Tous les jours, le point à chaud en direct du 76e festival de Cannes.
La polémique du jour : Johnny Depp à la conf de presse de Jeanne du Barry
Johnny Depp a brillé par son absence lors du traditionnel photocall de Jeanne du Barry, programmé ce mercredi en fin de matinée. La conférence de presse commence finalement avec une vingtaine de minutes de retard, et la chaise de Depp est vide. "Il arrive", assure Maïwenn. Les journalistes sont sceptiques, puis Variety révèle que l’acteur est coincé dans les bouchons cannois. Finalement, il se présente au bout de dix minutes, sous les applaudissements, et prend place au côté de la réalisatrice, vêtu d’un costume sombre et de lunettes légèrement fumées laissant entrevoir son regard. Pas très pro, pas très poli, le Johnny ? Peur d’affronter la presse, le Depp ? Rien de tout cela.
Certes, son retard faisait tâche, mais il aura permis à Maïwenn de répondre à des questions pendant la première partie de la conférence, notamment sur ce casting étonnant ("Je devais l’embrasser donc je préférais prendre un acteur sexy"), et la solubilité de son style, très improvisé, dans le genre du film d’époque. Car après son arrivée, les journalistes n’en avaient plus que pour Depp. Cherchant souvent ses mots, il se montre très humble, loue le travail de Maïwenn et rappelle à plusieurs reprises que l’objet de cette conf' est le film et pas sa personne. Et la polémique dans tout ça ? Les questions sur son divorce ultra médiatisé avec Amber Heard n’ont finalement pas noyé le reste. Et Depp y a répondu avec un mélange de dédain, de rancœur et de philosophie. "Non je n’ai pas l’impression d’être boycotté par Hollywood, parce que je ne pense pas du tout à Hollywood, à vrai dire je n’ai pas besoin d’Hollywood. Nous sommes à une époque étrange où tout le monde aimerait être soi-même mais on ne peut pas, parce qu’il faut se conformer."
L’émeute du jour : le surbooking pour Pedro Almodóvar
Gros bin’s cannois comme il ne devrait plus en exister depuis la billetterie électronique : de nombreux possesseurs de billets pour la présentation de Strange Way of Life, le moyen-métrage de Pedro Almodóvar avec Ethan Hawke et Pedro Pascal, ont été victimes d’une sorte de surbooking sauvage. Le Hollywood Reporter raconte que les malchanceux festivaliers se sont pointés sous la pluie à 14 h 30 pour une séance prévue à 15 h, mais qu’ils attendaient toujours dehors à 15 h 30… Coup de théâtre : on leur a finalement demandé d’évacuer les lieux car les 1 068 places de la salle Claude Debussy étaient remplies. Gros-Jean comme devant, certains se sont mis à enguirlander le service de sécu qui n’y pouvait évidemment rien, alors que d’autres se sont rabattus sur le casino situé à deux pas. Anecdotique, bien sûr, mais quand même peu digne d’un des plus grands festivals du monde. THR rapporte d’ailleurs avoir entendu un membre de la sécurité juger la situation “inacceptable”. Pour le moment, le Festival de Cannes n’a pas officiellement réagi.
Cannes: “Unacceptable” Festival Mishap at Pedro Almodóvar Event Sparks Mini Riot https://t.co/looO4fsGYr
— The Hollywood Reporter (@THR) May 17, 2023
Les révélations du jour : Suzy Bemba et Esther Gohourou dans Le Retour de Catherine Corsini
Deux ans après La Fracture, on attendait le nouveau film de Catherine Corsini pour la promesse de voir sa révélation (Aïssatou Diallo Sagna) dans un premier rôle, celui d’une maman retournant en Corse avec ses deux filles quinze ans après y avoir vécu une tragédie. Et là, boum, la voilà qui se fait largement dépasser par ses deux filles jouées par Suzy Bemba et Esther Gohourou. Oh, pas de panique, Aïssatou Diallo Sagna est tout aussi excellente que dans La Fracture, mais ces deux gamines, bien que complètement archétypales (l’aînée bosseuse et la cadette rebelle) sont deux authentiques révélations, justes, hilarantes et intenses. OK, vous avez certainement déjà vu Suzy dans la série L’Opéra et Esther dans Mignonnes : mais la réunion des deux à l’écran crée l’un des plus beaux duos de teenagers de l’année. Le plus beau ? On l’espère.
La 3D du jour : Anselm (Le Bruit du temps) de Wim Wenders
Doublement présent sur la Croisette cette année (il revient la semaine prochaine pour Perfect Days), Wim Wenders s’échauffait hier avec Anselm, documentaire projeté en Séance spéciale. “Le seul film en 3D du festival”, précisait Thierry Frémaux en préambule. Pour être honnête, on voyait mal ce que le relief allait apporter à ce docu dédié à la vie et à l’oeuvre d’Anselm Kiefer, artiste plasticien allemand spécialiste des oeuvres monumentales, qui s’est fait connaître à la fin des années 60 avec des photos où on le voyait faire le salut nazi dans de grandes villes d'Europe. Finalement, Wenders nous a donné tort en ayant l’intelligence de faire de la profondeur de champ un pur outil de narration, qui augmente la poésie déchirante et planante du film. Avec Anselm, le réalisateur fusionne sans à-coups son univers et celui de Kiefer, artiste immense en quête du divin sur Terre. Tous Anselm !
