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La passion amoureuse entre Cate Blanchett et Rooney Mara ne vibre pas devant la caméra de Todd Haynes. Voici pourquoi.

Si tous les observateurs s’accordent sur le fait que la scène de sexe entre Cate Blanchett et Rooney Mara dans Carol est filmée avec « bon goût », ils admettent aussi qu’elle n’est ni spontanée ni naturelle.

Carol, une romance ratée

On peut commenter à l’infini cette décision qui appartient en premier lieu au metteur en scène, mais aussi aux intéressées. Comme l’a dit Blanchett, le tournage de la séquence a donné lieu à beaucoup de discussions préalables. Elles ont d’abord porté sur sa nécessité dramatique, qui ne faisait aucun doute, puis sur la façon pratique de la réaliser. Si Rooney Mara n’a apparemment pas de problème pour se dévoiler, Cate Blanchett est beaucoup plus discrète dans ce qu’elle choisit de montrer ou non, selon les axes de la caméra et sa position par rapport aux voiles, draps ou autres obstacles délibérément placés entre elle et l’objectif. 

Progrès technique, régression sexuelle

On en revient à l’éternelle question de la représentation des scènes de sexe à l’écran. Elle varie à l’extrême selon les époques, pas toujours en fonction de ce que les autorités permettent ou non, mais aussi en fonction de ce que les artistes s’autorisent eux-mêmes. Là encore, les raisons varient. Elles peuvent être d’ordre privé, ou non. Parmi les raisons objectives qui ont pu modifier la façon dont un acteur choisit de contrôler l’utilisation de son image publique, il en est une qui relève du progrès technique. L’apparition de la vidéo domestique il y plus de trente ans a modifié la façon de voir les films, ce qui par contrecoup a eu des effets sur la façon de les tourner (et de les monter). D’un coup, la possibilité de faire des arrêts sur image et des captures d’écran a détruit une spécificité du cinéma dont Fellini avait très bien parlé : une capacité à capturer des moments dont le principal intérêt était précisément d’être fugaces. La durée et le contenu des images étaient soigneusement laissés à la discrétion du metteur en scène. S’il réussissait son effet, le spectateur s’accrochait au souvenir de ces images, et tentait de les faire persister, souvent en les embellissant. Son imagination était mise à contribution. L’arrivée de la vidéo a non seulement tué cette magie, mais elle a réduit la liberté de manœuvre des cinéastes (et des acteurs) en les obligeant à changer leurs façons de procéder. Les premiers ont été incités à couper davantage, les seconds à être plus exigeants, soit en demandant un droit de regard sur le montage définitif, soit en ne montrant que ce qu’ils veulent bien montrer. La situation a empiré avec l’arrivée d’internet, qui a favorisé la multiplication des blogs onanistes et des sites spécialisés dans la capture de célébrités nues. C’est pour éviter de s’exposer à ces dérives que les interprètes se montrent de plus en plus prudents (et pas nécessairement prudes) lorsqu’il s’agit de leur image.

Rencontre croisée Cate Blanchett / Rooney Mara

En terme d’évolution, ce « progrès » s’est traduit dans le domaine du sexe par une franche régression, marquée par un retour aux scènes navrantes où les personnages font semblant de niquer tout habillés ou emballés dans des draps.

Carol de Todd Haynes sort aujourd'hui dans les salles