Elle est une grande figure du théâtre, curieuse et passionnée, l’éclat de rire facile, le coup de gueule tout autant. Elle incarne une mère particulière dans la toute dernière pièce de Pierre Notte : Et l’enfant sur le loup.Propos recueillis par M-C Nivière.Avec cette nouvelle pièce, Pierre Notte signe un conte cruel tiré d’un fait divers. Le sujet est assez dur. Judith Magre sourit : « Oui, c’est une pièce noire mais très drôle. » Et qui n’est pas simple à raconter. La comédienne marque un temps : « Oui et non. Un père baise sa fille. La mère ne voit rien. La fille a un fils du père et s’enfuit. Des années après, le père est devenu saltimbanque et son épouse diseuse de bonne aventure. Et voilà que le petit-fils revient pour se venger. La pièce devrait faire rire, tellement c’est énorme. »Mais ce sont des monstres. « Mon personnage refuse de voir ce qui se passe autour de lui. » Malgré cela, Notte en fait quelqu’un d’à la fois terrifiant et fragile. « Pierre m’a avoué avoir écrit la première version en pensant à moi. Si c’est ainsi qu’il me voit… Comme un monstre ! » Et elle part dans un grand éclat de rire.Quand un tel rôle vous est proposé, comment réagit-on au-delà de l’attirance pour la qualité de l’œuvre ? Avec une pointe d’espièglerie, elle me coupe : « Ce qui m’a séduite, c’est que la pièce démarre sur cette phrase : “J’en ai marre de ma gueule.” Comme je me dis ça toute la journée… » Elle rit.Le plus surprenant, est que cette femme entretient une relation très fusionnelle avec son époux. « Avec son mari, elle n’arrête pas de s’engueuler, mais ils s’aiment. A la fin, ils finissent emboîtés l’un dans l’autre. Le père dit : “Ensemble… l’un à l’autre condamnés, on pourrait dire : « Quel bonheur ! » C’est comme dire “Quel bonheur !” alors que l’on n’y croit pas… »Dans cette mise en scène de Patrice Kerbrat, la comédienne est entourée de Jean-Jacques Moreau, de Julien Alluguette et de Pierre Notte. « Quel que soit le rôle, il faut le faire bien ». C’est une autodidacte de nature intuitive. « Je suis comme un bébé quand j’aborde un rôle. » Elle avoue que son seul problème fut d’avoir à apprendre son texte. « A 20 ans, c’était pareil. C’est le côté emmerdant de ce métier. Un vrai boulot. »Lorsqu’on regarde son étonnant parcours, on ne peut que remarquer qu’elle a défendu le théâtre contemporain. « C’est vrai qu’il y a très peu de classiques, sorti des « Troyennes », de Racine, de Marivaux, de Brecht… » On peut citer aussi Giraudoux avec cette belle « Folle de Chaillot » mise en scène par Rancillac. « Vauthier, Calaferte, Durringer, Minyana… Ce sont des projets qu’on m’amène. Je ne peux pas me lancer si on n’a pas envie de moi, et inversement. Les envies naissent quand on m’apporte les choses. »Y a-t-il un rôle qu’elle aurait aimé interpréter ? Elle répond sans aucune hésitation : « Pas spécialement… Je ne pleure pas sur les rôles qu’on ne m’a pas proposés. » Mais, il y a bien quelque chose dont elle rêve ? « Moi, je voudrais faire du cinéma ! Le théâtre, cela m’amuse, mais avant de mourir j’aimerais bien faire un truc important au cinéma. », dit-elle en riant. Pour la croiser régulièrement dans les salles, je sais que la comédienne est aussi une spectatrice assidue. Elle reconnaît qu’il lui arrive de quelquefois « s’ennuyer », mais ajoute : « C’est toujours formidable de découvrir ou de retrouver un auteur, un metteur en scène, un comédien. Récemment, je suis allée au TEP, voir Christiane Cohendy et Roland Bertin que j’admire et que j’aime. J’ai joué là-bas, j’y ai de bons souvenirs. Je vais souvent au Rond-Point, j’ai beaucoup apprécié Funérailles d’hiver avec Christine Murillo, dans la mise en scène du talentueux Laurent Pelly. J’ai vu aussi Suspection avec Evelyne Bouix que j’adore.Et puis, dans un accès de colère, elle se met à évoquer la mise en danger d’un homme de théâtre dont elle admire le travail au Studio d’Alfortville, Christian Benedetti. « C’est lui qui a fait connaître Edward Bond, Sarah Kane et tant d’autres. On lui a supprimé ses subventions, c’est un scandale… Ce n’est pas possible de le laisser tomber. Et ça, il faut l’écrire ! »Et l'Enfant sur le loup au Théâtre du Rond-Point>> Réservez vos places pour le spectacle !
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- INTERVIEW - Judith Magre, une comédienne qui n'a pas froid aux yeux
INTERVIEW - Judith Magre, une comédienne qui n'a pas froid aux yeux
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