Avec Alita : Battle Angel, adaptation très attendue du manga Gunnm, Robert Rodriguez prend courageusement le relai de James Cameron. Il nous a reçus sur le tournage du film à Austin, dans son studio Troublemaker, où a pris vie la vision originelle de Cameron.
En matière de "production value", Alita a tout d'un film de James Cameron : ampleur des décors futuristes, design roi, alliage savant de la mocap' et du CGI sans négliger la prise de vue à l'ancienne…
Robert Rodriguez : Quand James m'a confié Alita : Battle Angel, je savais que la technique serait au coeur du projet mais je ne savais pas vraiment à quoi m'attendre en matière d'envergure. Il a été question de tourner en Équateur, donc je m'attendais à ce qu'on invente la cité du film, et qu’elle se greffe sur l'architecture sud-américaine. Il s'est avéré que John avait prévu un décor indépendant, presque une ville autonome, pour que tout soit tourné en studio. On s'est donc retrouvé ici, à Austin, chez Troublemaker. Et c'est bien la première fois que j'ai eu l'impression d'accueillir une mégapole entière dans mon propre studio ! C'est vrai qu'on se situe dans des dimensions à la Cameron, c'est assez neuf pour moi. Quand j'ai tourné El Mariachi, je disposais de deux rues (rire). En un sens, mes films suivants avaient hérité de cette modestie.
Au fond, le cinéma de Cameron est ici autant votre modèle que Gunnm, le manga de Yukito Kishiro que vous adaptez ?
On a tâché de rester très fidèle à l'univers de Kishiro, mais oui : James a posé sa griffe sur toutes les étapes préliminaires du projet. Histoire, costumes, techniques d'arts martiaux à employer : il s'est posé absolument toutes les questions. Reprendre le flambeau, c'est appliquer à ma réalisation des idées qu'il aurait pu avoir. Alita aurait pu être son autre Avatar, s'il ne s'en était pas allé réaliser les suites de ce dernier - c'est d'ailleurs ce qui m'a permis d'en hériter ! On y trouve un monde autosuffisant, une mythologie riche, une vision philosophique de l'avenir, etc. En un sens, j'ai l'impression de faire mon propre Avatar. On a d'ailleurs développé assez d'artwork pour déployer un univers sur plusieurs films, si l'occasion se présentait.
Robert Rodriguez explique pourquoi Alita a "des grands yeux de manga"À propos d'avenir, on ne sait pas trop comment caractériser l'époque dans laquelle se situe le récit : est-ce du post-apocalyptique, du steampunk… ?
Visuellement, on reprend les codes de tout ça. Mais en réalité, je dirais qu'il s'agit d'une intrigue atemporelle située dans un univers futuriste. Peu importe la date, vraiment. Ce qui m'intéresse, c'est de brasser les repères pour composer une période qui n'appartient qu'au film. D'où le fait que vous pensiez au steampunk, qui mélange passé et futur.
La B.D. originale est surtout connue des amateurs de manga en Occident, mais c'est un phénomène d'ampleur nationale au Japon. Le public de là-bas attend depuis de longues années…
On a cette donne en tête depuis le début : le film s'adresse au monde entier, mais les attentes sont bien plus grandes au Japon. C'est pourquoi le gage de fidélité est aussi important pour moi que l'innovation esthétique apportée par Lightstorm Entertainment (le studio de James Cameron, ndlr). J'ai déjà été confronté à ce genre de pression avec Sin City, donc le challenge n'est pas tout à fait nouveau. La différence, c'est que les personnages du manga donnent l'impression de pouvoir faire absolument n'importe quoi : transformer leurs corps, voler, devenir des armes vivantes… Ils sont très malléables en soi, donc on peut prendre des libertés avec eux sans trahir leur identité.
Dans votre filmographie, les Sin City représentent le défi de cinéma le plus similaire à celui d'Alita...
C'est certain : le défi était déjà aussi technique qu'artistique. Les souvenirs de Sin City m'ont donné quelques repères. Les challenge technologiques ne m'effraient pas : en 2002 avec Spy Kids 3, la 3D était encore un terrain peu exploré qui m'a forcé à repousser mes limites en termes de créativité… Non, la vraie nouveauté, c'est l'échelle : comme je vous le disais, j'ai dû m'habituer aux dimensions à la Cameron… Mon travail est de vivre dans la peau de James, en quelque sorte !
Alita : Battle Angel sortira mercredi prochain, le 13 février. Bande-annonce :
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