Première : Leïla, en me replongeant dans ta filmo, je me suis rendu compte qu’il y a un décalage entre ta popularité, assez grande, et les résultats de tes films au box-office. Finalement, seul Tout ce qui brille (Géraldine Nakache, 2010) a largement dépassé le million d’entrées. Comment expliques-tu ça ?Leïla Bekhti : Comment je l’explique... (Elle réfléchit.) Je ne sais pas, et en plus je n’aime pas parler de moi. Tu ne veux pas plutôt qu’on parle de toi ?Si tu veux, mais je ne suis pas sûr que ça passionne les lecteurs de Première...Bon, je vais essayer de te répondre quelque chose alors. (Un temps.) Certes, Tout ce qui brille a dépassé le million d’entrées mais, pour moi, Une vie meilleure (Cédric Kahn, 2012) ou La Source des femmes (Radu Mihaileanu, 2011) ont eux aussi trouvé leur public, même s’ils ont fait moins d’entrées. Le truc, c’est que je cherche vraiment à faire des films très différents les uns des autres. Je ne pense pas à ma carrière en termes de stratégie – ça, je m’en fous. Et puis j’ai la chance de tomber sur des metteurs en scène brillants qui me proposent des projets que je ne peux pas refuser. Je cherche à interpréter des personnages que j’ai envie de défendre, quelle que soit la popularité du sujet. Ça répond à ta question ?Pas du tout.(Rire.) Mais c’est toi qui devrais plutôt répondre à cette question. Tu penses vraiment que je suis populaire ?Tu le sais bien...Non, je t’assure. Je ne suis quand même pas Mick Jagger... En même temps, c’est marrant que tu me parles de ça parce que là, je tourne Nous trois ou rien, le premier film de Kheiron (humoriste et comédien vu notamment dans Bref), qui m’a avoué n’avoir vu qu’un seul de mes films, peut-être deux. Il m’a choisie parce qu’il m’avait vue en promo à la télé. Pareil pour Serge Frydman. Enfin, lui, il n’avait carrément rien vu. C’est sa femme qui lui a conseillé de me rencontrer.Dans le film, ton personnage s’appelle Juliette. Ne trouves-tu pas étonnant qu’on t’ait proposé d’interpréter une jeune femme dont le prénom sent la France vintage qui va faire le marché ?Le rôle n’a pas été écrit pour moi mais, de toute façon, je ne vois pas pourquoi il aurait fallu que Serge change le prénom de son héroïne en Nora à partir du moment où je devais l’interpréter. En tout cas, ce n’est pas moi qui ai demandé à jouer une Juliette si c’était ça ta question. J’imagine qu’il y a des comédiens d’origine étrangère qui sont hyper fiers de s’appeler Christiane ou Marc dans leurs films, mais pour moi, ça ne change rien. Oui, mais tu incarnes une certaine modernité dans le paysage du cinéma français. D’ailleurs, j’ai l’impression que quelque chose a changé avec ce film. C’est l’un des premiers où tu es moins dans le registre de l’explosivité...C’est lié au rôle. Juliette est une fille qui contient tout et, si je l’avais jouée en lâchant la bride, on serait tombé dans le pathos. Je ne pense pas avoir moins de spontanéité dans mon jeu, je sais simplement mieux m’adapter aux héroïnes qu’on me propose. Avant, j’étais uniquement dans l’instinct. En gros, à chaque scène, la question que je me posais, c’était : "Qu’est-ce que je ferais dans la vie à la place de mon personnage ?" Mais j’ai compris que c’était une erreur car c’est l’instinct de personne que j’incarne que je dois trouver. On se fout de l’instinct de Leïla Bekhti quand on va voir un film. Pour Maintenant ou jamais, ça a été hyper délicat de devoir contenir en permanence les émotions, surtout que je suis assez entière au quotidien.On t’a découverte avec Sheitan (Kim Chapiron, 2006) et surtout, plus tard, avec Tout ce qui brille, des films allant contre un courant un peu bourgeois du cinéma français. Désormais, tu tournes avec des auteurs un poil plus sages comme Pierre Jolivet, Philippe Claudel ou Serge Frydman.Regarde bien les films dont tu parles et tu verras qu’ils n’ont rien de conformistes. J’aime vraiment les trucs transgressifs et décalés. Plus c’est loin de moi et plus j’ai envie d’y aller. Je crois sincèrement que mes choix n’ont rien de conventionnel. Après Tout ce qui brille, j’aurais pu confortablement m’installer dans le registre de la comédie girly, mais j’ai tout refusé. Je ne voulais pas m’enfermer là-dedans.À ce propos, on te demande toujours de faire le paon ? (Rire.) Non, ça s’est calmé. Malgré tout, dès que je suis avec Géraldine, on n’y coupe pas. Mais t’inquiète, on fait toujours le paon avec plaisir. (A suivre)Propos recueillis par François Grelet.Retrouvez l'intégralité de l'interview avec Leïla Bekhti dans le numéro de septembre de Première, aujourd'hui en kiosques. Le sommaire est ici.Bande-annonce de Maintenant ou jamais, aujourd'hui en salles :
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Leïla Bekhti : "Je ne pense pas à ma carrière en termes de stratégie"
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