La 72 cérémonie des Golden Globes s'est déroulée cette nuit aux Etats-Unis, et le premier comédien à être récompensé fut J. K. Simmons, pour son rôle de professeur de musique sadique dans Whiplash. Dans le film de Damien Chazelle, l'acteur est aussi impressionnant que dans la série qui l'a révélé au grand public à la fin des années 1990, Oz. Il reconnait d'ailleurs quelques similitudes entre ces deux personnages négatifs et très marquants. En attendant les nominations des Oscars, où le comédien devrait figurer en bonne place, voici ce qu'il nous disait du projet avant sa sortie.

Avant d’avoir le rôle, vous aviez déjà une solide formation musicale. Qu’est-ce qu’il vous est resté à faire pour vous préparer ?Je n’avais aucune expérience jazz. Le gros du travail a consisté à apprendre les partitions. Je devais avoir l’air de les connaître sur le bout des doigts puisque je suis censé être un chef d’orchestre génial. Mais ça a aidé d’être capable de lire les notes et d’avoir une formation musicale. L’autre élément important était de reposer ma voix, de façon à avoir assez d’énergie pour hurler sur Miles toute la journée.

Quel genre de musique avez-vous étudié ?J’ai commencé adolescent à gratter ma guitare dans des coffee houses, puis j’ai fait des études de musique très classiques, étudié le chant, la composition et un peu de chaque instrument, assez pour pouvoir écrire pour chacun d’entre eux. Mais je ne savais pas si je voulais devenir un Elmer Bernstein ou un chanteur. Alors j’ai dérivé vers le théâtre musical, et de dérive en dérive, je suis arrivé là où je suis.

Vous avez continué à jouer ?Je n’ai jamais bien joué d’aucun instrument, même pas du piano. J’ai dû répéter, même pour jouer la très simple balade que je dois jouer dans le film. J’ai dû m’entraîner parce que j’ai une mauvaise coordination des mains. La musique passe dans mon cerveau et dans mon cœur, mais pas dans mes mains. Encore un autre truc technique à travailler. Mais à la fac, j’étais chef d’orchestre, chanteur et compositeur. Par la suite il m’est arrivé de chanter à l’occasion. La dernière fois que je suis monté sur une scène, c’était avant de quitter New York, vers 1995.

Comment avez-vous mis au point votre personnage ? Vos gestes sont précis à un point maniaque.Il faut s’entraîner un peu, mais ça vient assez naturellement. Une des choses intéressantes avec ce personnage c’est que c’est un jazzeux. Ces gens-là ne se comportent pas comme s’ils dirigeaient une fanfare, ils sont précis mais désinvoltes. Mais la nature obsessionnelle compulsive de ce type, à la discipline presque militaire, m’a amené à chercher une combinaison de chef d’orchestre de jazz et de quelqu’un de beaucoup plus précis et constipé. Et puis humainement, il est très malheureux. Il a besoin de s’accrocher à cette sorte de précision.

Vous vous partagez harmonieusement entre les séries télé et les films. Vous continuez le théâtre ?Ma carrière théâtrale est pour moi très distincte. J’ai commencé par là, mais depuis que je joue devant une caméra, je n’y suis plus retourné. C’est au théâtre que j’ai rencontré ma femme. On a eu des enfants, puis, il y a 11 ans, on a décidé de ne plus faire de théâtre et donc de quitter New York pour nous installer à LA. Là où il y a plus de travail. Et je rends mes agents fous parce que je choisis surtout mes rôles en fonction de la géographie. J’ai des enfants à l’école et je ne veux pas m’éloigner d’eux. J’essaie de ne pas trop voyager. C’est pourquoi j’aime tourner à LA. Pour Whiplash cela dit, je serais allé n’importe où pour tourner, mais heureusement, on a tourné en majorité à LA.

Quelle part de Vern Schillinger (son personnage de Oz) y a-t-il chez Fletcher?C’est vrai qu’ils se ressemblent. Ils sont tous les deux blancs et chauves. Hé hé. Et ils ont un autre trait commun : si vous leur demandez pourquoi ils font les horribles choses qu’ils font, chacun vous dira qu’au fond, c’est par amour. Dans le cas de Vern, il s’agit d’un amour tordu pour "son peuple", la race aryenne. Dans le cas de Fletcher, c’est par amour pour la musique et la nécessité de ne pas lui manquer de respect. Par perfectionnisme, il est prêt à tout, même à flageller ces gamins, afin d’obtenir qu’elle soit juste. Ils sont tordus tous les deux, et assez semblables, même si Fletcher n’est pas prêt à tuer.

Pour le spectateur, il n’y a aucun doute que le méchant est plus excitant que le héros vertueux. Est-ce la même chose en tant qu’acteur ?Absolument ! Mais j’aime aussi l’autre côté. Lorsqu’on m'a proposé d'incarner Vern Schillinger, j’avais joué au théâtre pendant 15 ans, et je n’avais encore presque rien fait pour la caméra. A l’époque, j’étais quand même préoccupé par les conséquences possibles d’un tel rôle pour la suite de ma carrière. Ce personnage avait le potentiel pour devenir très célèbre, et je n’avais pas l’intention de le jouer pour le reste de ma vie. J’ai presque refusé le rôle pendant mon entrevue avec Tom Fontana. Il ma assuré que nous trouverions un moyen de le faire correctement. D’abord, le personnage se présenterait comme bon, avant d’évoluer vers ce type horrible que les spectateurs apprendraient à connaître et à aimer. J’ai eu de la chance parce que juste après les premières diffusions d’Oz, on m'a proposé le rôle d'un psychiatre dans Law and order, qui se tournait également à New York à l’époque. Les deux personnages s’équilibraient, et on pouvait choisir entre le psychopathe ou le psychiatre. C’était bon de montrer que j’étais capable de varier les registres. La majorité des acteurs essaie d’éviter de répéter la même chose encore et encore.

Interview Gérard Delorme

Whiplash de Damien Chazelle avec J.K. Simmons, Miles Teller et Paul Reiser est sorti le 24 décembre dernier dans les salles. Bande-annonce :

 

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