, ce qui remonte en premier c’est une vidéo de…
AVA BAYA : The Voice… Je sais.
Tu étais donc d’abord chanteuse ?
AVA BAYA : Non. J’ai reçu un jour un coup de fil pour participer à l'émission. Je n’avais jamais regardé ce programme de ma vie, donc j'ai refusé. Mais ils ont insisté… J’ai compris plus tard qu’ils étaient tombés sur une vidéo Facebook où l’on me voyait chanter avec un sans-abri un standard de jazz… Bref, une semaine plus tard, je suis sur le plateau de The Voice devant des millions de téléspectateurs et... google n’oublie rien (rires) !
A l’origine, dans ton parcours, il y a d’abord la chanson ?
AVA BAYA : Non, l’acting est venu en même temps que la chanson. A un moment où je ne savais pas quoi faire de ma vie. J'étais en plein doute, et je ne savais pas où aller. J’étais inscrite à la fac de philo, je suivais aussi des cours de théâtre et comme j’avais besoin d’argent, je chantais dans des bars de jazz la nuit, jusqu'à 4h du mat sans micro. Je chantais du jazz, de la chanson française. Alors tu imagines quand je me retrouve à The Voice ? Devant des millions de téléspectateurs ? Le stress, l’adrénaline. Bon, je connaissais à cause du sport de haut niveau, mais là, c’était quand même très impressionnant… J’ai fait trois étapes dans l’émission, aux côtés de Julien Clerc. Incroyable.
Attends, tu as aussi fait du sport de haut niveau ?
AVA BAYA : Oui. Avant tout ça, au tout début, il y a eu la gymnastique, en sport études. Ca a été toute ma vie pendant mes années d’adolescence. Je ne faisais que ça !
Et tu as décidé d’arrêter pourquoi ?
AVA BAYA : Je n'ai rien décidé. Mais un jour, j'ai compris que je n'irais pas aux JO, que je n’avais pas le niveau pour ça. Je devais aussi bosser pour le bac. Je devais travailler et donc j'ai dû arrêter le sport. Je suis tombé en dépression et je me suis cherché. Et j'ai compris à ce moment que l'art pouvait m'ouvrir d’autres horizons. Contrairement au sport de haut niveau, quand tu pratiques le chant ou le jeu, tu n'as pas besoin d'être parfaite ! Le sport m’a apporté une discipline et une rigueur de travail intense. Mais l’art permet de sortir de ces contraintes, et c’est là où ça devient intéressant… C’est ce que nos profs de théâtre nous ont appris.
Alors justement… le deuxième truc qui apparaît quand on tape ton nom sur Google…
AVA BAYA : ... Encore google ? Je m’attends au pire (rires)
Pas du tout. Ce qui apparaît c’est le nom d’Ariane Mnouchkine. Une metteuse en scène atypique, fondatrice du Théâtre du soleil…
AVA BAYA : Ca c’est fou : dans le cadre des cours au Conservatoire national d'art dramatique, on a fait un voyage en Inde. Pendant un mois on a travaillé avec 150 acteurs indiens encadrés par Ariane Mnouchkine. Et là tu comprends… tu comprends que tu dois travailler, travailler, et encore travailler. A chaque fois, juste avant de monter sur scène face à elle, on était tous morts de trouille. Mais j'ai appris des choses tellement folles avec cette femme ! Ce fut l’un des trucs les plus incroyables de ma vie. D’abord, les acteurs indiens nous ont vraiment mis une claque. Ils savent chanter, danser, faire le clown… Nous à côté... Au début, Mnouchkine nous jugeait énormément. “Alors, les petits acteurs parisiens, la psychologie, là, va falloir s’en débarrasser un peu..." (rires) Elle nous a sorti de notre zone de confort. Ce que je retiens de ses cours, c’est qu’il faut se débarrasser du psychologique, il faut être dans le corps, dans l'impro, et surtout jouer avec les partenaires... Elle utilisait une image que je garderai toujours en tête. Le jeu, c’est comme une aiguille. Si tu ne passes pas par le chas, c'est-à-dire la vérité, t'as beau faire du grand théâtre, tu seras toujours à côté. Elle nous a mis des bonnes claques, mais c’est avec ce genre de claques que tu grandis. Mnouchkine nous a fait toucher du doigt la portée universelle du théâtre. Elle fait des spectacles en Inde, au Japon et elle réussit à chaque fois à monter des pièces qui parlent à tous le monde. Elle travaille avec l'universalité. Et je crois que c’est ce que je retiens de son apprentissage : je veux parler à tout le monde. Je suis contente que GT Max sorte dans des dizaines de pays en même temps. Et j'espère que même si on ne comprend pas la langue, on comprendra les intentions, les rapports entre les gens et… l'action qui est mortelle.
Justement, comment est-ce qu'on passe du théâtre de Mnouchkine à GT Max ?
AVA BAYA : Six ans de casting, six ans de “non”, de gros “non” et du travail, du travail, du travail. De la persévérance aussi, jusqu'au “oui”.
Mais entre les pièces du répertoire classique et cette championne de motocross, il y a un gouffre non ?
