Ce qu’il faut voir cette semaine.
L’ÉVENEMENT
LA FORME DE L’EAU ★★★★☆
De Guillermo del Toro
L’essentiel
A la fois conte de fées pour adultes, déclaration d'amour au cinéma et fable politique, le dernier film de Guillermo del Toro fait l'unanimité. C'est peut-être son seul défaut.
En situant La forme de l'eau au début des années 1960, Guillermo del Toro cherche bien plus à établir un pont avec le présent qu'à exploiter un contexte adéquat pour célébrer l'un de ses films de chevet (L'étrange créature du lac noir est un de ses premiers souvenirs de cinéma). L'époque en question, qui précède l'assassinat de Kennedy et l'intervention au Vietnam, est associée à une Amérique idéale, celle-là même dont Trump a promis de restaurer la grandeur. Mais del Toro montre bien que cette nation fantasmée ne bénéficiait qu'à une minorité, et que la notion d'égalité n'y était qu'une déclaration de principe.
Gérard Delorme
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PREMIÈRE A ADORÉ
CRIMINAL SQUAD ★★★★☆
De Christian Gudegast
C’est un prologue qui rappelle l’ouverture de Heat. La caméra balaie la ville et vient se concentrer sur un fourgon qui file à travers les rues de L.A. On suit le camion jusqu’au parking d’un magasin de doughnuts. Les gardes s’extirpent du fourgon, rentrent dans la boutique, en sortent les bras chargés, avant d’être cueillis par une armée de malfrats qui éviscèrent le camion blindé. Balles dum dum contre les pare-brises, douilles de M16 sur le trottoir, gros calibres qui déchirent la nuit et les gilets pare-balles…. C’est le premier sommet d’un film de deux heures vingt.
Gaël Golhen
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CAS DE CONSCIENCE ★★★★☆
De Vahid Jalilvand
Le cinéma iranien pourrait se résumer à ce titre : tout y est affaire de morale et d’arrangements avec la (sa) vérité. Dans le cas qui nous intéresse, un médecin s’interroge sur sa responsabilité dans la mort d’un enfant qu’il a percuté, avec ses parents, la veille au soir, sur la route. Sur le moment, le petit ne présente aucune contusion -ni confusion. Le médecin a préféré ne pas faire de constat (sa voiture n’était plus assurée) et donné de l’argent aux parents. Les résultats de l’autopsie innocentent le médecin : l’enfant, atteint de botulisme, était condamné. Mais l’accident n’aurait-il pas anticipé son destin tragique ? Vahid Jalilvand filme d’un côté la culpabilité grandissante du médecin, de l’autre, l’engrenage terrible dans lequel est aspiré la famille du défunt (le père aurait acheté à vil prix un poulet avarié, cause du botulisme, ce qui lui vaut la rancune tenace de sa femme et le précipite dans une vendetta personnelle). Mise en scène d’une angoisse existentielle bourgeoise vs peinture d’une terrible misère sociale. Vahid Jalilvand excelle sur les deux tableaux.
Christophe Narbonne
PREMIÈRE A AIMÉ
MOI, TONYA ★★★☆☆
De Craig Gillespie
Selon les auteurs de Moi, Tonya, l'affaire Tonya Harding/Nancy Kerrigan semble avoir suffisamment marqué la psyché américaine pour que leur film prenne ce fait divers comme un acquis culturel. Vous étiez trop jeune à l’époque de l’agression de Kerrigan et des soupçons qui pesèrent en retour sur Harding ? Pas grave. Même si vous êtes nés après 1993, le film est suffisamment bien emballé pour vous intéresser.
Sylvestre Picard
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MARY ET LA FLEUR DE SORCIÈRE ★★★☆☆
De Hiromasa Yonebayashi
En cueillant dans une forêt mystérieuse une fleur de sorcière, Mary, onze ans, acquiert des pouvoirs magiques qu’elle va mettre à profit pour briser une malédiction. Elle entraînera dans sa mission le jeune Peter… Réalisateur des remarqués Arrietty, le petit monde des chapardeurs et Souvenirs de Marnie, le prometteur Hiromasa Yonebayashi a claqué, avec d’autres, la porte de Ghibli en 2014 pour fonder son propre studio, Ponoc. Adapté d’un roman inédit en France de la britannique Mary Stewart, Mary et la fleur de sorcière est donc le premier-né de Ponoc et l’illustration du savoir-faire éprouvé de Yonebayashi acquis auprès de Miyazaki-san. Avec son animation à plat, ses couleurs vives, son trait simple, sa musique entraînante, son humour potache, son émotion et son héroïne volontaires, ses méchants grotesques, ses monstres inventifs (mention spéciale à une impressionnante forme aqueuse) et son sens du merveilleux, Mary et la petite sorcière évoque globalement le style Ghibli et même précisément quelques classiques maison. Mary sur son balai volant a quelque chose de Kiki la petite sorcière et l’école de magie d’Endor rappelle le Château dans le ciel. Le récit initiatique un peu prévisible (mais à l’enchantement communicatif) ne permet pas (encore) à Ponoc de se poser en alternative crédible à Ghibli où se prépare le prochain –et dernier ?- Miyazaki. On suivra néanmoins avec attention son évolution.
