Sur son compte twitter, Michael Winner avait écrit « I am a totally insane film director, writer, producer, bad tempered, totally ridiculous example of humanity in deep shit ». « Je suis un cinéaste, scénariste, producteur complètement dingue, un type en colère, et l'exemple ridicule d'une humanité dans la merde ». Tout était dit de sa folie, de ses manières, et surtout de cette vision noire, sinistre et crue, qui habita ses films les plus tordus. Si pour l'Histoire officielle, il ne restera de Winner que la saga Un Justicier dans la ville, le cinéaste valait mieux que ça. Né en Angleterre en 1935, Michael Winner commence sa carrière très jeune. Après des boulots d'assistants à la BBC et la réalisation de quelques épisodes télé, il signe trois longs-métrages avec Oliver Reed qui, au sein du free cinéma anglais, brillent par leurs bizarreries. Trois films de genre amers et enlevés qui témoignent d'abord de sa versatilité (comédie sociale, polar ou aventure guerrière avec L'Extraordinaire Évasion) mais aussi de ses talents de faiseurs. Winner y fait ses gammes, tout en explosant les codes et en réussissant à diriger ses stars avec aplomb (Orson Welles et Reed, pas les plus faciles). Ce CV intéresse vite la MGM qui lui offre un premier film US en 71. Ce sera L’homme de loi, post-western sous influence Peckinpah, porté par un Burt Lancaster intense qui incarne un shérif dont l’obsession pour la justice vire à la folie pure. Violence explosive, sécheresse de la mise en scène, nervosité de l'intrigue... le style minimaliste de Winner est en place et sera porté à incandescence dans Les Collines de la terreur, un western qui scelle sa rencontre avec Bronson (son acteur fétiche) et mélange les outrances du western italien à des réflexions fortes sur le communautarisme et la guerre du Vietnam. Entre ces deux films, Winner repart en Angleterre tourner son oeuvre la plus étrange, Le corrupteur, adaptation libre de Henry James (le film imagine le passé des personnages du Tour d'écrou) où Winner fait exploser sa perversité. Conte SM et fable voyeuriste où il est question d'inceste et de domination érotique, le film est incarné par un Marlon Brando animal qui prépare visiblement sa prestation over the top du Dernier Tango à Paris. Injustement oublié (malgré la présence surpoumonnée de Stefanie Beacham), ce Corrupteur est un drôle d'objet cinématographique qui bouleverse le fantastique victorien pour le tirer vers les excès du giallo 70's. Un projet hybride, scandaleux et outrancier, portant la marque d'un vrai cinéaste qui oeuvre désormais à l'ombre du sadisme. Revenu aux US, Winner signe un classique d'espionnage 70's (le paranoiaque Scorpio), deux solides Bronson (Le Cercle Noir mais surtout le behavioriste Flingueur) avant que sa carrière ne change à jamais après avoir croisé le chemin de Paul Kersey. En 1974, Charles Bronson incarne pour Winner ce placide architecte auquel il va arriver des bricoles. Sa femme et sa fille sont agressées par d'affreux salopards. La femme meurt, la fille devient folle, Kersey aussi, qui décide de dessouder la racaille. Le carnage commencé dans le premier épisode s'achève vingt ans plus tard dans le nanar terminal Le Justicier : l'ultime combat. Entre-temps, Winner aura réalisé les trois premiers épisodes, et sera devenu le symbole d'un cinéma facho et réactionnaire. C'est évidemment excessif. Le premier film est plus ambigu que ce qu'on a voulu croire. Le scénario de Wendell Mayes (à qui l'on doit notamment deux films d'Otto Preminger Autopsie d’un meurtre et Tempête à Washington) se concentre sur un personnage de bourgeois qui se transforme progressivement en vigilante ; Kersey est montré comme un bourgeois anonyme qui devient un psychopathe pervers. Malgré tout, ce film séminal (Un Justicier dans la ville invente un sous-genre décliné avec plus ou moins de bonheur - de Chute Libre à Irréversible) invalidera à jamais la carrière du cinéaste. On ne prétendra pas que Winner était l'égal d'un Aldrich ou d'un Fuller (cinéastes dont la sauvagerie et la brutalité l'ont sans doute inspiré), loin de là. Mais J. Lee Thompson ou même Sidney Lumet (qui fut pressenti pour réaliser le premier Justicier) travaillaient à la même époque dans les mêmes registres... Et il suffit de revoir les 20 premières minutes (muettes et impressionnantes) du Flingueur ou de repasser certaines scènes du Corrupteur ou de La Sentinelle des maudits (son film fantastique et sa dernière oeuvre notable) pour admettre que Winner était un excellent faiseur de séries B et avait su, tout au long des 70's, installer un univers thématique et formel absolument cohérent. Plus intéressant que ce qu'en disait une certaine presse qui, à la même époque, crucifiait Eastwood pour les mêmes raisons.Quoiqu'il en soit, et comme bon nombre de ses contemporains, les années 80 lui seront fatales, avec l'horrible Un Justicier à New York et les pubs pour assurance. Mais ses films des années 70 dressent un portrait d'une Amérique en crise (et en guerre), rongée par la paranoia et des bouffées de violence incontrôlables. En 1989, Winner déclarait : "Je trouve que les agresseurs sont des gens intéressants". Témoignage de sa fascination pour le sadisme et le mal qui innerve toute sa filmographie.
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Mort de Michael Winner réalisateur d'Un Justicier dans la ville
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