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José Padilha : "J'aurais été idiot de chercher à refaire le Robocop de Verhoeven, qui est parfait"

Playdoyer pour le remake de Robocop

José Padilha, l?auteur brésilien de l?intense Troupe d?élite, tente le pari le plus kamikaze de l?année : refaire RoboCop, vingt-sept ans après le classique inoxydable de Paul Verhoeven.Nous l'avons laissé nous convaincre.<strong>Propos recueillis par Mathieu Carratier</strong>

"Robocop ne sera jamais un film de studio"

« Les studios ont mis au point une formule qu?ils exploitent à outrance : ils prennent un personnage à la notoriété établie et que tout le monde rêverait d?être, comme Spider-Man ou Iron Man, et trouvent un acteur hyper charismatique pour l?incarner. J?adorerais être Spider-Man, je suis le premier à l?avouer. En revanche, personne n?a envie d?être RoboCop. Il n?a rien d?un superhéros car, au fond, c?est la créature de Frankenstein. Et c?est ce qui fait que, pour moi, <em>RoboCop</em> ne sera jamais un film de studio, même s?ils sont persuadés du contraire. »

"Notre film prend des libertés avec l'original"

« C?est là où notre film prend des libertés avec l?original puisque Alex Murphy (incarné par Joel Kinnaman) réalise cette fois ce qui lui arrive. Le parcours du personnage devient celui d?un homme qui se réveille en découvrant qu?il a été dépossédé de son corps. Il ne pourra plus jamais avoir de rapports sexuels avec sa femme, ne pourra plus toucher son fils avec ses propres mains et doit être régulièrement branché à une machine qui renouvelle son sang car il n?a plus de système immunitaire. C?est une situation absolument terrifiante pour lui. Dans mon esprit, la dimension humaine était aussi importante que l?aspect politique. »

"Robocop est un produit"

« Nous avons changé la couleur de l?armure pour une bonne raison. RoboCop est un produit, il doit donc être marketé par OCP. C?est comme avec Coca-Cola, qui modifie régulièrement le design de ses canettes pour appâter les clients et le teste auprès de différents panels de consommateurs. D?où cette scène dans laquelle Michael Keaton, qui joue le patron d?OCP, demande à ses ingénieurs de peindre RoboCop en noir pour qu?il ait l?air ?plus tactique?. Comme le Coca Zero. <em>(Rire.) »</em>

"Je n'ai pas cherché à reproduire le film de Verhoeven"

« J?aurais été idiot de chercher à reproduire le film de Paul Verhoeven, qui est parfait. Mon but était d?en préserver le noyau intellectuel et de construire quelque chose d?actuel et de personnel autour. Verhoeven montrait avec ironie ces grandes sociétés faisant de la propagande via des pubs télé, ce qui avait un côté très 80s. Ici, je joue plutôt avec les médias de droite comme Fox News, dont les présentateurs balancent des propos absurdes à longueur de journée. Un autre exemple de cette démarche est l?"actualisation" de cette scène de l?original dans laquelle l?ED-209 buggait et criblait de balles un avocat en plein meeting. Dans notre version, il tue un enfant dans les rues de Téhéran. »

"J'adore l'original"

« J?adore l?original. Son traitement de la violence, sa galerie de personnages iconoclastes, son ironie relèvent du génie. Mais la chose que j?admire par-dessus tout dans le film de Paul Verhoeven, c?est la façon très sophistiquée dont <em>RoboCop</em> dessine la frontière entre une force de l?ordre absolue et le fascisme. Pour moi, c?était le vrai thème de cette histoire, et le cinéaste a été visionnaire sur le sujet. Comme au Vietnam, les États-Unis ont retiré leurs troupes d?Irak car des soldats mouraient. Mais à partir du moment où vous remplacez les militaires par des robots, plus personne ne meurt. Un policier peut refuser un ordre, alors que le problème ne se pose pas avec une machine. Verhoeven avait senti ça et établi un parallèle entre la guerre ?automatisée? et le totalitarisme. »

"Ces questions sont au coeur de l'actualité"

« J?ai voulu réaliser ce remake car ces questions sont au coeur de l?actualité. Aujourd?hui, nous avons des drones, et on s?approche de plus en plus du stade où ils deviendront autonomes, ce qui changera tout. À l?heure actuelle, en théorie, si l?un de ces engins survolant l?Afghanistan tue un innocent, le pilote peut être poursuivi et jugé. Mais à partir du moment où ces machines se dirigeront toutes seules, qui sera tenu responsable d?une anomalie qui coûterait la vie à un civil ? Est-ce que ce sera la personne qui a déployé le drone, celle qui l?a construit, celle qui a conçu son logiciel ? C?est le flou absolu. La loi elle-même n?est plus très claire. Dans un futur très proche, ce sera aux différents pays de déterminer ce que les robots auront ou non le droit d?accomplir en situation de guerre. Notre version de <em>RoboCop</em>, qui se déroule en 2028, part du principe que les États-Unis ont décidé que ces robots sont autorisés à aller partout sauf sur leur territoire. OCP, la société qui fabrique et commercialise ces drones, va trouver un moyen de contourner la loi : puisque seul un être doté d?une conscience a le droit de faire respecter la loi en Amérique, ils vont mettre un homme dans la machine. »

José Padilha, l’auteur brésilien de l’intense Troupe d’élite, tente le pari le plus kamikaze de l’année : refaire RoboCop, vingt-sept ans après le classique inoxydable de Paul Verhoeven.Nous l'avons laissé nous convaincre.Propos recueillis par Mathieu Carratier