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Le prix d’un homme : coup d’œil sur les Angry Young Men

Tom Jones (1963/ Tony Richardson)

<strong>De quoi ça parle ?</strong> Au 18e siècle, les tribulations de Tom Jones, malandrin et séducteur, courant de larcins en larcins et de femmes en femmes. Même s?il n?en aime profondément qu?une seule, une aristocrate inaccessible vu son statut d?enfant bâtard? <strong>Qu?est ce que ça a amené ?</strong> Trois ans après Samedi soir, dimanche matin, <strong>Albert Finney</strong> renoue avec un rôle de séducteur désinvolte, mais dans le registre de la comédie échevelée. Tom Jones décomplexera le cinéma anglais avec ses faux-airs de road-movie grivois et picaresque. Le film marqua surtout par sa liberté de ton, que ce soit dans l?hilarant prologue muet digne des grandes heures du burlesque hollywoodien, ou la subversion du film en costume au profit d?une redoutable satire. <strong>Son héritage ?</strong> L?ironie cinglante et ses clins d??il aux spectateurs dans de flagrants anachronismes se retrouvera dans certains <strong>Lars Von Trier</strong> (la voix off narrative et cinglante de Dogville et Manderlay, très proche de celle de ce film) et dans l?atmosphère générale du Tournage dans un jardin anglais de <strong>Michael Winterbottom</strong>.

La solitude du coureur de fond (1962/ Tony Richardson)

<strong>De quoi ça parle ?</strong> Un ado rebelle est placé en maison de correction pour avoir braqué une boulangerie. Il va s?en évader mentalement en passant son temps sur le stade de l?établissement, a courir. <strong>Qu?est ce que ça a amené ?</strong> La solitude du coureur de fond est rapidement devenu l?étendard de la jeunesse anglaise. Le film se met clairement de leur côté alors que sévit un affrontement culturel entre deux générations. <strong>Richardson</strong> donne clairement raison aux mômes de défier l?autorité si c?est pour rester fidèle à ses valeurs. <strong>Son héritage ?</strong> La structure du montage entremêlant flash-backs et présent fut rapidement adoptée par les collègues de Richardson (par exemple <strong>Richard Lester</strong>, qui le poussera plus loin quelques années plus tard dans Petulia), mais aussi quelques décennies plus tard par <strong>Steven Soderbergh</strong> pour L?Anglais. Il est par ailleurs impossible que <strong>Michael Mann</strong> n?ait pas vu La solitude du coureur de fond, tant le scénario de son Comme un homme libre est similaire.

Le prix d’un homme (1963/Lindsay Anderson)

<strong>De quoi ça parle ?</strong> Frank, un mineur de fond du Yorkshire est recruté par une équipe de rugby après avoir castagné son capitaine dans une bagarre de pub. Son propriétaire va exploiter sa phénoménale aggressivité sur le terrain. Ca se passe moins bien en dehors, Frank devenant de plus en plus asocial? <strong>Qu?est ce que ça a amené ?</strong> A sa sortie, Le prix d?un homme est un lourd échec public. Sans doute parce que, désormais habitué aux kitchen sink dramas, le public ne s?attendait pas à être déstabilisé par un film osant aller sur le terrain du mélo tout en ayant une forme incroyablement moderne, notamment dans les audaces de son montage qui apportait une narration fracturée. <strong>Son héritage ?</strong> Seconde influence notoire de L?anglais, c?est pourtant du côté de <strong>Martin Scorsese</strong> qu?il faudra aller chercher l?hommage le plus concret au Prix d?un homme : il reprendra son utilisation du son pour plusieurs scènes de Raging Bull, notamment celle du combat final entre Jake La Motta et Sugar Ray Robinson.

