'' Quand j’étais jeune je voulais devenir scénariste de bandes dessinées mais avec la maturité on a envie de réaliser des choses plus chargées de sens. ''
Le thème de l’homme invisible n’est pas nouveau quand Paul Verhoeven (Basic Instinct, Total Recall, Elle...) décide de réaliser son long métrage de science-fiction, qui lui vaudra l’Oscar des meilleurs effets visuels. Sur petit écran (l’Homme invisible, 1975) comme sur grand écran (L’incroyable homme invisible, 1960), les histoires mettant en scène des hommes ‘’sans ombre’’ se sont multipliées. Avec inventivité et créativité lors des tournages, on faisait comprendre aux spectateurs que si une porte s’ouvrait c’était éventuellement le passage de l’homme invisible et ces héros ont tous quelque chose en commun : une morale. Ils se servent de leur pouvoir d’invisibilité pour faire le bien ou en tout cas réparer les torts d’un monde qui va mal.
En 2000, Paul Verhoeven vient bousculer l’image bienveillante qu’on pouvait avoir de l’homme invisible. Le héros Sebastian Cain incarné par Kevin Bacon est un scientifique égocentrique qui va profiter de son pouvoir pour répondre à ses désirs primitifs envers les femmes. L’homme invisible est avant tout nu et vicieux, il s’immisce dans la vie intime des femmes pour assouvir ses fantasmes sexuels. A sa sortie, le journaliste Jean Yves Katelan avait accordé trois étoiles au film et salué l'aspect provocateur de son concept : ''Merci donc à Paul Verhoeven de remettre un peu le désordre dans cet agencement de conventions ridiculement dadaisques. ''
Les scènes choc de Paul Verhoeven : Basic Instinct, Robocop, Elle...Pour le numéro de Première de septembre de l’année 2000, le journaliste Gérard Delorme avait interviewé le réalisateur. Ce dernier confiait tout d’abord que son intérêt pour le thème de l’invisibilité remonte à l’université, lorsqu’il étudiait le grec : ''Platon disait que si un homme devenait invisible, il entrerait dans les maisons pour tuer l’homme et violer la femme. Il deviendrait Dieu. Ça m’a toujours frappé. '' De cette question en découle une autre, celle qu’on ne peut que se poser durant tout le film, l’homme est-il nécessairement mauvais ? Habitués aux Happy end hollywoodiennes qu’engendrent ce genre de thème, on attend une rédemption du personnage, en vain. Lorsque le journaliste posait cette question au cinéaste, il répondait : '' Seulement en partie. Si certains ne devenaient jamais mauvais, ils s‘ennuieraient. Ou deviendraient tristes.''
En revoyant le film vingt ans après on est encore frappé par l’obsession sexuelle du personnage, et sa mesquinerie. Outre l’histoire de l’expérience d’invisibilité pour le pentagone, le fond du film reste très obscur. Le réalisateur était bien conscient de la noirceur de son personnage à sa sortie : '' Il me semble que ce n’est pas un film pour les critiques. En tout cas, pas pour les conservateurs, ni pour ceux qui cherchent des thèmes moraux et des résolutions positives. Le film est provocateur et subversif dans le sens ou il invite le public à participer au voyage de Sebastian dans l’univers du mal. '' De l’image de la crucifixion dans le Quatrième homme à la scène de viol dans Flesh and blood et Elle, Paul Verhoeven multiplie les scènes chocs et dérangeantes et pose ainsi son empreinte.
Le sujet de l’homme invisible n’a quant à lui pas fini d’inspirer les cinéastes. Le réalisateur Leigh Whannell reprend ce mythe avec Invisible man sorti en 2020 mettant en scène Elisabeth Moss en femme harcelée par son ex-mari doté du pouvoir d’invisibilité. Une fable post-Me too qui offre pour la première fois le point de vue de la victime. Une manière peut-être, de rendre un peu moins transparentes les femmes ?
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