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Pyramide Films

Ce drame à revoir ce soir sur Canal + met en scène une histoire d’amour entre une avocate quadragénaire et son beau fils de 17 ans. Un récit qui, comme toujours chez Catherine Breillat, fait fi des questions de morale et crée un inconfort, aussi malaisant que passionnant à explorer.

Canal + programme ce soir un film captivant : L'Eté dernier, de Catherine Breillat, qui offre un nouveau rôle fort à Léa Drucker après le choc de Jusqu'à la garde, de Xavier Legrand. Première l'avait découvert à Cannes, en mai dernier, et pour patienter jusqu'à sa première diffusion à la télévision, nous repartageons notre critique.

Léa Drucker : “Xavier Legrand est très inspirant”

Critique initialement publiée le 26 mai 2023, en direct de la Croisette :

Hasard de la programmation, les sélectionneurs de Cannes viennent en deux jours de proposer deux films qui explorent deux des caractéristiques majeures des Français aux yeux du monde entier (avec les clichés qui leur sont associés) : notre rapport singulier à la bouffe et au sexe. Deux films aux antipodes l'un de l'autre. D’un côté l’enveloppant Dodin Bouffant, parfait antidote au cynisme de notre époque, célébrant la cuisine comme un geste amoureux avec une ambition formelle de beauté dans chaque plan (jusqu'à faire disparaître toute tâche de gras dans la fabrication de recettes roboratives) qui en fait notre meilleur candidat à l’Oscar du film étranger depuis Les Choristes pour enfin trouver le successeur d'Indochine, voilà déjà 30 ans ! De l’autre le dérangeant et fuyant, lui, comme la peste toute empathie L’Eté dernier qui parle de sexualité en faisant fi de tout point de vu moraliste et les débats qui agitent en permanence notre société sur le sujet.

Cela fait dix ans qu’à cause de soucis de santé, Catherine Breillat avait dû se tenir éloignée des plateaux de cinéma. Et le temps a beau avoir passé, elle tient bon le cap de son cinéma. En s’affranchissant, comme depuis toujours, de la pensée dominante de son époque. En questionnant et remettant en cause ce qu’on pensait établi. Pas par banal esprit de provocation mais dans un geste naturel qui traduit celle qu’elle est profondément.

Une vraie jeune fille, 36 fillette, Parfait amour !, Romance… Le cinéma de Breillat n’arrondit jamais les angles, bouscule, crée le malaise. Ce remake d’un film danois resté inédit dans nos salles (Dronningen de May el- Toukhy) ne devrait pas être en reste de ce point de vue- là, à écouter les réactions à la sortie de sa projection, entre ceux qui assuraient avoir vu la Palme et ceux qui n’avaient que le mot abjection à la bouche.

L’Eté dernier est le récit d’un amour interdit, celle d’une avocate quadragénaire (qui défend notamment les mineurs victimes d'abus) avec son beau- fils de 17 ans. Breillat y filme les corps qui s’entremêlent, les peaux qui rougissent avec une intensité inouïe. Elle propose l’un des plus dérangeants et machiavéliques portraits de femme qu’il ait été donné de voir depuis longtemps, portée par son désir mais refusant de payer quoi que ce soit au nom de celui-ci.

La cinéaste s’aventure dans un sujet tabou sans chercher à s’en excuser, ni à équilibrer les points de vue. Ca hérisse, ça décoiffe, ça crée un inconfort permanent et pas forcément agréable à vivre. Mais ça impressionne aussi, à l’image des interprétations magistrales de Léa Drucker et de Samuel Kircher (le frère cadet de Paul, héros du Règne animal en début de festival). Un retour gagnant.

Bande-annonce :