Spencer avec Kristen Stewart
Neon

Après Pablo Neruda et Jackie Kennedy, le cinéaste chilien signe avec Spencer un nouvel anti-biopic, celui de Lady Di, en mode de conte de fées perverti.

Première : Quand on se lance dans un film sur Lady Di, faut- il commencer par évacuer de sa tête l’idée que tout le monde ou presque a sa vision d’elle ?

Pablo Larraín :  Non, je résonne exactement à l’inverse ! Je trouve ça formidable de travailler sur un personnage que tout le monde connaît car c’est l’assurance au final que chacun vivra l’expérience du film différemment. Cela vous offre une liberté qui n’a pas de prix. Pour certains, Diana est d’abord une femme indépendante. Pour d’autres, une mère. Pour d’autres encore, avant tout une princesse royale… Dès le départ, j’avais en tout cas conscience que personne ne pouvait la comprendre dans la globalité de son être. Et après trois ans passés à travailler sur ce film, je peux vous assurer qu’elle reste à mes yeux un mystère aussi entier. Et c’est précisément pour cela que j’ai pu glisser de la fiction dans cette réalité.

Les Britanniques n’ont pas été trop inquiets qu’un Chilien s’empare d’elle ?

Si, un peu, je dois l’admettre et on me l’a fait remarquer au départ. Mais pour moi Diana n’est pas une figure britannique. C’est une figure universelle

Comment avez- vous commencé à travailler sur ce personnage avec celle que vous avez choisi pour l’incarner, Kirsten Stewart ?

Je me suis appuyé sur les recherches que j’avais faites, je lui ai envoyé plein d’images, de vidéos, de livres. Assez tôt, elle a de son côté commencé à travailler avec un coach pour acquérir l’accent indispensable au rôle. Mais d’emblée, je lui ai expliqué qu’elle ne serait jamais Diana, qu’aucune actrice au monde ne pourrait l’être. Qu’il fallait évidemment s’imprégner de sa voix et de sa manière de se mouvoir pour être crédible mais que notre Diana à nous serait d’abord et avant tout une énigme. Or Kristen a ça en elle. Il suffit de voir Personal shopper d’Olivier Assayas pour le comprendre. Elle possède cette part de mystère fascinante qui fait que vous ne savez jamais ce que ses personnages pensent au fond d’eux  ou ce qu’ils vont faire la scène suivante. Kirsten est une énigme à elle toute seule… comme l’était Diana. Elle avait donc largement ce personnage en elle. Et on est partis de cette base pour avancer ensemble.


Elle est entourée de personnages qu’on pourrait croire échappés d’un film d’horreur, donnant le la de ce Spencer qui se déploie dans un mélange de thriller psychologique hitchcockien, de film de fantômes et de giallo. C’est une volonté de votre part d’avoir ces pures gueules comme interprètes ?

Oui car, par- delà leur talent d’interprètes, ils donnent ce sentiment d’être là, dans ce domaine appartenant à la Reine où se déroule l’action, depuis des siècles et pour des siècles. Comme s’ils étaient éternels. Cela crée une relation particulière à l’espace et aux autres. Soit exactement ce que je voulais créer comme ambiance pour ce film : des statues animées dont Diana tenterait de s’échapper tant elle n’ont de cesse de chercher à étouffer ses émotions.

Cette ambiance est créée à l’image par Claire Mathon et ce après avoir travaillé avec Stéphane Fontaine sur Jackie. Vous aimez décidément les chef op’ français !

D’autant plus qu’entre Jackie et Spencer, j’ai travaillé avec Darius Khondji sur la série Histoire de Lisey. Donc oui, j’adore les chef op’ français ! Pour moi, ce sont les meilleurs, pour leur sensibilité à nulle autre pareille, leur cinéphilie, leur amour des films, leur rapport aux couleurs. Il y a énormément de points communs entre les trois avec qui j’ai eu le bonheur de travailler. Claire, j’avais adoré son travail sur Atlantique de Mati Diop et évidemment sur Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma. Et en parlant avec elle, j’ai tout de suite vu que nous étions sur la même longueur d’ondes. Elle avait d’emblée des idées précises de lumières et de couleurs qui rencontraient la vision que j’avais de ce que devait être ce film. Notamment ce choix d’être le plus souvent au plus près du visage de Kristen (Stewart). L’exercice est difficile. Il peut se révéler vite intrusif voire agressif pour un comédien. Mais avec Claire, ce geste fut d’une fluidité de chaque instant car Kristen lui faisait une confiance totale. Elle avait le sentiment que la caméra de Claire la protégeait. Ce qu’elles ont créé toutes les deux a une influence décisive sur le résultat final du film. Il n’était jamais question de technicité mais de sensibilité. Elles n’ont fait qu’une toute au long de ce tournage.

Spencer : le biopic sur Lady Di avec Kristen Stewart divise la rédaction [critique]