En attendant de savoir si Le Hobbit explosera le box office, la seconde trilogie consacrée par Peter Jackson à l'oeuvre de J.R.R. Tolkien pourrait bien entrer dans l'histoire du cinéma en tant que premiers films tournés en HFR. Kesako ? Le High Frame Rate consiste à doubler le nombre d'images par seconde d'un film - depuis les années 20, le standard était de 24 - afin d'augmenter le rendu visuel et par là la sensation de réalité. Pour comparaison, pensez au bond qualitatif entre une VHS et un Blu-ray.Vitesse et migraine optiqueLe principe n'est pas nouveau en soi : au début des années 80, Douglas Trumbull, le génie des effets visuels (à son C.V des films aussi importants que 2001 ou Blade Runner) met au point le Showscan, système révolutionnaire utilisant une pellicule en 65 mm, filmée et projetée à... 72 images seconde. Le résultat, estomaquant de densité visuelle, ne convaincra pourtant pas les industriels, notamment en raison des risques de migraines optiques provoquées par les projections sous ce format. Le Showscan restera utilisé pour certains rides dans les parcs d'attraction (notamment le Star Wars Tours à Disneyland ou King Kong au parc d'Universal studios) et tapera dans l'oeil de cinéastes, dont James Cameron. En mars 2011, il annonce qu'il compte tourner la suite d'Avatar en 48 ou 60 images/seconde, une vitesse qui reste supportable pour les rétines des spectateurs. Au même moment, emballé par les performances de la caméra RED Epic, Peter Jackson prend les devants et décide de tourner Le Hobbit à 48 images/seconde (FPS: Frame Per Second pour les Anglo-saxons).Haute définition et télénovelaIl expliquera ce choix à plusieurs reprises, quitte à craindre (comme il l'indiquera sur sa page Facebook) que certains spectateurs reprochent la pureté cristalline d'une telle image ou l'absence de grain qui fait le charme des projections usuelles en 35 mm. Jackson et Warner Bros. ne s'attendaient pas à la réaction, en avril dernier, du public du CinemaCon, l'énorme convention annuelle réunissant le gratin de l'industrie du cinéma américain, équivalente à notre Congrès des exploitants. Tous furent déçus par dix minutes d'extraits du film projetés en 48 FPS et en 3D. Pas par le contenu, mais par une trop haute définition à laquelle le public n’est pas encore habitué au cinéma. Jusqu'à évoquer sur des forums que cette image trop nette donnait la sensation de regarder une télénovela...Ce retour déclencha un plan Orsec chez Warner. En juin, les spectateurs du Comic-Con découvrirent ces mêmes dix minutes en 2D à 24 images seconde pour éviter que le buzz négatif continue à se propager, tandis que Warner Bros. annonçait en août, que la sortie en 48fps ne se ferait que sur un nombre limité de salles, afin de tester ce support et cet éventuel marché. La grande majorité des cinémas projetteront donc Le Hobbit à la durée "normale" de 24 images/seconde, ce qui implique paradoxalement des coûts supplémentaires à la production du film, puisque ce format nécessite non pas de couper des images mais de rajouter du flou artificiel pour éviter la sensation oculaire de saccadements.Voir ou ne pas voir le Hobbit en 48fps ?A cette considération économique s'est ajoutée une autre contrainte : laisser le temps aux salles de pouvoir équiper (via un logiciel aujourd'hui au point) leurs projecteurs numériques afin de pouvoir projeter Le Hobbit en 48fps. Début septembre la Warner semblait confiante, même si, de nouveau dans la crainte d'un retour négatif des spectateurs, le studio faisait une concession : dans les salles concernées, le prix du billet ne serait pas, selon la presse pro américaine, majoré, les spectateurs n'ayant pas à payer en plus du désormais habituel surcoût demandé pour la 3D.Le 9 novembre dernier, le studio a diffusé une liste des salles qui projetteront Le Hobbit en HFR et en HFR 3D aux USA et au Canada. Elle n'est pas si restreinte qu'on aurait pu le croire (à vue d'oeil, plus de 250 salles). Le 16 novembre, c'est la liste des salles anglaises qui a été mise en ligne, elle est plus courte - dix pour le moment, mais elle devrait rapidement s'étoffer. Qu'en sera-t-il en France ? Une relative panique s'est emparée des fans (surtout après que Gizmodo.fr a affirmé que le Pathé quai d'Ivry serait la seule salle de tout le pays à sortir le film en HFR 3D) sur Twitter ou Facebook. Elle a été vite calmée par des tweets d'exploitants parisiens ou de province confirmant qu'ils seront équipés à temps d'ici le 12 décembre.Le sens du progrèsEn fonction des retours des spectateurs qui auront vu Le Hobbit sous ce format, il faut donc s'attendre à ce que le parc de salles concernées augmente d'ici la sortie des 2e et 3e épisodes de cette nouvelle trilogie. Et de toutes façons prévoir que le 48fps devienne de plus en plus courant. Ne serait-ce que parce que l'avancée technologique va dans ce sens (après RED, Canon vient d'annoncer que son prochain modèle d'appareil, l'EOS C500, serait en mesure d'enregistrer à cette vitesse) ou pour satisfaire un public exigeant pour qui un film doit aussi devenir une véritable expérience sensorielle. Ce qui signifie gros business pour Hollywood, qui ne plaisante jamais avec ça.A.MVoir aussi : 72 heures dans les coulisses du Hobbit avec Peter Jackson
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Le Hobbit et la revolution technologique : 48 images par seconde, mode d’emploi
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