Première a rencontré le réalisateur subversif dont le nouveau montage chronologique de son film coup de poing sera présenté à l'Etrange Festival ce vendredi 6 septembre 2019.
Pourquoi avoir fait un nouveau montage d’Irréversible, dix-sept ans après sa sortie ?
Au départ, on a remastérisé Irréversible pour une ressortie en salles. Du coup, j’ai fait cette "Inversion intégrale" en remettant la narration dans le bon ordre afin de faire un autre film. Ce qui m’y a fait songer c’est que les Sud-Coréens l’avaient déjà fait dans un bonus d’une édition DVD ou Blu-Ray… Mais c’était fait à l’arrache, je ne l’ai même pas regardé jusqu’au bout, c’est super moche. Au final, ils avaient juste découpé les différents plans séquences, il les avait remis dans le bon ordre et collé le tout. De mon côté, je l’ai remonté, j’ai taillé des bouts, enlevé d’autres et je trouve que ça marche plutôt pas mal. Initialement, ce devait juste être un disque additionnel pour la ressortie du film original remastérisé en Blu-Ray. En le voyant sur grand écran, je me suis dit qu’il fallait que ça sorte en salles. En même temps que la version originale.
Est-ce que le film, remonté dans l’ordre chronologique, ne perd pas sa puissance émotionnelle et son impact viscéral ?
La version de 2002 est un puzzle qui fait travailler le cerveau. Dans "l’Inversion intégrale", tout est très clair. Notamment la destinée des personnages. Il y a aussi plus d’empathie, moins de conceptuel. Le montage original est très analytique, le nouveau beaucoup plus sensoriel. Cette version 2019 fonctionne plus comme un film "traditionnel". C’est moins cérébral, plus cruel. Tu n’as plus le cerveau qui travaille pour raccrocher les wagons de ce qu’il s’est passé avant. Après, il n'y a pas une version qui est meilleure que l’autre. C’est plus un dyptique, les deux côtés d’une même pièce. J’ai montré la nouvelle version à des amis et certains préfèrent l’ancienne, d’autres préfèrent la nouvelle. Cela créé un peu la discussion et j’aimerai bien qu’on puisse faire des doubles séances où l’on projetterait les deux films d’affilée entrecoupés de questions-réponses avec le public.
Certains pourraient y voir une tentative opportuniste de surfer sur un ancien succès, non ?
Au départ, dans la version de 2002, j’ai écrit l’histoire dans l’ordre sur 12 pages. Et le scénario final faisait trois pages, comme un enchaînement de synopsis pour chaque séquence qui composait le film. Une séquence faisait 10 lignes à peu près. J'ai retapé un peu tous les jours l’histoire jusqu’à être satisfait et surtout j’inversais les pages pour voir si tout fonctionnait correctement. Je voulais m’assurer que tout allait parfaitement s’imbriquer et soit cohérent sur la longueur lorsqu'il faudrait déconstruire le film à l’envers. Peut-être qu’Irréversible raconté à l’endroit n’intéressera pas les gens, encore plus ceux qui connaissent le film. Mais je trouve que le film fonctionne aussi très bien à l’endroit : ce n’est ni un caprice ni un subterfuge.
Irréversible (Inversion intégrale) sera diffusé à l'Etrange Festival, ce vendredi 6 septembre 2019 à 17h15 en présence de Gaspar Noé, Monica Bellucci, Albert Dupontel et Jo Prestia. La programmation intégrale du Festival c'est par ici.
Irréversible : Première bande-annonce stroboscopique de l’Inversion intégrale
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