La dernière fois qu’on s’est parlé, c’était début 2012, quelques semaines avant la sortie du premier Hunger Games. Depuis, il s’est passé deux-trois trucs dans votre vie...(Rire.) Vous aussi vous avez remarqué ?On commence par quoi ? Les Oscars ? Vous sembliez avoir envie de bousculer le protocole ce soir-là. C’était prémédité ?Vous sous-entendez qu’il y aurait eu un plan machiavélique derrière tout ça ? Pas du tout ! Je ne voulais pas changer les règles du jeu, j’ai juste été moi-même. Et les gens ont eu l’air d’apprécier. Mon idée, en fait, c’était plutôt de la jouer discrète. Bon, de ce côté-là, on peut dire que ça a été un échec total ! (Rire.)Le magazine Time vous a récemment classée parmi les cent personnalités les plus influentes de la planète...J’en suis honorée, mais c’est le genre de choses dont il vaut mieux ne pas faire trop de cas.Avez-vous réellement l’impression d’avoir de l’influence sur les gens ? Comment mesure-t-on ça ?Disons que beaucoup de gens observent ce que je fais. Depuis le premier Hunger Games, je sais que je suis un modèle pour pas mal d’ados. C’est un truc dont il faut tenir compte, qu’on ne peut pas prendre à la légère. Quand je signe pour un film PG-13 (déconseillé aux moins de 13 ans), je réfléchis forcément à l’image que je vais renvoyer aux plus jeunes.Le succès de Hunger Games a fait de vous, je cite, « l’héroïne d’action la plus bankable de tous les temps »...Non, sérieux ? Mon Dieu !Quel effet ça vous fait ?Je me sens riche ! (Rire.)Et retrouver le personnage de Katniss Everdeen, c’est comment ? Y a-t-il un côté excitant à l’idée de pouvoir faire grandir un personnage sur plusieurs films, plusieurs années ?Oui, d’autant que, avant même de tourner les films, j’ai toujours fait un parallèle entre la vie de Katniss et la mienne. Quand j’ai lu la trilogie Hunger Games, j’avais 19 ou 20 ans. C’était à l’époque de la sortie de Winter’s Bone et je commençais tout juste à découvrir le milieu du cinéma. On m’invitait à des réceptions, je portais plein de jolies robes et je ne pouvais pas m’empêcher de penser à l’arrivée de Katniss au Capitole, quand elle devient le centre de l’attention. Dans L’Embrasement, Katniss connaît désormais les règles, elle est moins intimidée, les gens l’ont adoptée. J’ai l’impression que c’est un peu mon cas à Hollywood aujourd’hui.Tourner la suite d’un film qui a été un énorme succès, est-ce un challenge ou y a-t-il déjà une forme de routine qui s’installe ?Sur le premier Hunger Games, on était tous très nerveux car on savait qu’on était attendus au tournant par les fans. Ils avaient une idée très précise de la façon dont cet univers devait être porté à l’écran. Comme le film a été bien reçu, ça nous a permis d’aborder assez sereinement ce nouveau volet. Mais il faut bien sûr rester concentré. Se dire que les choses vont être plus faciles parce qu’on connaît bien le personnage, c’est le meilleur moyen de se planter. Le challenge était donc de préserver la magie du premier tout en proposant une expérience inédite. Dans L’Embrasement, tout se veut plus cool, plus impressionnant.L’été dernier, vous êtes allée au Comic-Con de San Diego pour montrer les premières images du film et signer des autographes. Pouvez-vous nous faire le portrait-robot du fan type de Hunger Games ?Déjà, c’est une fille. (Rire.) Les plus jeunes, celles qui ont dans les 10 ans, sont très polies, très disciplinées. Les ados, elles, ont un peu moins de self-control.Avez-vous eu le temps de leur parler ? Vous ont-elles dit, par exemple, ce qui les fascine tant chez Katniss ?C’est compliqué. Lorsqu’on se rencontre, j’ai l’impression qu’elles ont un peu de mal à verbaliser leurs émotions.Quelle était votre idole quand vous aviez leur âge ?Harry Potter. J’ai lu tous les livres deux fois. Quand je vois les fans hurler au Comic-Con, je me dis que j’aurais été dans le même état si j’avais croisé Daniel Radcliffe à 15 ans...Aujourd’hui, il est difficile pour un acteur de survivre à Hollywood sans associer son nom à une franchise. Vous, vous en avez carrément deux dans votre filmographie : Hunger Games et X-Men. N’est-ce pas un peu effrayant de signer pour des sagas auxquelles vous allez être enchaînée pendant des années et des années ?Avant de dire oui à Hunger Games, cette idée m’a en effet vraiment paniquée. Mais en réalité, c’est beaucoup plus fun qu’un tournage normal parce qu’on finit par former une véritable troupe avec les autres acteurs. Ça rend l’aventure plus joyeuse. Cela dit, vous comparez Hunger Games et X-Men alors qu’il y a quand même une considérable différence de taille entre les deux. X-Men, c’est vraiment gigantesque, et je ne sais pas si je m’y habituerai un jour...Que voulez-vous dire ?C’est une question de gestion du