The Knack (1965/ Richard Lester)

<strong>De quoi ça parle ?</strong> Nancy, une jeune provinciale découvre le Londres du milieu des années 60. Surtout sa révolution sexuelle, au contact de trois colocataires : un prof paranoïaque, un batteur dragueur et un artiste? <strong>Ce que ça a amené ?</strong> The Knack est un des rares film en prise directe avec la folie du Swingin? London. <strong>Richard Lester</strong> (qui venait de boucler A hard day?s night avec <strong>Les Beatles</strong>) la capture dans la frénésie électrisante d?une mise en scène pop. Il n?oublie pas au passage de stigmatiser un conflit de générations via un ch?ur antique de « vieux croutons » désapprouvant les m?urs d?une jeunesse dissolue. <strong>Son héritage ?</strong> The Knack marque une triple première apparition au cinéma : celles de <strong>Charlotte Rampling</strong>, <strong>Jane Birkin</strong> et <strong>Jacqueline Bisset</strong>. Au-delà du fait qu?elles expérimentaient par elles-mêmes le Swingin? London, on peut parier sans risque que l?aspect libertaire de The Knack s?est prolongé dans leurs choix de carrières, où l?on trouve de nombreux films émancipatoires. Autre héritier évident du film de Lester : la série des Austin Powers, notamment le premier.

Les chemins de la haute ville (1959/Jack Clayton)

<strong>De quoi ça parle ?</strong> Joe, un jeune homme ambitieux quitte son job d?ouvrier en usine pour devenir employé de mairie. Il séduit, par pur interet, Susan la fille d?un riche industriel, qui brise rapidement cette relation. Joe rencontre une actrice française, mariée. Ils tombent amoureux au moment où Susan refait apparition? <strong>Qu?est ce que ça a amené ?</strong> A une période où il est de bon ton de traiter les grands sentiments avec une certaine noblesse, Les chemins de la haute ville balaient d?un coup cette tradition avec le portrait d?un homme préférant l?ambition à l?amour. <strong>Clayton</strong> met en scène des personnages moins factices que ceux des mélos traditionnels, parce que plus ambigus, plus complexes. Un naturalisme qui estomaquera jusqu?aux censeurs anglais, qui laissèrent pour la première fois passer un film aux dialogues crus pour son époque. <strong>Son héritage ?</strong> Hormis une pluie d?Oscars (dont un pour <strong>Simone Signoret</strong>), Les chemins de la haute ville ouvrit la brèche pour les Angry Young Men. S?il restait sage dans sa réalisation, le succès d?un film osant parler sans ambages du rapport entre prolétariat et bourgeoisie dans des petites villes de province affirmait que le temps des films de guerre et des gentilles comédies romantiques dont était abreuvé le public anglais depuis la fin de la seconde guerre mondiale était révolu.

Samedi soir, dimanche matin (1960/ Karel Reisz)

<strong>De quoi ça parle ?</strong> Un jeune ouvrier d?une usine de Nottingham jongle entre ses virées au pub chaque samedi soir et deux liaisons : la femme, plus âgées, d?un de ses collègues et une autre de son âge. Jusqu?à ce que la première tombe enceinte? <strong>Qu?est ce que ça a amené ?</strong> Samedi soir, dimanche matin reste le film inaugural des « Kitchen Sink drama » (équivalent de notre « cinéma deux pièces-cuisines »). Autrement dit le premier a explorer dans une veine réaliste et sociale le quotidien de la classe ouvrière anglaise. Jusque dans des thèmes alors tabous, comme la revendication d?une sexualité et l?avortement. <strong>Son héritage ?</strong> Le côté rugueux, pas forcément aimable de Samedi soir, dimanche Matin, comme sa mise en scène quasi-documentaire sera une influence évidente sur les premiers films de <strong>Mike Leigh</strong>. Le film de Reisz marquera aussi plusieurs générations de groupes pop-rock, des Stranglers ? qui reprendront son titre pour un album live- aux récents Arctic Monkeys qui lui ont emprunté une réplique pour le titre de leur premier album : Whatever People Say I Am, That's What I'm Not

La Nouvelle Vague ne fut pas qu’un phénomène français. En Angleterre, à la fin des années 50, une frange de jeunes réalisateurs -parmi lesquels celui du Prix d’un homme qui ressort cette semaine - décida de secouer le cinéma anglais. On les appelait les Angry young men. Best-of.Alex Masson