Laure Calamy Antoinette dans les Cévennes
Diaphana Distribution

Le film de Caroline Vignal, qui lui a offert le César de la meilleure actrice, arrive en clair sur France 2.

A l'occasion de la première diffusion en clair d'Antoinette dans les Cévennes à la télévision, nous partageons notre long portrait de Laure Calamy, rencontrée durant l'été 2020, qui est initialement paru dans le numéro 510 (octobre 2020, Alexandre Astier en couverture).

Révélée au grand public par la série Dix pour cent, Laure Calamy trouve son plus beau rôle avec Antoinette dans les Cévennes, singulière comédie romantique où elle a un âne comme partenaire ! Retour sur le parcours de cette comédienne qui a choisi le registre fantasque pour briller.

Il y a les rôles qui vous révèlent au plus grand nombre, mais aussi ceux qui, une fois ce cap franchi, vous permettent d’exprimer toute la palette de votre jeu en explosant le cadre dans lequel on risquerait de vous enfermer. Laure Calamy a eu la chance de connaître ces deux opportunités et de s’en être saisie avec gourmandise. La révélation, ce fut en 2015 grâce à la série Dix pour cent, dont l’ultime saison est prévue pour la rentrée. Mais avec Antoinette dans les Cévennes, c’est bel et bien un nouvel horizon qui s’ouvre devant elle. Devant la caméra de Caroline Vignal, elle incarne une institutrice qui s’apprête à passer une semaine de vacances avec son amant, père d’une de ses élèves. Sauf que le dernier jour d’école, il lui annonce qu’il part finalement une semaine avec sa femme randonner au coeur des Cévennes. Antoinette n’étant pas du genre à jouer les Pénélope se languissant du retour de l’être aimé, elle décide de partir sur ses traces. Cette néophyte de la rando va alors voir sa vision de la vie et de l’amour bouleversée au fil de ses pérégrinations avec un âne pour compagnon.

« Le rôle n’était pas écrit pour moi », explique Laure Calamy à la terrasse d’un café dans un Paris enfin déconfiné, début juillet. « Antoinette était plus jeune au départ. Mais lorsque Caroline a décidé de la vieillir, elle m’a envoyé le scénario. Dès la lecture, ce fut pour moi une évidence. J’avais le sentiment que Caroline me connaissait intimement tellement je m’identifiais au personnage. » Laure Calamy – dont le compagnon est guide de montagne – a en effet un rapport intime avec la marche et même comme animal préféré… l’âne ! « Mais j’ai surtout adoré le panache de cette Antoinette. Elle n’a jamais peur du ridicule et du pathétique et c’est un sentiment que je partage : se foutre du regard des autres pour vivre comme on l’entend. » Ce rôle lui permet surtout de transcender l’emploi dans lequel elle évoluait majoritairement depuis la Noémie de Dix pour cent. Les héroïnes pétulantes, débordantes de vie. Des seconds rôles essentiellement. « Je n’ai pas faim de premiers rôles pour avoir plus de place devant la caméra, mais parce qu’ils permettent de se déployer. »

Antoinette dans les Cévennes : Le show Laure Calamy [Critique]

Décrocher la lune

Antoinette dans les Cévennes déborde de son bonheur à jouer, né enfant lors de sa toute première fois sur scène. « C’était un spectacle de colonie de vacances. Je jouais un Pierrot qui devait décrocher la lune. Derrière mon masque, j’étais fascinée de regarder le public et de voir tous ces gens qui attendaient que quelque chose se passe. Je me suis sentie investie d’une mission plus grande que moi. J’étais galvanisée. » Cette foi ne la quittera plus, nourrie par les fréquentations artistiques de son père. « Je ne l’ai su que plus tard, mais il avait rêvé plus jeune de devenir acteur avant de renoncer car il se trouvait trop petit ! Il était ami avec le comédien Jean-Pol Dubois. À chaque fois que celui-ci venait à la maison, je buvais ses paroles de récits de tournage ou de tournée. J’étais une petite fille qui n’avait qu’une hâte : partir à l’aventure. Et le théâtre allait me le permettre. »

Aventure libératrice

L’adolescente orléanaise débarque alors à Paris et pose un temps ses valises au Centre dramatique de La Courneuve. « Là, un prof, Jean Brassat, m’a donné une ossature en me permettant de me construire dans le rapport au texte. L’exigence qu’il m’a inculquée est inestimable. Car avant même de prendre la parole, la langue des auteurs qu’il me donnait à jouer m’émouvait et me remplissait de joie. » La suite de cette aventure libératrice pour celle qui, ado, a passé un an quasi mutique, passe par le Conservatoire puis par de nombreuses scènes où elle joue Labiche, Corneille, Brecht, Shakespeare ou encore Olivier Py. Mais si le théâtre envahit sa vie, le cinéma joue aux abonnés absents. « J’avais le sentiment que ce n’était pas pour moi. Quand j’ai eu mon premier agent, je passais un casting par an que je ratais forcément car je me mettais trop de pression. Je voyais que je ne correspondais pas à ce qu’on voulait raconter de la jeune femme à cette époque, contrairement aux filles de ma promo comme Anna Mouglalis ou Rachida Brakni. » Et pourtant elle n’en souffre pas. « Parce que je trouvais au théâtre tout ce dont j’avais besoin. L’acteur y est le vecteur principal, alors qu’au cinéma tout dépend du réalisateur. Si on est mal regardé, on sera quoi qu’il arrive irregardable. »