budget. Sur Hunger Games, par exemple, on a de toutes petites caravanes. Ça signifie que l’argent est employé à autre chose. Bien sûr, ce sont des films aux budgets conséquents mais, de mon point de vue, ça se rapproche plus des expériences que j’ai pu avoir dans le cinéma indépendant. Je connais tout le monde sur le plateau, je sais les prénoms de tous les techniciens. Sur X-Men, en revanche, tout est immense, démesuré. Au bout de deux mois de tournage, je continue de croiser des gens pour la toute première fois ! Pendant que je joue, il y a une centaine de personnes autour de moi en train de s’affairer, de brancher des câbles. Du coup, on a moins de liberté. Ça ne veut pas dire que c’est mieux ou moins bien, c’est juste différent. De toute façon, tous les films ne sont pas faits pour servir les mêmes buts. Hunger Games ou X-Men sont conçus pour satisfaire le public, alors que sur le tournage d’un long métrage de David O. Russell le mot « public » n’est pasprononcé une seule fois. Si on le fait, c’est pour David et rien que pour lui. Pour l’aider à aller au bout de sa vision.Justement, après Happiness Therapy, vous venez de tourner un autre film avec lui (American Hustle, qui sortira le 15 janvier prochain). On y retrouve pas mal de ses acteurs fétiches : Christian Bale, Amy Adams, Bradley Cooper, Robert De Niro, vous... Comment définiriez-vous ce groupe d’acteurs ? C’est une famille dont David O. Russell serait le père ?Plutôt une famille dont David serait l’enfant ! (Rire.) C’est un réalisateur à part qui a une manière vraiment unique de travailler. On aime ou on déteste, mais si on aime, c’est génial. C’est pour ça qu’il a cette bande de fidèles autour de lui. Il ne choisit que des gens qui comprennent et acceptent sa façon de fonctionner.C’est quoi exactement cette méthode ?C’est difficile à décrire. En ce moment par exemple, il est en train d’écrire un nouveau film et il est donc dans une phase où il passe des coups de téléphone totalement barrés. Il m’appelle pour dire des trucs du style : « Et là, elle trouve un doigt sous une voiture. À qui est ce doigt ? Et pourquoi est-il là ? » Des images lui viennent comme ça, dont il ne trouvera le sens que longtemps après. Cette histoire de doigt ne sera peut-être qu’un détail dans l’histoire, mais ça peut tout aussi bien devenir un point majeur du scénario. Et moi, pendant ce temps, je suis à l’autre bout du fil et je lui réponds : « Oui, OK David, très bien, très bonne idée. Continue comme ça. » (Rire.)Bradley Cooper est lui aussi à l’affiche d’American Hustle. Après Happiness Therapy et Serena (de Susanne Bier, sortie en France en 2014), c’est votre troisième film ensemble...Oui, on ne peut plus s’arrêter ! Je ne sais pas trop quoi en conclure, si ce n’est qu’on a les mêmes goûts en matière de cinéma. Justement, l’autre jour, quand j’étais au téléphone avec David en train de parler de son nouveau projet, il me disait : « Pour les rôles principaux, je pensais à Bradley et toi. » Je lui ai alors dit qu’il était peut-être temps qu’on fasse une pause. (Rire.)En quoi votre Oscar a-t-il changé votre vie ?Il ne l’a pas changée, je n’en fais pas une obsession. D’ailleurs, je ne sais même pas où il est. Chez moi dans le Kentucky, je crois... Disons que je reçois beaucoup plus de propositions qu’avant, que ce ne sont plus seulement des jeunes filles de 13 ans qui me reconnaissent dans la rue et que ma vie privée est devenue légèrement plus compliquée.Pas de rencontres désagréables avec des fans trop insistants ?Le moment le plus étrange, ça a été juste après le tournage de Happiness Therapy. Je m’apprêtais à prendre l’avion pour rentrer chez moi quand un fan de X-Men est venu à ma rencontre dans l’aéroport avec tout un tas de photos à dédicacer. Il arrivait de Buffalo et m’a expliqué qu’il avait acheté un billet juste pour pouvoir me rencontrer, avant d’ajouter : « Comme c’est Thanksgiving, je me suis dit que vous alliez profiter de votre temps libre pour rejoindre votre famille dans le Kentucky. » Il avait tout planifié, il avait l’air de mieux connaître mon emploi du temps que moi ! Flippant.Au fait, comment va Jack Nicholson ? Il vous a fait signe depuis les Oscars ?Oui. Juste après la cérémonie, il m’a envoyé des orchidées magnifiques qui refusent de mourir, un parfum Cristalle de Chanel et un mot qui disait : « Tu me manques déjà. »Quel dragueur...Maintenant, j’attends qu’il m’invite à un match des Lakers !Interview Frédéric FoubertHunger Games : L'Embrasement, de Francis Lawrence, avec Jennifer Lawrence, Liam Hemsworth, Josh Hutcherson, Woody Harrelson, le 27 novembre dans les salles : Voir aussi :Notre review d'Hunger Games : L'EmbrasementJennifer Lawrence de A à Z
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