DR

Fondateur de la Cie du Chapeau Rouge, directeur du centre dramatique national du Limousin, auteur et metteur en scène, l’artiste, fidèle à son esprit joyeux, monte deux pièces en un acte de Labiche.Propos recueillis par M.-Céline Nivière Votre côté farceur a mis du temps à aborder le vaudeville. Pourquoi ?La comédie m’a toujours intéressé pour sa dimension critique. Et mon travail avec des auteurs contemporains, comme Gabor Rassov, Alain Gautré ou mon frère Simon, va dans cette direction. Je voyais le vaudeville comme un genre un peu dépassé. En travaillant sur une farce de Molière au Français (Le Mariage forcé, ndlr), le format court m’a passionné. Du coup, j’ai cherché dans le répertoire ce qui allait dans ce sens. La biographie de Philippe Soupault sur Eugène Labiche m’a fait revoir ma vision. Ses pièces possédaient ce que je cherchais. C’est virulent, précis, avec une matière formidable qui va dans le paysage de l’histoire de la compagnie.Et pourquoi Labiche plutôt que Feydeau, très à la mode en ce moment ?Parce qu’il m’intéresse plus ! Même si les dernières œuvres de Feydeau possèdent une belle folie. Mais les pièces en un acte de Labiche sont plus denses. On a collé la même étiquette à ces deux auteurs, alors qu’ils n’ont rien à voir. Labiche est plus riche, plus acide. J’ai toujours préféré l’ambiance de ses pièces, même ses grandes pièces, comme Moi qui est étonnante et méconnue. On monte toujours les mêmes. Il a écrit énormément et souvent en collaboration. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il est souvent attaqué. C’est idiot, cela n’enlève rien à son talent. Labiche fait des portraits incroyables et féroces de ses contemporains. On dit que c’est un auteur bourgeois, or cela va plus loin. Il pose un regard sur eux. J’ai cherché à échapper aux clichés, à repartir de zéro. Pourquoi une forme classique pour 29° à l’ombre et une délirante pour Embrassons-nous, Folleville ! ?Je n’ai pas réfléchi en ce sens, mais plutôt sur la manière de raconter les histoires au plus près. Les deux récits n’ont pas la même forme et possèdent chacun leurs particularités. La première pièce se déroule en extérieur, ce qui est très rare. La deuxième se passe au XVIIe siècle. C’est un voyage dans le temps. Il y a dans chacune un rôle de femme passionnant. La première subit la loi des hommes et se réveille. La deuxième refuse son destin en choisissant d’épouser celui qu’elle veut. Ce sont des portraits en creux d’une société d’argent où tout se négocie. 29° à l'ombre est une étude de caractère. Dans Folleville, Labiche se lâche, ce qui permet un traitement burlesque. Les chansons sont de lui et si nous avons choisi un play-back autochanté, c’est pour créer une mise en abîme. Cela permet un décalage de comédie. C’est un ressort comique.La tarte à la crème version plat de lentilles, c’est un cauchemar de cantine ?Indiscutablement ! C’est un défouloir, un exutoire, un basique de la comédie. Des gens propres sur eux se balancent de la tarte à la crème. Dans la pièce, ils se menacent. On les a fait passer à l’acte. Labiche crée des situations qui font songer au cinéma muet. Il faut entrer dans Labiche avec humanité et ne pas se servir du gag pour le gag mais pour le fond.Les personnages de Labiche sont assez barrés, vos comédiens encore plus !Labiche propose un style de jeu. J’avais autour de moi une équipe qui pouvait le faire. Car cela nécessite une grande complicité entre les comédiens et là, elle existait vraiment. Mathieu Rozé, le nouveau de la bande, Gérard Chaillou, Thierry Gimenez, Gabor Rassov, Romane Bohringer sont des gens qui inventent sur scène, qui proposent. Ce ne sont pas seulement des interprètes, ce sont des artistes créatifs. Jouer la comédie n’est pas ce qu’il y a de plus facile, car il faut pouvoir nourrir les détails, faire naître le personnage. Chez Labiche et Feydeau, on parle de mécanique. Je ne suis pas d’accord, sans émotion, sans les comédiens, cela ne marche pas !Après Les Amis du placard de Rassov, Romane Bohringer dévoile un grand sens du comique.C’est vrai qu’on la connaissait dans d’autres registres. Elle est pour moi une des meilleures, non, La meilleure, car c’est avant tout une belle rencontre. Dans Conte d’Hiver de Shakespeare, elle était bouleversante, dans Fantômas, émouvante. C’était intéressant de travailler avec elle sur un auteur emblématique du comique. Elle l’a abordé avec le même sérieux que du tragique. Elle possède une fantaisie naturelle. Dans une troupe, il y a toujours un leader, c’est son rôle. Elle a une conscience très forte de ce qui se passe sur scène.29 degrés à l'ombre, suivi de Embrassons-nous, Folleville ! à la Cartoucherie – Théâtre de la Tempête>> Réservez vos places pour le spectacle !