AVA BAYA : Sans doute, mais j'adore jouer. Je déteste me cantonner à une case. Je veux tout vivre et c’est ce que permet le théâtre ou le cinéma. Demain, si tu me dis d'incarner un maître chien, je le ferai…
Une championne de motocross, c'est déjà pas si mal dans le genre.
AVA BAYA : J'ai découvert un univers extraordinaire grâce à GT Max. Je connaissais très mal ce sport et j’ai découvert qu’on a un très bon niveau mondial. J'ai rencontré les champions de France de cross et ces types sont très impressionnants. À 18-19 ans, ils ont déjà 19 cicatrices sur le corps... Ce sont des casse-cou. Ils ne font qu'un avec le risque, ils vivent pour la glisse. J’ai beaucoup appris à leur contact. Je crois vraiment que, à chaque fois que tu traverses un rôle, tu continues ta vie avec un petit bout de ce rôle en toi.
Comment est-ce que tu as préparé ce rôle concrètement ?
AVA BAYA : Je suis fan de moto depuis dix ans. Je conduis une moto tous les jours, c’est comme ça que je me déplace dans Paris. C'est ma vie. C'est là où je trouve mon inspiration même. C’est ma zone de liberté, de solitude. Je roule. Mais je ne pratiquais pas le motocross… Du coup, j’ai fait une formation de stunt moto. Ça m’a demandé beaucoup de travail, mais ça me paraissait nécessaire pour construire mon rôle. Je dois avoouer que j’ai… oui, j’ai “saoulé” les cascadeurs pour faire mes cascades. Je leur disais tous les jours "mais donnez-moi cette moto, je vais essayer". Je les voyais faire les cascades et j’avais tellement envie d'essayer. Bon… je n’ai pas fait les sauts mais dans plusieurs scènes, c’est moi qui conduis les scoot. Et c’est une adrénaline particulière. Quand tu pilotes ces engins, tu es constamment dans une zone de peur. Et c'est de là précisément que vient le plaisir. Tu files à 200 sur ces motos instables et tu sais que tu peux mourir. Paradoxalement, c’est ça qui te fait te sentir vivante. C'est bête à dire, mais c’est parce que tu peux mourir que tu te sens en vie. Sur le cross ce qui m'a vraiment bouleversé, c'est que tu es constamment en “glisse”. Ce sont des engins très légers, qui ont une puissance folle. Tu es comme une plume et tu dois garder le contrôle. Notre coordinateur cascade, Christophe Roblin, m’avait dit un jour que le secret, quand tu penses que tu vas tomber, c’est d’aller plus vite.
Dans les poursuites à Montmartre on voit que c’est effectivement toi qui conduis.
AVA BAYA : Oui, et j'étais heureuse, parce que je pense que ça apporte toujours un "plus" de voir l’acteur en situation dans ces scènes d’action ou de cascades. Le spectateur est davantage impliqué. Mais pour le jeu, c’est compliqué. Dans ces scènes, tu es concentré non pas sur ton personnage, mais sur la technique et la cascade. Dans les séquences à Montmartre, j'étais très concentrée sur la sécurité et, tout à coup, il fallait switcher pour jouer. C’est intéressant d’un point de vue psy : quand tu dois passer à l'émotion, tu es obligée de quitter une sorte de carapace émotionnelle.
C'est d'autant plus intéressant, que cette idée de la carapace définit aussi ton personnage. Soelie verrouille tout, ne laisse rien sortir. Comment est-ce que tu a construit ce rôle ?
AVA BAYA : L'acteur participe toujours à l'élaboration de son personnage, parce que ce qu'on reçoit, c'est une feuille blanche qu'on doit remplir de complexités et de vécus. Quand j’ai commencé à réfléchir à Soelie, je me suis dit que c'était quelqu'un qui avait subi un trauma. Elle avait été traumatisée par la mort de sa mère et par un accident de moto. C’est une fille qui ne peut plus conduire alors que c'est sa passion. Plutôt que de se morfondre, elle a décidé de se mettre en retrait, de laisser briller son frère. C'est beau cette discrétion. Et j'avais envie qu'on lise ça sur son visage, dans son attitude : sa force, son sacrifice, ses choix. Quand on la regarde, on la respecte parce qu'on connaît son palmarès. Elle n'a rien à prouver.
C'est aussi une femme qui baigne dans un environnement très masculin.
AVA BAYA : Et qui prend tous les risques pour défendre sa famille. Elle assume ses responsabilités et elle y va. Et elle compose avec sa peur. Ce n'est pas quelqu'un qui n'a pas peur, au contraire. Elle a peur. Comme moi. Dans la vie, j'ai peur, j'ai des doutes, je suis fragile sur plein de choses. Et pour moi, la moto c'est ça. Apprendre à dompter ses craintes.
Tu as cherché des inspirations particulières pour ce personnage ?
AVA BAYA : Olivier Schneider nous parlait beaucoup de Braquages à l’italienne, mais moi je me suis surtout inspirée de Frances McDormand dans Three Billboards. Cette carapace qui tombe, cette détermination, cette force... ça m'a beaucoup marqué et j'ai essayé, à mon niveau, de retrouver ça.
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