C’est un lieu de théâtre et de création inédit. Un lieu d’accueil aussi. De rencontres, d’échanges. Un lieu retiré dans l’antre merveilleux de la Cartoucherie de Vincennes. Un lieu de pensée qui réfléchit le monde au présent, Un lieu magique où le public se presse à chaque nouveau spectacle. Le Théâtre du Soleil, créé et dirigé magistralement par Ariane Mnouchkine, aura 50 ans le 29 mai prochain. Un anniversaire qui vient célébrer des années d’une activité artistique engagée, exigeante et sans cesse renouvelée. Des années de travail collectif où chaque artiste se vit comme l’ensemble d’un grand tout, une des pierres essentielles à l’édifice théâtral qui se construit de spectacle en spectacle.Bruno Tackels vient d’écrire un essai remarquable à leur sujet : "Ariane Mnouchkine et le Théâtre du Soleil", dans la lignée de ses écrits sur les Ecrivains de plateau (édités aux Solitaires Intempestifs). Après Romeo Castelluci, François Tanguy, Anatoli Vassiliev, Rodrigo Garcia et Pippo Delbono, c’est au tour de la célèbre troupe d’entrer dans la ronde des territoires d’analyse du philosophe et critique dramatique aguerri. Le livre est passionnant et rend hommage, dans tous ses aspects, à l’utopie qu’Ariane Mnouchkine réalise jour après jour à la Cartoucherie. Extrêmement documenté, instruit, et nourri de l’intérieur par un suivi de longues années et une immersion au sein du travail quotidien de la troupe au moment du tournage du film "Les Naufragés du Fol Espoir", il est un témoignage radieux sur le fonctionnement de ce théâtre pas comme les autres, ses engagements politiques, ses inspirations artistiques et sociales, les personnalités qui le composent, notamment l’écrivain Hélène Cixous et le musicien Jean-Jacques Lemêtre, et évidemment, celle, initiatrice et rayonnante, d’Ariane Mnouchkine elle-même.50 ans donc que la Société coopérative ouvrière de production "Théâtre du Soleil" aura été fondée en mai prochain. Et une actualité qui ne tarit pas, qui déborde même. Dans la tradition de la troupe, des festivités sont à prévoir cet été. Banquets et bals au programme pour fêter dans la joie ces cinquante années passées mais aussi… les cinquante à venir ! Egalement au menu, la sortie DVD du film "Les Naufragés du Fol Espoir", une version cinématographique créée à partir du spectacle du même titre. Et puis, pour prolonger les liens entre le Théâtre du Soleil et le 7ème art, le film "1789" devrait ressortir sur les écrans de cinéma à l’automne, entièrement restauré. Que de bonnes nouvelles !Du côté des planches, on attend avec l’impatience d’un enfant attendant Noël la nouvelle création de la troupe qui, après plusieurs spectacles réalisés en écriture collective, revient aux grands textes qui font la moelle épinière du théâtre, à savoir le maudit "Macbeth" de Shakespeare. Une pièce monstre, pleine de sang et de fureur, de folie et de culpabilité. Un monument de la littérature dramatique, miroir des trous noirs de l’humanité, reflet des ignominies auxquelles peut pousser la soif de pouvoir.Une œuvre fascinante et pleine de mystères. Une œuvre extravagante. Et pour reprendre les mots du Soleil à l’intention de son fidèle public :« Mesdames et Messieurs, cher Public (Roulements de tambour). Venez voir un polar au rythme haletant. Une plongée dans la jungle mentale d’un homme bien plus féroce que les bêtes sauvages (Roulements de tambour). Un homme qui se méfie de la pensée, qui invoque et défie les forces les plus dangereuses (Roulements de tambour). Et dont la convoitise et la goinfrerie maléfiques troublent et souillent jusqu’à l’ordre sacré de la nature. »Quant à ce qu’en dit Ariane Mnouchkine, dont l’art est toujours, d’une certaine manière, militant :« En montant Macbeth, il ne s’agit pas de faire un constat apocalyptique passif. Le dévoilement est déjà un combat, il nous faudra la patience, la force, l’humilité, le courage de chercher, de comprendre, de mettre le mal sur le théâtre, en musique, en rythme, en spectacle. Il faudra ouvrir le personnage aux spectateurs comme on dissèque un poisson pourri... Comme quand Molière monte Tartuffe, il écrit Tartuffe pour que cela ne soit plus, et c’est effectivement, je crois, dans cette pièce qu’il va le plus loin dans sa réflexion sur le mal. Montrer les choses, c’est déjà les changer. Les cacher, c’est refuser de les voir changer. »Il n’y a rien à ajouter, juste à se précipiter pour s’en prendre plein les yeux et les oreilles, et en sortir bouleversé, changé, heureux.Par Marie Plantin"Macbeth", c’est à partir du 30 avril au Théâtre du Soleil (Cartoucherie de Vincennes)
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