Dans une Coney Island irréelle, Woody Allen rend un hommage (trop) appuyé aux géants du théâtre américain.
Devant les films majoritairement oubliables que Woody Allen tourne depuis une vingtaine d’années, on se dit qu’il ferait peut-être mieux de tourner à un rythme moins soutenu et de regrouper dans un seul film toutes les bonnes idées qu’ils éparpillent au sein de sa production pléthorique. Mais Allen adore tourner à toute allure et, si Wonder Wheel est traversé de beautés, celles-ci sont encore une fois trop rares, dispersées, reliées entre elles par des prétextes et des facilités narratives qu’on ne pardonnerait à personne d’autre – les adresses face caméra du narrateur joué par Justin Timberlake.
Merci Vittorio Storaro
Le film appartient à la veine « portrait de femme » d’Allen – celle d’Alice et de Blue Jasmine – et raconte le destin contrarié d’une actrice devenue serveuse (Kate Winslet), qui noie son blues du côté du parc d’attraction de Coney Island, dans les années 50. Le plus étonnant, ici, c’est le délire chromatique orchestré par Vittorio Storaro (chef op légendaire de Coppola et Bertolucci, associé depuis peu à Woody), qui s’inspire de l’atmosphère de fête foraine de Coney Island pour fabriquer un univers totalement artificiel, aux lumières constamment changeantes, donnant l’impression que les personnages vivent enfermés dans une boule à neige. Mais cette fausseté revendiquée finit par jouer contre le film, en soulignant la raideur du texte, un pastiche de théâtre fifties constellé de monologues soporifiques. A la fin, pourtant, un voile de mélancolie superbe s’abat sur le film, sans crier gare. Un très beau moment, à ne pas oublier quand il s’agira de dresser le best-of du génie assoupi.
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