Christophe Narbonne
L’INSOUMIS ★★★☆☆
De Gilles Perret
Après les documentaires historiques Les Jours Heureux et La Sociale, Gilles Perret a cette fois voulu filmer l’histoire politique en direct en suivant Jean-Luc Mélenchon pendant les trois derniers mois de la campagne présidentielle 2017. Le cinéaste recueille les confidences de ce candidat « qui ne laisse personne indifférent » et montre comment sa pensée se déploie et se précise au fil des réunions et des meetings organisés aux quatre coins de la France. Mais on retient aussi de ce film l’impressionnante tension qui règne lors de plusieurs émissions télévisées, où les pièges de la politique spectacle paraissent inévitables. En captant avec subtilité la difficulté qu’ont parfois les idées à s’affranchir des codes médiatiques, L’Insoumis dépasse ainsi le simple statut de témoignage laudatif.
Damien Leblanc
WINTER BROTHERS ★★★☆☆
De Hlynur Palmason
Difficile de parler de cette expérience de cinéma radicale dont le récit et les personnages échappent aux stéréotypes. Essayons. Le héros, Emil, travaille dans une mine de calcaire avec son frère. Il est bizarre, Emil. Il mate une jeune voisine et regarde des VHS de cours de tir. Il vend aussi de l’alcool frelaté à ses collègues qu’il élabore à partir d’un produit chimique volé sur son lieu de travail. Le jour où un consommateur est empoisonné, ça tourne au vinaigre pour lui… Dit comme ça, on a l’impression que Winter Brothers déroule la mécanique narrative habituelle, à base de tension qui va crescendo. Ce n’est pas vraiment ça. Dès l’introduction, plongée claustro dans l’univers sombre des mineurs, éclairée à la lampe de leurs casques, où les repères spatiaux sont effacés, on comprend qu’on est face à une œuvre où l’atmosphère importe avant tout. La suite le confirme : des vignettes, entre burlesque et fulgurances de violence, instaurent un climat anxiogène, renforcé par une intrigue de moins en moins lisible qui épouse l’âme tourmentée d’Emil. Véritable œuvre de plasticien, Winter Brothers déroute et fascine en même temps. Vous êtes prévenus.
Christophe Narbonne
L’ÂME DU TIGRE ★★★☆☆
De François Yang
Alex est d’origine chinoise né à Paris. A la mort de son frère, il tente de découvrir les causes de son décès et se retrouve malgré lui face à une culture qui n’est pas la sienne. Dans son premier film, François Yang nous plonge dans le quartier chinois de Paris, au cœur d’un drame familial poétique bouleversant, qui tient ses promesses jusqu’au bout. Entre secrets et tentations, ce long-métrage sonne juste et révèle au passage une culture et un mode de vie peu connus.
Alexandre Bernard
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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
CORPS ÉTRANGER ★★☆☆☆
De Raja Amari
La réalisatrice du Satin rouge raconte l’histoire d’une jeune Tunisienne qui a fui clandestinement son pays pour la France avec une épée de Damoclès sur sa tête : la possible vengeance de son frère islamiste qui s'est retrouvé en prison après qu'elle l'a dénoncé. A Paris, elle trouve refuge chez une connaissance de son village, installé dans la capitale où il travaille comme serveur puis chez une veuve qui va l'engager pour mettre de l'ordre dans les affaires de son mari défunt. Co-écrit par Jacques Fieschi (Nelly et Mr Arnaud), Corps étranger est un pur film d'atmosphère qui transcende la simple analyse sociétale. Le tout porté par un trio de personnages aux liens aussi troubles que troublants qu’une scène de danse sensuelle à trois suffit à résumer. Entre désir et peur de briser des interdits, les lèvres et les corps s'approchent, jouent avec le feu sans jamais totalement se brûler. Pour incarner ces personnages bouillonnants de l'intérieur, il fallait un trio aussi à l'aise dans la douceur que la douleur, la sensualité que la dureté. Hiam Abbass, Salim Kechiouche et Sarra Hanachi répondent brillamment à ces critères. Mais ils ne font qu’insuffisamment oublier les quelques coups de mou du récit, conséquence inévitable de cette volonté de suggérer et de vagabonder plutôt que de clamer et dénoncer.
Thierry Cheze
PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ
LES AVENTURES DE SPIROU ET FANTASIO ★☆☆☆☆
D’Alexandre Coffre
Après Gaston Lagaffe, Benoist Brisefer, Boule et Bill, le Petit Spirou, Largo Winch, Michel Vaillant ou encore les héros de Seuls, Spirou et Fantasio sont les derniers personnages Dupuis en date à passer de la case à l’écran. Un passage si difficile pour ce qui est des BD franco-belge, que de mémoire de cinéphile, hormis quelques exceptions (L’Astérix de Chabat), peu l’ont réussi.
Nicolas Bellet
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