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Pour bien commencer l'année cinéma, le réalisateur de 2012 relit Shakespeare, Michael Shannon devient fou et Guillaume Canet veut Une vie meilleure avec Leïla Bekhti.Choix numéro 1 : Anonymous, de Roland Emmerich, avec Rhys Ifans, Vanessa Redgrave ...Synopsis : C’est l’une des plus fascinantes énigmes artistiques qui soit, et depuis des siècles, les plus grands érudits tentent de percer son mystère. De Mark Twain à Charles Dickens en passant par Sigmund Freud, tous se demandent qui a réellement écrit les œuvres attribuées à William Shakespeare. Les experts s’affrontent, d’innombrables théories parfois extrêmes ont vu le jour, des universitaires ont voué leur vie à prouver ou à démystifier la paternité artistique des plus célèbres œuvres de la littérature anglaise. A travers une histoire incroyable mais terriblement plausible, "Anonymous" propose une réponse aussi captivante qu’impressionnante. Au cœur de l’Angleterre élisabéthaine, dans une époque agitée d’intrigues politiques, de scandales, de romances illicites à la Cour, et de complots d’aristocrates avides de pouvoir, voici comment ces secrets furent exposés au grand jour dans le plus improbable des lieux : le théâtre…L'avis de Première : La théorie est séduisante, suggérant que William Shakespeare ne serait que le prête-nom d’un noble du XVIe siècle, à qui la bienséance et la prudence interdisaient de s’adonner à l’écriture. Thèse invalidée par la majorité des historiens mais digne des meilleures pièces de l’auteur d’Hamlet. (...) Très bien, mais que vient faire Roland Emmerich (Godzilla, 2012) dans tout ça ? Lui, le réalisateur-scénariste de films catastrophe plus ou moins indigestes. Lui encore, le Spielberg du pauvre, tout juste bon à inonder l’écran de vagues ou de monstres numériques. N’en jetez plus car, avec Anonymous, le cinéaste allemand prouve qu’il est capable de sublimer un beau sujet et de faire vivre des personnages complexes sur la durée. Il est aidé dans sa tâche par des acteurs en état de grâce : Rhys Ifans n’a jamais été aussi séduisant ; David Thewlis s’est rarement montré aussi retors ; l’immense Vanessa Redgrave, elle, joue sans fard (dans tous les sens du terme) devant une caméra traqueuse de rides disgracieuses. Emmerich, pour sa part, met enfin sa science des effets numériques au service de l’histoire, délivrant ici et là des plans graphiques majestueux. Il était temps que lui aussi révèle sa vraie nature, celle d’un artisan aussi appliqué qu’inspiré.  Bande-annonce : Choix numéro 2 : Take Shelter, de Jeff Nichols, avec Jessica Chastain, Michael Shannon...Synopsis : Curtis LaForche mène une vie paisible avec sa femme et sa fille quand il devient sujet à de violents cauchemars. La menace d'une tornade l'obsède. Des visions apocalyptiques envahissent peu à peu son esprit. Son comportement inexplicable fragilise son couple et provoque l'incompréhension de ses proches. Rien ne peut en effet vaincre la terreur qui l'habite...L'avis de Première : (...) ceux qui s’attendraient à un divertissement spectaculaire avec surenchère d’effets spéciaux et patriotisme post-11 Septembre en seront pour leurs frais. Le surnaturel ne fait ici que servir d’écrin à un drame humain, exactement comme dans un film de Shyamalan où l’essentiel, invisible à l’œil nu, réside dans le combat livré contre la peur et contre soi-même. Nichols retrouve Michael Shannon, déjà rôle principal dans Shotgun Stories et incarnation sublime du dérèglement psy depuis Bug (William Friedkin, 2007). (...) Bug et Take Shelter ont beau être deux films apocalyptiques plaçant en leur centre un Shannon névrotique, l’un s’impose presque comme l’antithèse de l’autre. Loin de toute tentation hystérique, Nichols traite de l’aliénation mentale avec une profonde empathie. Shannon est au diapason : son personnage, Curtis, à la fois stoïque et vulnérable, meurt dans ses cauchemars, pleure à son réveil, terrorisé à l’idée d’avoir hérité de la schizophrénie dont souffre sa mère et de l’infliger aux siens (à sa femme, aimante et compréhensive, interprétée par l’éblouissante Jessica Chastain ; et à sa petite fille, sourde-muette). À aucun moment il ne se retournera contre eux, exprimant moins la démence furieuse d’un Jack Nicholson dans Shining que l’impuissance tendre d’un petit garçon seul face à ses démons, bouleversé par le regard de sa fille qui, elle non plus, n’a pas les mots pour exprimer ce qu’elle ressent. Devant l’imminence de la fin du monde, réelle ou virtuelle, Shannon adopte le même affaissement fataliste des épaules, la même tristesse enfoncée dans l’œil et la même colère rentrée que Richard Chamberlain dans La Dernière Vague, de Peter Weir, autre film catastrophe à taille humaine auquel on pense beaucoup. Si vous avez toujours du mal à retenir les dernières répliques des films, vous n’êtes pas près d’oublier celle, pétrifiante, de Take Shelter.Bande-annonce :  Choix numéro 3 : Une vie meilleure, de Cédric Kahn, avec Leïla Bekhti, Guillaume Canet...Synopsis : Yann et Nadia, amoureux, se lancent dans un projet de restaurant au bord d'un lac. Leur rêve d'entrepreneur se brise rapidement. Nadia, contrainte d'accepter un travail à l'étranger, confie provisoirement son fils à Yann. Elle disparaît...L'avis de Première : Une vie meilleure est le pendant de Toutes nos envies, de Philippe Lioret, son versant sordide. Yann et Nadia appartiennent à la catégorie des honnêtes gens pris dans la spirale de l’endettement et de la paupérisation que les deux juges du film de Lioret tentaient de sauver par la voie judiciaire. Mais, alors que Toutes nos envies démontrait, Une vie meilleure montre : la gueule de bois après les premières mises en demeure, les petits déchirements entre conjoints qui prennent de plus en plus d’ampleur jusqu’à l’irréparable, la promiscuité dans des bouges insalubres, la tentation du vol, le dégoût de soi... Kahn filme cette descente aux enfers comme il filmait une histoire d’amour destructrice dans Les Regrets, la caméra restant toujours dans l’action avec les personnages. Après le survival amoureux, le survival économique. Une vie meilleure parle évidemment du monde actuel, de notre société de consommation au bord de la rupture. C’est un film factuel, sans fioritures dramatiques, qui ne peut que nous interpeller.Bande-annonce :