DR

Qu’on se le dise, Disney est de retour en pleine forme avec La princesse et la grenouille. Et ce n’était pas joué d’avance. La dernière animation traditionnelle du studio aux grandes oreilles remonte à 2004. Il s’agissait de La ferme se rebelle, passé aux oubliettes depuis. Une sortie désastreuse qui entérina la fin des activités 2D chez Disney. Mais c’était sans compter sur l’arrivée de John Lasseter au poste de directeur artistique du studio lors du rachat de Pixar par Disney en 2006. Sa première décision, raviver la flamme Disney à coups de 2D. Et comme tout "classique" maison qui se respecte, La princesse et la grenouille fait écho à une longue tradition de longs-métrages animés car Lasseter l’a bien compris, c’est dans les vieilles gamelles qu’on fait les bons plats. Alors, il ressort les tables d’animation pour l’occasion et confie le bébé aux réalisateurs d’Aladdin et La Petite Sirène, John Musker et Ron Clements, qui avaient déjà su renouer avec le succès dès la fin des années 80, après quelques années passées au creux de la vague. Par Stéphane Canot A 113La référence : Le code fétiche de Pixar A quel moment ? Dans les premières minutes du film. Sur une plaque d’immatriculation dans Toy Story ou sur l’appareil photo d’un plongeur dans Le monde de Nemo. Vous pouvez vous amuser à retrouver le code ‘A113’ dans n’importe quel film signé Pixar. Il s’agit d’une référence au nom de la classe dans laquelle John Lasseter et Brad Bird ont parfait leur technique. Ils ont tous deux essuyés les bancs de la prestigieuse CalArts (Institut des Arts de Californie), une école où les sages de Disney avaient l’habitude d’enseigner. Rien que ça. Dans La princesse et la grenouille, Lasseter n’est pas bien loin et l’avant du tramway que prend Tiana vous le rappelle dès les premiers plans du film. On pourra également retrouver cet easter egg dans Planète 51, dès le 3 février sur nos écrans. Surveillez les plaques d’immatriculation ! CendrillonLa référence : Les robes inutilisées de Cendrillon A quel moment ? Dans la première scène du film. Tiana et Charlotte écoute attentivement une histoire de princesse. En arrière-plan, on peut apercevoir des modèles de robes, à l’origine conçues pour Cendrillon, en 1950, mais qui n’ont finalement pas été retenues par la production. La filiation est claire. Disney est là pour redorer son blason. On aperçoit même les tourelles d’un célèbre château au premier plan. On vous laisse deviner de quel film il est tiré… Dr FacilierLa référence : Les méchants à la fine moustache Pour quel personnage ? Le Dr Facilier. Pas étonnant que son nom sonne Français, nous sommes dans la Louisiane du début du siècle dernier. Magicien vaudou, le méchant de la dernière cuvée Disney mêle la perfidie du Capitaine Crochet (Peter Pan) aux pouvoirs terrifiants de Jafar (Aladdin). Leurs points communs, cette fine moustache pernicieuse. Ajoutez-y un peu de Cruella (Les 101 dalmatiens) et vous obtenez un vrai méchant, manipulateur à souhait. Lors de son grand numéro, il entonne un « Etes-vous prêts ? » qui résonne comme un hommage aux « Soyez prêtes ! » de Scar (Le Roi Lion). Ça y est, on commence à se sentir en terrain familier. Musique ! La référence : Louis Armstrong et Ray Charles Pour quels personnages ? Louis et Ray. Dans le genre référence, Disney a déjà fait plus discret. L’histoire se déroulant dans la Nouvelle Orléans des années 20, temple du jazz festif dit « New Orleans », le studio a rattaché le personnage de l’alligator à la plus grande figure locale, Louis Armstrong. Même prénom, même instrument. Il est en réalité doublé à la trompette par l’excellent Terence Blanchard, entendu habituellement chez Spike Lee (La 25eme heure, Mo’ Better Blues, Malcolm X). Ray, le vers luisant cajun, a droit à un prénom en forme d’hommage au Genius. Un choix pas si décalé que ça lorsqu’on connaît