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PREMIÈRE : Vous souvenez-vous de l’état d’esprit dans lequel vous étiez lorsque vous avez signé pour Batman Begins ? Le dernier acteur à avoir interprété le personnage était George Clooney, et ça ne lui avait pas spécialement réussi...CHRISTIAN BALE : À l’époque, la saga Batman tournait à la blague, c’était presque du vaudeville. Mais j’avais lu Batman – Year One, de Frank Miller, et ça m’avait fait entrevoir de nouvelles perspectives. J’étais vraiment déterminé à incarner un Bruce Wayne différent de tout ce qu’on avait vu auparavant. J’avais déjà essayé de jouer dans des "grosses" productions avant ça, en espérant qu’elles puissent être à la fois de bons divertissements et des films dont je n’aurais pas honte, mais ça n’avait pas été le cas et je ne voulais pas refaire la même erreur. Heureusement, ma vision du personnage a épousé celle de Chris (Nolan).Avec la trilogie Dark Knight, vous avez joué dans des films extrêmement populaires, mais vous les aurez traversés en partie caché sous un masque. Êtes-vous conscient de ce paradoxe ?Non seulement j’en suis conscient, mais je savoure l’ironie de la chose. J’en suis ravi. Il faut dire que je n’ai jamais voulu être une star, un leading man. Je me considère comme un acteur de composition. Parfois, sur les tournages, Chris était d’ailleurs obligé de me recadrer : "Non, Christian, ça va pas le faire. On tourne Batman, là, pas un film indé à petit budget." (Sourire.)Ce n’est pas la première fois que vous cherchez à disparaître derrière un rôle : dans The Machinist ou Fighter, vous étiez méconnaissable ; dans Public Enemies, Michael Mann vous a filmé comme une ombre, un fantôme...Oui, et c’est ce qui m’intéresse dans mon métier. Si vous parlez à des gens qui étaient à l’école avec moi, ils vous raconteront qu’à chaque fois que je devais aller au tableau, j’étais rouge comme une tomate. Je ne supporte pas de parler en public, je n’aime pas me mettre en avant, contrairement à ces stars de cinéma qui sont en représentation permanente. Mais demandez-moi de jouer la comédie, donnez-moi un texte à apprendre, laissez-moi du temps pour travailler le rôle, et alors je me fiche de savoir combien de personnes me regardent quand je parle. J’aime devenir un autre homme quand la caméra tourne.Faut-il être masochiste pour faire ce métier ?Tout dépend du genre d’acteur que vous voulez être. Relever un challenge entraîne toujours une certaine souffrance, et c’est valable pour plein de choses dans la vie, pas seulement la comédie. Prenez par exemple Jimi Hendrix, dont je suis un grand fan. On raconte qu’il jouait parfois de la guitare au point que ses doigts se mettaient à saigner. Pourtant, il ne s’arrêtait pas… Je trouve cette image fascinante. Je n’y vois pas que de la souffrance mais aussi du plaisir et de la joie. Celle de créer quelque chose qui ait un sens.Pour vous, l’aventure Batman est-elle vraiment finie ou peut-on imaginer que vous reviendrez un jour au personnage, sous une forme ou sous une autre ?Dans ma tête, aujourd’hui, c’est terminé. J’ai commencé cette aventure avec Chris, je l’achève avec Chris. J’ignore tout des projets de Warner pour la suite, mais il ne fait aucun doute que Batman reviendra. D’autres acteurs vont l’incarner et je suis très impatient de voir le résultat. Le personnage n’a pas besoin de moi ou de Christopher Nolan pour continuer à exister. Il est né en 1939, son pouvoir de fascination n’a pas de limites. Il nous enterrera tous.