Le monstre du jour : Tiger Stripes
Le cinéma malaisien a tellement les crocs qu’il a digéré Julia Ducournau avant tout le monde. Avec Tiger Stripes, la réalisatrice Amanda Nell Eu signe un conte gore façon Grave sur l’adolescence dans la forêt tropicale. Comme sa correspondante française, Zaffan, 12 ans, traverse une puberté franchement hardcore : règles dionysiaques, acné purulente et appétit démoniaque… Sa crise d’ado fait tâche dans son village natal et mènera rapidement à l’hystérie collective. Si ce récit d'émancipation peut parfois manquer de rythme, son plaisir sincère à invoquer des monstres locaux, des exorcistes en carton et des tik-tokeuses possédées finit par nous emporter dans la jungle.
Le duo du jour : Pierre Goldman/ Georges Kiejman
Le 9 mai dernier, disparaissait à 90 ans Georges Kiejman, avocat légendaire qui fut aussi Ministre de la Justice sous Mitterrand. Et le voilà donc une poignée de jours plus tard au coeur d’un film. Le Procès Goldman de Cédric Kahn, en ouverture de la Quinzaine qui, comme son titre l’indique, revient sur le procès retentissant en appel, en 1975, de Pierre Goldman, militant d’extrême-gauche condamné en première instance à perpétuité pour quatre braquages à main armée meurtriers, qu’il niait avoir commis. Un procès historique qui transforma Goldman en icône de la gauche intellectuelle et son jeune avocat, Kiejman donc, en star du barreau. Et ce en dépit de - ou grâce à ? - leur relation houleuse. Et si Kahn impressionne par la mise en scène de cette reconstitution tout sauf scolaire, son film décolle aussi grâce aux monologues puissants et aux échanges à fleurets mouchetés entre ce duo sans cesse au bord de la crise de nerfs. Deux hommes brillamment incarnés par Arieh Worthalter (le père du Girl de Lukas Dhont) et… Arthur Harari, le réalisateur d’Onoda, qui avait déjà fait le comédien mais jamais dans un rôle de premier plan. “Son” Kiejman est le plus beau des hommages.
La chanson du jour : “Mes yeux dans ton regard” de Nilda Fernandez
Les tubes français des années 80 et 90 sont à la fête en ce début de festival. Ce jeudi, le duo Michel Sardou- Sylvie Vartan, “La première fois qu’on s’aimera”, résonnera dans le Simple comme Sylvain de Mona Chokri. Ce mercredi soir, en ouverture d’Un Certain Regard, dans le très réussi Règne animal de Thomas Cailley le personnage incarné par Romain Duris écoute à fond dans sa voiture le “Elle est d’ailleurs” de Pierre Bachelet, la chanson de la rencontre avec sa femme. Et, en ouverture de la Semaine de la Critique, dans son très émouvant Ama Gloria (centré sur la relation entre une petite fille de 6 ans et sa nounou cap-verdienne, le temps d’un ultime été ensemble), c’est la sublime voix du regretté Nilda Fernández avec son “Mes yeux dans ton regard” qui résonne par deux fois, le temps d’une scène lumineuse entre cette enfant et son père puis pour accompagner le générique de fin. Nostalgie, quand tu nous tiens…
La pause pipi du jour : Occupied City de Steve McQueen
Steve McQueen présentait hors compétition son documentaire Occupied City (sur Amsterdam durant la Seconde Guerre Mondiale), Thierry Frémaux lui tendait le micro sur la scène de la salle Debussy, le questionnait sur son lien à la capitale hollandaise (où le réalisateur de 12 Years A Slave habite depuis près de trente ans) mais McQueen semblait pressé de débarrasser le plancher. "Thierry, ne traînons pas, le film dure quatre heures !". Juste avant de disparaître, il a quand même repris la parole une dernière fois pour rassurer les spectateurs : "Il y aura un entracte ! Quinze minutes ! Vous avez des toilettes à droite et à gauche de la salle, là et là, il y en a d'autres dans le hall ! ". McQueen s'inquiétant du confort (et de la vessie) de ses spectateurs ? Il faut dire qu'Occupied City est sans doute son projet le plus hardcore : 4h (et 6 minutes, pour être précis) pour un docu exclusivement constitué d'images contemporaines d'Amsterdam (filmée pendant et après le confinement), et rythmé en off par un commentaire retraçant les destins de dizaines de Juifs et résistants durant l'Occupation nazie, comme une sorte de vaste atlas géo-historique cherchant à faire dialoguer passé et présent. Un projet ultra-conceptuel, intéressant sur le papier, mais qui ne fonctionne en réalité qu'à moitié et finit par provoquer l'engourdissement du spectateur. 4h06, c'est vrai que c'est un peu long… Après ça, les 3h32 de Jeunesse de Wang Bing, les 3h26 de Killers of the Flower Moon de Scorsese et les 3h17 des Herbes Sèches de Nuri Bilge Ceylan seront une promenade de santé. Avec ou sans entracte ?
Le classique du jour : Caligula The Ultimate Cut
Ajouter les mots Ultimate Cut à n’importe quel film le rend-il plus sexy ? En tous cas, à la fin des années 70, le producteur du péplum zarbi Caligula (et fondateur de Penthouse) Bob Guccione considérait que pour rendre un film sexy, il fallait tourner des tonnes de scènes de cul pour les injecter dans un film qui deviendra un des grands trucs maudits et monstrueux (et vaguement irregardables) de l’histoire du cinéma. Abandonné par son réalisateur, renié par sa star Malcom McDowell, monté n’importe comment… et ressuscité à Cannes cette année comme un beau classique du cinéma, dans un tout nouveau montage. Alors, Caligula, Ultimate ou pas ? On vous explique tout ici.
Caligula prend sa revanche à Cannes sous la forme d'un Ultimate Cut
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