Rencontre avec les actrices du film de Todd Haynes, surprenant favori des prochains Golden Globes.
Cette interview est publiée dans le dernier numéro de Première, le 2 décembre en kiosques. (Cliquer ici pour s'abonner)
La blonde et la brune. La « rising star » et la grande actrice internationale. Elizabeth (d’Angleterre) et Lisbeth (Salander). Réunies à l’affiche de Carol, la romance lesbienne corsetée de Todd Haynes, mais chacune de leur côté en interview, Cate Blanchett et Rooney Mara répondent (un peu différemment) aux questions (identiques) qu’on leur a posées.
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Première : Comment Todd Haynes vous a-t-il aidée à vous glisser dans la peau d’une femme des années 50 ?
Cate Blanchett : Il avait établi une sorte de playlist pour Rooney et moi, étant entendu que la musique est un liant puissant. On peut exprimer certaines choses avec des mots, mais une chanson permet parfois de comprendre beaucoup plus directement. Et Todd est très centré sur la musique. Ca a été très utile. Il m’a également conseillé d’étudier le travail de quelques femmes photographes de rues de l’époque et, parmi elles, Vivian Maier, que j’ai découverte. Une vraie révélation.
Rooney Mara : Il nous a fait découvrir le film Lovers and Lollipops (Morris Engel et Ruth Orkin, 1956). Je ne le connaissais pas, il y a dedans une qualité naturaliste que les autres films des fifties n’ont pas. On voit vraiment la façon dont les gens bougeaient, parlaient… C’était très inspirant.
Y a-t-il une actrice 50s en particulier dont vous vous êtes inspirée ?
Cate : En vérité, non. La costumière Sandy Powell et moi avons étudié des magazines, des images, des photos, des styles des chapeaux pour trouver la silhouette de Carol. Ca peut paraître frivole, mais c’était important, surtout dans les premières scènes, où elle est vue à travers le regard de Thérèse. Nous voulions savoir ce qui attirait celle-ci chez Carol.
Rooney : Pas vraiment, non. Je sais que Todd mentionne parfois Jean Simmons en interview, mais il ne m’en a pas parlé avant le tournage.
Cate, on vous a beaucoup comparée à Gena Rowlands…
Si seulement !
Rooney, on vous a beaucoup comparée à Audrey Hepburn…
C’est très flatteur, mais c’est surtout le personnage de Thérèse qui lui ressemble. Sa naïveté, sa candeur, sa frange… C’est le genre de rôle d’Audrey aurait joué. Dans la vraie vie, pourtant, j’ai l’impression qu’elle et moi sommes très différentes.
Vous êtes toutes les deux à l’affiche du prochain Terrence Malick…
Cate : Nous ne nous sommes même pas croisées sur le tournage ! C’était avant Carol. Personne n’a vu le film, ni ne sait à quoi il ressemble…
Rooney : Oui, on a tourné le film il y a bientôt trois ans, mais on n’a aucune scène en commun. C’était une expérience étonnante. Terry est fou… Fou et génial. Je ne sais pas quand le film sortira, mais j’ai vu quelques scènes quand on m’a demandé d’enregistrer une voix off. Donc j’ai au moins une certitude : je suis dans le film !
Un autre point commun : vous avez toutes les deux été dirigées par David Fincher…
Cate : Je sais à quel point Rooney a adoré travailler avec David et combien lui-même a aimé travailler avec elle. Très peu d’actrices auraient pu jouer le rôle de « la fille au tatouage de dragon ». Ni jouer Thérèse avec autant de discrétion et de retenue, à la façon d’Audrey Hepburn. Elle a un registre incroyable. Et un sang-froid que j’aurais aimé avoir à son âge.
Rooney : Mon travail sur Millenium a duré près d’un an. C’est exceptionnellement long ; d’habitude, les acteurs ne passent jamais plus de trois mois sur un tournage. C’est le genre d’expérience de cinéma qui ne se renouvellera sans doute pas de sitôt. Je ne suis pas sûre qu’on tourne la suite un jour. Au début, j’étais persuadée qu’on allait faire la trilogie. Quand le tournage a pris fin, je n’ai donc pas refermé la porte. Mais elle se referme lentement, jour après jour, sans que je n’aie aucun contrôle là-dessus. Ça me rend triste.
Todd Haynes en trois mots ?
Cate : Esthète, rock star, amant. Il sait ce qui est exquis et révoltant. Il a une sensibilité que je n’ai rencontrée chez personne d’autre. C’est un collaborateur accompli. Ca fait beaucoup plus que trois mots !
Rooney : Trois mots, ce n’est pas suffisant. Il est affectueux, brillant, très intelligent. Par dessus tout, il n’a pas peur des femmes. Carol aurait pu être signé par une réalisatrice, personne n’aurait vu faire la différence.
Y a-t-il une pièce de la garde-robe de Carol que vous avez ramenée à la maison ?
Cate : J’adorais les jarretières, tous les dessous en général. Ca arrive souvent de vouloir garder des pièces à la fin des films, comme des gants, ou des chaussures. Mais une fois à la maison, ils sont détachés du personnage et ne ressemblent plus qu’à des accessoires.
Rooney : Rien du tout. Mais j’aurais du. C’est comme ça sur chaque tournage : à force de voir tous ces objets sur le set, ça fait partie de ton quotidien, tu n’emportes rien quand tout s’arrête, et tu finis par le regretter quelques mois plus tard. La seule chose que j’ai gardée de Carol, c’est mon corset. Pourquoi mon corset ? Aucune idée.
Propos recueillis par Gérard Delorme et Frédéric Foubert
Carol sortira en France le 13 janvier 2016
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