5 films à voir avant Mission Impossible 5 : Rogue Nation
Paramount

Le film d'action de Chris McQuarrie avec Tom Cruise et Rebecca Ferguson reviendra ce dimanche sur France 2. Sorti en 2015 au cinéma, il avait pas mal de choses en commun avec ces cinq oeuvres.

L’homme qui en savait trop (Alfred Hitchcock, 1956)
Depuis le premier jour, l’ombre d’Hitchcock plane sur la saga Mission : Impossible. De Palma avait clairement Vertigo en tête au moment de tourner le premier volet, M :I 2 était un remake quasi-littéral des Enchaînés, J.J. Abrams avait poussé le concept de McGuffin (grande marotte de tonton Hitch) aux limites de l’abstraction avec la fameuse « patte de lapin »… Christopher McQuarrie, lui, en cinéaste érudit et fétichiste, semble s’être fixé pour mission de citer le plus de films d’Hitchcock possibles dans son Rogue Nation. On pense tour à tour à La Mort aux Trousses(Ethan Hunt n’a jamais autant ressemblé à Roger Thornhill), à La Main au Collet (une course-poursuite sur les toits en tenue de soirée, très French Riviera), à Fenêtre sur Cour (un meurtre observé à distance par un spectateur impuissant), et encore et toujours aux Enchaînés (la révélation Rebecca Ferguson n’est pas seulement suédoise, elle a carrément le même nez qu’Ingrid Bergman)… Mais le très gros clin d’œil ici est pour L’homme qui en savait trop, consciencieusement hommagé lors d’une longue séquence à l’opéra de Vienne, rythmée par le Turandot de Puccini. Découpage musical et ultra-raffiné, fantasme de cinéma muet, lente montée du suspense qui vise à l’agonie du spectateur… Quand l’espionne Ilsa Faust arrive à l’opéra dans sa robe du soir, le score de Joe Kraemer se met soudain à faire vibrer des cordes à la Bernard Herrmann. On ne saurait être plus clair.

Mission : Impossible - Rogue Nation, film d'action quasi parfait [critique]

Mad Max : Fury Road (George Miller, 2015)
Incroyable mais vrai : les deux meilleurs blockbusters de l’année ont beau avoir des mecs en tête d’affiche, ils sont tous les deux drivés en sous-main par un personnage féminin badass et d’une classe impériale. Ilsa Faust, l’espionne jouée par Rebecca Ferguson, n’a peut-être pas la puissance mythologique instantanée de la Furiosa de Fury Road (Charlize Theron), mais les deux films fonctionnent néanmoins selon le même principe : un héros familier (Max Rockatansky, Ethan Hunt) fait son retour à l’écran et est entièrement redéfini via son rapport à un personnage féminin imprévisible, qui le pousse constamment dans ses retranchements. C’est à travers ses yeux à elle qu’on apprend à le (re)connaître. McQuarrie ne va pas aussi loin que George Miller (Tom Cruise reste la star, que les choses soient claires) mais l’« apparition » d’Ilsa Faust est d’ores et déjà l’un des très grands moments de cinéma de l’année.


George Miller : "J'ai fait Mad Max pour retrouver l'essence du cinéma"

Edge of Tomorrow (Doug Liman, 2014)
De tous les réalisateurs de la franchise M : I, Chris McQuarrie est le premier qui avait déjà travaillé avec Tom Cruise. Son Jack Reacher pouvait d’ailleurs se regarder comme une réflexion sur la star – son âge, son rapport aux femmes, sa capacité d’autodérision, son attachement au divertissement à l’ancienne, sa stature d’action hero old-school dans un monde en mutation. Mais leur grande œuvre théorique commune, c’est bien sûr Edge of Tomorrow (réalisé par Doug Liman, co-écrit par McQuarrie), commentaire à peine voilé sur la carrière de Cruise, une sorte de Jour sans fin SF dans lequel l’acteur, chancelant, se battait pour revenir au top. Un bagage méta que McQuarrie réinjecte dans Rogue Nationen l’appliquant cette fois-ci à la figure d’Ethan Hunt, super-espion sans âge, qui change d’identité et de « définition » à chaque fois qu’un nouveau cinéaste s’en empare. « Vivre. Mourir. Recommencer » : c’était la tagline d’Edge of Tomorrow. C’est aussi le credo d’Ethan Hunt.


Edge of Tomorrow ou comment Tom Cruise est mort 200 fois pour sauver le monde

Charade (Stanley Donen 1963)
En dehors du pastiche Hitchockien - que Charade portait à un degré de classe et d’incandescence faramineux - MI5 emprunte plusieurs choses au chef-d'oeuvre de Stanley Donen. Et d’abord une certaine élégance formelle. La beauté de Rogue Nation vient de là : tout est sublime dans Charade, tout est gracieux, sophistiqué, du générique de Maurice Binder à la musique mystérieuse d'Henry Mancini, des décors parisiens à la poursuite entre les colonnes de marbre (hommagié dans le film). Donen a cette manière très particulière d’utiliser le scope, possède un sens du set up typique, une façon de construire et de s'approprier des décors pour laisser la caméra s’amuser librement qui a visiblement inspiré McQ. McQuarrie connait cette grammaire et il sait aussi juger précisément quand passer à un close up pour accentuer la tension dramatique dans des scènes de dialogue. C'est l'héritage de la screwball, de la comédie excentrique, un des modèles assumé de Mission : Impossible - Rogue Nation. Ce qui fait beaucoup penser à Charade, comédie d’espionnage indémodable ? C'est ça, cette relation entre les deux personnages principaux, bâtie sur les ressorts classiques de la screwball (vitesse, rythme, acidité). Entre Ferguson et Cruise (comme entre Cary Grant et Audrey Hepburn), chaque dialogue est conçu comme une scène d'action et la tension entre les deux devient une joute agonistique. C'est la scène de la gare de M.I. : 5, morceau de bravoure anthologique.  

Magnum Force (Ted Post, 1973)
Son Jack Reacher ressemblait très clairement à un Eastwood des familles. Héros nameless, ouverture avec un sniper - citation littérale du premier Harry-, obsession pour les gros flingues et dialectique justice/loi : tout indiquait que McQuarrie connaissait le Eastwood 70’s par coeur. Mission Impossible 5, plus sophistiqué, semble hanté par Magnum Force, deuxième épisode des aventures de Callahan. La Rogue Nation du film avec ses sbires à motos rappelle l’escadron de la mort dirigé par David Soul; le héros est, comme Harry, en butte à sa hiérarchie et on retrouve au coeur des deux films l'idée de faire subir un reboot au personnage pour se le réapproprier. D'ailleurs, ça n'a pas pu échapper à McQuarrie : d'une certaine manière, Ethan Hunt est à Tom Cruise ce que fut Dirty Harry fut à Clint Eastwood, un reflet, le personnage de cinéma qui le définit le mieux. Et Magnum Force était la première reprise en main du flic taciturne par Eastwood. Comme le hasard fait bien les choses, on rappellera que le score génial de Magnum Force était signé par Lalo Schiffrin, déjà responsable du thème de la série. 

Frédéric Foubert et Gaël Golhen

Bande-annonce de Rogue Nation :


Tom Cruise est bien resté en apnée 6 minutes sur le tournage de Mission : Impossible - Rogue Nation