les marais de Floride, l’Etat qui a vu naître Ray Charles. Al HirschfeldLa référence : Le caricaturiste Al Hirschfeld A quel moment ? La séquence du restaurant. Tiana rêve d’aller « Au bout du rêve » et imagine son restaurant prendre vie dans une sublime animation retro. Un hommage direct à Al Hirschfeld. Mort en 2003, il était une vraie référence pour l’animateur Eric Goldberg. Consultant artistique sur Fantasia 2000, Hirschfeld a caricaturé les stars des années 30 durant des années pour le New York Times. Il est l’inspirateur du Génie de la lampe (Aladdin), animé par Goldberg, mais est aussi régulièrement cité par l’écurie Pixar comme modèle. Son influence est surtout visible dans Là-Haut et Ratatouille. Les Trois StoogesLa référence : Les acteurs/comédiens/comiques les Trois Stooges Pour quels personnages ? Lors d’une virée dans le bayou, nos deux amphibiens font la connaissance de trois brutes sans cervelles. Cette rencontre donne lieu à une scène digne d’un film des Trois Stooges. Moe, Harry et Curly (mais aussi d’autres acteurs, à tour de rôles) régalaient les spectateurs américains avec leurs cascades et autres sketches débiles. Une sorte de variante des Marx Brothers à la sauce Jackass, en somme. Dans le dernier Disney, les chasseurs de grenouilles font étrangement penser à leurs aînés grimaçants. Mêmes physiques, mêmes coupes de cheveux, ils s’entretuent dans une course-poursuite masochiste aussi jouissive que les bastons du trio. Coleen SalleyLa référence : L’auteur de livres pour enfants Coleen Salley Pour quel personnage ? Mama Odie. Ici aussi, les fantômes Disney sont convoqués. On pense à l’exubérance de Madame Mim (Merlin l’enchanteur) ou au style du crooner de Kuzco (lunettes noires et tunique Inca tendance printemps/été). Mais la véritable inspiration vient d’un personnage incontournable de la Nouvelle Orléans, Coleen Salley. Réputée pour ses talents de conteuse et héritière d’une vraie tradition orale, elle a traîné ses guêtres jusque dans les studios Disney pour que les animateurs puissent s’en inspirer. On peut aussi entendre quelques citations tirées de ses histoires dans la chanson « Creuse encore et encore ». Disparue en 2008, elle n’a malheureusement pas eu le temps de voir le film une fois fini. Little MermaidLa référence : La petite sirène A quel moment ? Pendant la parade. En fin de film, la Nouvelle Orleans fête Mardi Gras. Le Dieu des Mers, Neptune est traditionnellement représenté à cette occasion. Il n’en fallait pas plus aux créateurs de La petite sirène pour faire un clin d’œil au Roi Triton. Dans un plan furtif, on aperçoit également un personnage déguisé en Ariel. Les meilleurs DisneyLa référence : Aladdin, Le livre de la jungle et Le Roi Lion A quel moment ? Tout le temps. - Au tout début du film. Juste après l’apparition du numéro fétiche de Pixar sur le devant du tram, un plan large sur une rue de la Nouvelle Orléans dévoile une femme secouant le tapis volant d’Aladdin. Mama Odie, dans un numéro tout en gospel, s’essaye à une transformation digne du Génie de la lampe. Tiana, elle, se pavane sur un balcon rappelant fortement celui de Jasmine. - Les promenades dans le bayou rappellent un autre chef-d’œuvre Disney, Le livre de la jungle. Louis l’alligator (une sorte de guide à la Baloo) aimerait devenir humain pour que ses talents de trompettistes soient enfin pris au sérieux (« Humains pour la vie »). A l’époque, c’est le Roi Louis qui aurait tout donné pour savoir faire du feu (« Je voudrais être comme vous »). - Pour l’émotion, c’est le vers luisant qui s’en charge. Ray dialogue avec les étoiles à la manière de Simba dans Le Roi Lion (son défunt père le guide d’en haut). Dans La princesse et la grenouille, les réalisateurs vont plus loin encore et le rendent fou amoureux d’une étoile malheureusement inatteignable. Poétique et cruel à la fois.