Après l’exploitation française problématique de Gravity, privée d’Imax pour sa sortie nationale, c’est au tour du Hobbit – La Désolation de Smaug de connaître une distribution hexagonale toute aussi chaotique et d’autant plus incompréhensible que le parc de salles francilien vient de se voir nanti de plusieurs multiplexes censés proposer le summum de l’équipement de projection. Le deuxième volet du Hobbit bénéficie en effet des dernières innovations en matière de filmage et de mixage, et le projet artistique de Peter Jackson ne peut s’apprécier pleinement que si le spectateur profite de toutes ces avancées techniques simultanément. En l’occurrence, le film fut pensé, préparé et tourné en relief, mixé en son Dolby Atmos (une révolution dans les formats sonores puisque les canaux sont démultipliés et éparpillés tout autour du spectateur, y compris au plafond) et enfin filmé en haute fréquence ou HFR (acronyme pour High Frame Rate), autrement dit en 48 images par seconde, au lieu des 24 habituelles.Pourquoi le HFR est-il important ?Alors que le cinéma des origines n’avait qu’entre 15 et 20 images par seconde, l’industrie du grand écran s’est accordée sur le standard de 24 images par seconde avec l’arrivée du cinéma parlant, et ce non pas pour des raisons esthétiques ou physiologiques (notre œil perçoit entre 50 et 70 images par seconde en moyenne), mais bien pour des raisons techniques et économiques (plus de pellicule coûtant plus d’argent). D’ailleurs, un certain nombre de cinéastes ont tenté par la suite d’augmenter le nombre d’images diffusées à la seconde. Une démarche complètement justifiable puisque le HFR, comme toutes les tentatives de haute fréquence qui l’ont précédé, accroît considérablement la sensation d’immersion en approchant le cinéma de ce que notre œil perçoit dans la réalité : les flous de mouvements et l’effet stroboscopique disparaissent. Le spectateur a ainsi l’impression, extrêmement troublante, qu’il n’existe plus de filtre entre lui et ce qui est projeté à l’écran. Une évolution notable dans le médium cinéma et qui, forcément, n’est pas du goût de tous, le HFR bousculant drastiquement nos habitudes. Il est néanmoins logique que James Cameron (les prochains Avatar devraient être filmés à 60 images par seconde), Bryan Singer (selon Ain’t It Cool News, X-Men Days of the Future Past a été tourné à 48 images par seconde, même si l’on ignore encore si Fox l’exploitera tel quel) et évidemment Peter Jackson adoptent ce format. Et cette évolution est d’autant plus appréciable qu’elle n’a, pour le moment, pas généré de surcoût du billet ni de contrainte supplémentaire de visionnage pour les spectateurs, à l’inverse du relief. De plus, si Un voyage inattendu avait essuyé les plâtres (au début du tournage de la trilogie, les caméras étaient encore au stade de prototype), la maîtrise de la technologie s'est considérablement accrue sur La Désolation de Smaug, ce que confirment plusieurs réactions très positives au format dans la presse outre-Atlantique.La France est-elle rétrograde ou retardataire ?Et c’est là que l’exploitation française pose souci : l’année dernière, la salle Imax du Pathé Quai d’Ivry et la très belle salle Atmos du Pathé Wepler (première salle française à bénéficier de cette installation sonore) proposaient le film à la fois dans son mixage Dolby Atmos et en HFR. Le Wepler avait même organisé une projection presse destinée à exposer le potentiel de leur nouvel équipement, tandis que les autres exploitants ignoraient ces innovations techniques. Il fut donc diablement surprenant de découvrir en début de semaine que non seulement aucune de ces deux salles ne proposaient du HFR pour La Désolation de Smaug, mais que de plus, aucune des salles flambant neuves équipées en son Dolby Atmos du Pathé Beaugrenelle ne diffusaient le film en haute fréquence. Autrement dit : il est à ce jour impossible de voir en France La Désolation de Smaug dans des conditions optimales à la fois sonores et visuelles.Du côté de Warner que nous avons interrogé, le discours est sans équivoque : le film a été conçu pour le HFR et ils sont enclins, comme l’année dernière, à diffuser La Désolation de Smaug dans ce format pour peu que les exploitants le réclament. Pour preuve : le nombre de salles proposant le HFR en France a quasiment doublé depuis l’année dernière.Après une communication un peu chaotique, Pathé explique aujourd’hui que des raisons techniques sont la cause de l’absence de HFR dans leurs salles équipées d’Atmos ou en Imax ce qui, considérant le passif des salles Wepler et Quai d’Ivry, est difficilement recevable. Il semble pourtant bien que ce soit le cas au Wepler et à Beaugrenelle. Selon les informations que nous avons pu récolter, depuis septembre dernier, et notamment pour répondre aux exigences de Warner lors de l’exploitation de Gravity, les films relief sont projetés sur deux projecteurs dans les salles équipées, ce qui est le cas du Wepler et de Beaugrenelle. Par rapport à une projection en projecteur unique, le gain en luminosité est appréciable, mais en contrepartie, il n’est techniquement pas possible de diffuser le film à la fois en Atmos et en HFR en double projecteur. Même si une amélioration très prochaine est à prévoir (ce serait une affaire de semaines), il reste dommage que le complexe de Beaugrenelle, qui se positionne comme étant à la pointe de la technologie, échoue quelques semaines seulement après son ouverture à diffuser dans des conditions optimales LE grand blockbuster de cette fin d’année. Nous nous permettrons d’ajouter que, pour l’auteur de ces lignes, Un voyage inattendu diffusé en HFR et en Atmos en mono projecteur proposait une qualité parfaitement acceptable.La faute à Jackson ?Reste le cas de la salle Imax de Quai d’Ivry : elle n’a pas évolué depuis l’année dernière et si elle permet de voir le film sur un plus grand écran, elle ne bénéficie pas d’équipement Dolby Atmos. Alors pourquoi ne propose-t-elle pas le film en HFR ? Dans ce cas précis, selon Warner, la faute incomberait à un retard dans la livraison du matériel. La France est en effet l’un des premiers pays au monde où sort La Désolation de Smaug, et l’on sait, notamment grâce aux suppléments de ses films (voir à ce titre l’incroyable documentaire « La Fin de toutes choses » proposé sur l’édition spéciale du Retour du roi) à quel point Peter Jackson pousse au maximum ses plannings pour perfectionner ses œuvres. Il devrait donc bien y avoir selon Warner une exploitation Imax HFR de La Désolation de Smaug dans les jours qui viennent en France. En attendant, il faudra se contenter d’une exploitation en 24 images par seconde. Accessoirement, c’est également à cause de ce délai étriqué entre la fin de la postproduction du film et sa sortie en salles, que les projections de presse n’ont pas pu être assurées en HFR.En attendant, si vous souhaitez manifester votre envie de découvrir le dernier film de Peter Jackson dans les conditions de projection pour lesquelles il a été conçu, il est possible de rejoindre le groupe Facebook « Le Hobbit partout, IMAX HFR nulle part », ou encore de fréquenter le forum Projectionniste.net qui tente de résoudre cette affaire décidément bien compliquée. Et pour les plus acharnés, il faudra faire le déplacement à l’étranger pour découvrir le film dans les meilleures conditions.Julien Dupuy