Mais, comme souvent, une rencontre suffit à débloquer les choses. Pour Laure Calamy, ce sera Bruno Podalydès qui lui offre son premier rôle dans Bancs publics. « Aux essais, Bruno me donne la réplique et ça change tout. Parce que le jeu, c’est l’autre. Puis sur le plateau, je comprends que je peux correspondre à ce qu’on veut ,raconter à ce moment-là de la femme de 30 ans. Plus effrontée sexuellement, un peu hystéro… » Deux ans plus tard, cette impression se confirme avec Un monde sans femmes de Guillaume Brac. Dans un rôle cette fois écrit pour elle, avec l’aide de ce fameux coup de pouce du destin si indispensable. « Guillaume avait vu Ce qu’il restera de nous, le moyen métrage réalisé par Vincent Macaigne. J’y ai une scène où je pète les plombs nonstop pendant neuf minutes. Un plan-séquence réalisé en une prise où j’attendais que Vincent me dise “Coupez” alors qu’il a eu l’idée géniale de me laisser aller au bout, jusqu’à un certain épuisement. Mais cet état de bruit et de fureur ne correspondait pas à ce que Guillaume recherchait pour son film. Et puis, un jour, je les croise lui et Vincent à la terrasse d’un café. Je m’installe, on passe du temps à discuter. En partant, il me dit que ce que je dégage n’a absolument rien à voir avec ce qu’il connaît de moi. » Dès le lendemain, le réalisateur lui envoie un petit mot lui expliquant qu’il s’apprête à écrire un film avec un rôle pour elle. Un rôle sur mesure, le premier qui chatouille les esprits des cinéphiles. Et un premier (petit) tournant. « C’est à partir de là que j’ai commencé à passer régulièrement des essais. Mais toujours pour des rôles de deux ou trois jours. C’est un processus extrêmement lent mais dont je n’ai jamais souffert, car j’ai toujours travaillé au théâtre qui est et restera mon pays d’origine et jamais une roue de secours. »

Antoinette dans les Cévennes – Benjamin Lavernhe : "J’ai été marqué par la mélancolie de l’âne"

Provoquer le désir

On retrouve alors sa frimousse enjouée chez Albert Dupontel (9 mois ferme), Jérôme Bonnell (À trois on y va) ou encore Lucie Borleteau (Fidélio, l’Odyssée d’Alice) avant qu’elle ne décroche le rôle de Noémie dans Dix pour cent. « C’est celui qui va asseoir ma crédibilité auprès d’un plus grand nombre de producteurs. Même si, au départ, peu croyaient en cette série. Canal+ l’avait refusée et mon agent de l’époque me demandait qui cela allait bien pouvoir intéresser. » Or, non seulement Dix pour cent va faire les beaux jours de France 2 mais surtout le personnage de Noémie va gagner en importance au fil des saisons. « De tous les comédiens récurrents, j’étais celle, avec Liliane Rovère, qui avait le moins de jours de tournage. Mais la rencontre avec Nicolas Maury a créé une étincelle qui a inspiré les scénaristes et le rôle a pris une autre ampleur. »

Exactement comme la carrière de Laure Calamy sur grand écran. Avec toujours des seconds rôles, certes, mais de plus en plus conséquents, sans dévier de son penchant naturel pour le cinéma d’auteur. De Mikhaël Hers (Ce sentiment de l’été) à Justine Triet (Victoria) en passant par Guillaume Senez (Nos batailles), Emmanuel Mouret (Mademoiselle de Jonquières) ou encore Léa Mysius avec Ava, dans le formidable rôle de cette mère dont la fille perd peu à peu la vue. « Ce n’est jamais compliqué de dire oui pour moi. La logique de se faire rare n’est absolument pas la mienne. Je pars du principe que je pourrais mourir demain donc je ne tergiverse jamais si quelque chose me plaît. » Par contre, décliner une proposition reste une autre paire de manches. « J’ai déjà dans la vie tendance à culpabiliser énormément. Alors dire non à quelqu’un chez qui vous avez provoqué un désir n’est jamais simple, car j’imagine toujours le chemin que cela représente pour un auteur. D’autant plus que c’est encore nouveau pour moi. C’est aussi pour cela que j’aime tant les seconds rôles, cela permet de les enchaîner et de jouer au théâtre en parallèle. » Comme elle a pu le faire avec bonheur encore récemment face à Isabelle Adjani dans la lecture de La Fin du courage, mise en espace par Nicolas Maury. Ce même Nicolas Maury qui l’a dirigée le temps d’une scène étourdissante en réalisatrice bien allumée dans son premier long, Garçon chiffon, que l’on verra dans les salles le 28 octobre.

Mais d’ici là, sauf retour en force du coronavirus, Laure Calamy aura commencé à enchaîner trois films avec trois premiers rôles chez Éric Gravel, Cécile Ducrocq (qui l’avait déjà dirigée en prostituée dans La Contreallée, César du meilleur court métrage 2016) et Sébastien Marnier. Et ce, après des vacances bien méritées qui débutent pile à la fin de notre rendez-vous. Quelques semaines de repos avant le début d’une nouvelle ère. Car on en fait le pari, il y aura pour Laure Calamy un avant et un après Antoinette dans les Cévennes.

Bande-annonce :


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