Funny People : les 10 comiques dépressifs
Lenny
Tiens encore un biopic, celui là estsigné du mort <strong>Bob Fosse</strong> dont il s'agit ici indiscutablement dumeilleur film. La vie de Lenny Bruce (comique, scénariste, acteur et réalisateur US) comme si vous étiez, avecdans le rôle-titre un <strong>Dustin Hoffman</strong> barbu et habité, qui faitrésonner comme jamais les vannes méchamment transgressives del'inventeur camé du stand- up. Au delà de ça, le film estégalement celui où son réalisateur a le mieux réussi à plaquerses obsessions morbides dans un univers pailletés, en laissant pourcette fois de côté son insupportable trivialité coutumière.
Man on the Moon
Joli biopic signé par un <strong>Milos Forman</strong> qu'on a cru, àl'époque, ressuscité. Man On The Moon doittout de même beaucoup à son script (signé par les deux malinsayant également co-écrit ceux d'Ed Wood et <em>Larry Flint</em>), en mêmetemps qu'à la perf' d'un <strong>Jim Carrey </strong>stratosphérique dans la peau ducomédien de stand up Andy Kaufmann. Le coup de génie du film : nejamais chercher benoitement à démêler le vrai du faux, etentretenir poétiquement le trouble sur les inénarrables sketchskaufmanniens, dont, aujourd'hui encore, on se demande s'ils étaientvraiment là pour nous faire rire ou nous faire chialer.
Annie Hall
C'est le plus beau <strong>Woody Allen</strong>, et passeulement parce que c'est celui où <strong>Diane Keaton</strong>, juste avant qu'ellene vire intello-frigide, est la plus stupéfiante de grâce juvénile.Non, outre Annie Hall (la fille) il y a surtout dans Annie Hall (lefilm) tout ce qu'on a pu aimer, un jour où l'autre chez Woody, lesvannes jazzy, les références ad hoc, la nonchalance du récit etcet attrait pour l'exhib la plus totale qui ne vire pas encore aunombrilisme crispant. Névrosé jusqu'aux branches de ses lunettes,en plein désarroi existentiel et sentimental, et paumé sous lesoleil aveuglant de L.A, le comique new yorkais escalade l'Everestcomique par son versant le plus désabusé. Et à la fin, tout lemonde pleure.
The King of Comedy
L'ultimate masterpiece de <strong>Stephen Chow</strong>commence comme une relecture hystérique de La Party, (un acteurcomique raté trouve un job de figurant sur une grosse prod' maisfinit, à force de gaffes, par foutre le plateau sens dessus-dessous)avant de virer dans l'introspectif pur et dur, accouchant en creux,d'un autoportrait troublant de son auteur, entertainer stakhanovistedu public hong kongais qui à force de tourner dans tout s'est mispeu à peu à accepter n'importe quoi. Comme une lettre d'excuseadressé aux fans pour des dizaines de navets indignes de son génie.Comme pour dire que dans cette industrie ne plus travailler c'estdéjà crever un peu.
les feux de la rampe
Chef d'?uvre terminal d'un <strong>Chaplin</strong>lessivé et mis au ban d' Hollywood, Les Feux De La Rampe fait à lafois figure de pure rêverie nostalgique à l'insouciance toutejuvénile, en même temps que d'?uvre testamentaire à la solennitéétouffante. Réalisé dans la foulée de l'échec cuisant deMonsieur Verdoux, le film, mélo pur jus où l'on pleure tout du longcomme un gosse, ne semble exister que pour passer dignement le témoinentre deux époques: celle où Charlot régnait en maître sur lemonde du spectacle, et celle où Chaplin n'était plus que lereliquat d'une époque belle et bien révolue. Rideau.
Pee Wee
Ah qu'il était rigolo Pee Wee, avecson costume étriqué et son n?ud-pap flashy. Les petits enfants semarraient d'ailleurs bien devant ses show télés du samedi matin,tellement même, qu'Hollywood lui fit vite les yeux doux et luirefila <strong>Tim Burton</strong>, le poète hirsute officiel de l'industrie, pour mettreen scène son premier effort ciné, Pee Wee's Big Adventure. Et puisun jour patatras, la méchante police fit une descente dans unesalle d'un quartier mal famé et tomba nez à nez sur le gentil PeeWee se tripotant devant le genre de film qui ne passe pas, engénéral, à la télévision le samedi matin. Alors Pee Wee remisason costume étriqué et son n?ud-pap flashy, et finit sa carrièredans l'enfer des DTV.
Moi, Peter Sellers
Un dernier biopic pour la route, et undernier acteur en état de grâce pour l'occasion. Ici c'est <strong>Geoffrey Rush</strong> qui joue <strong>Peter Sellers</strong> qui fait tourner une machine pas super bienhuilée par l'artisan <strong>Stephen Hopkins</strong>. Si hallu il y a, elle restedonc tout juste au niveau de la surface (« ouah c'est dinguecomme ils ont la même tronche! »), dommage car le sujet (leplus grand acteur comique de sa génération était aussi un vraimalade mental) valait le coup qu'on le traite autrement que par lebiais d'un académisme plombant et léthargique.
Tonnerre sous les tropiques
De cette fable pirandelienne sur lestar-system contemporain, on retiendra avant tout la somme de sesnuméros d'acteurs prodigieux, plutôt que sa folie conceptuelleparasitant constamment sa fougue burlesque. Surnageant étonnammentau milieu du binôme déchainé <strong>Stiller</strong>/<strong>Downey Jr</strong>, l'épave <strong>Jack Black</strong> se taille la part du lion dans un rôle d'Eddie Murphy blanc,ringard, pétomane et junkie au dernier degré. Un contre-emploi enforme de prophétie ?
La valse des pantins
En pleine traversée du désert depuisune dizaine d'années, <strong>Jerry Lewis</strong> vient se refaire unesanté artistique chez le duo <strong>De Niro</strong>/<strong>Scorsese</strong>, alors tout droitsorti du carton Raging Bull. Pas de chance, La Valse Des Pantins,superbe réflexion douce-amère sur l'entertainment et le moment oùla déconne vire à la névrose, est un flop intersidéral. Malgréson interprétation démente, en simili-Johnny Carson accro aux riresenregistrés (un animateur de show US), la carrière de Lewis ne s'en relèvera finalement paset l'année suivante il paiera ses impôts en tournant dans le « Paroù t'es rentré on t'as pas vu sortir » de Phillipe Clair.Glauque.
Fatty Arbuckle
Ok on triche un peu parce que personne n'a vu le film de James Ivory (The Wild Party). On ne parlera donc ici que de la destinée sordide de Roscoe« Fatty » Arbuckle, comique king-size du Hollywood despremières heures, à qui tout réussissait jusqu'à l'insolence,avant qu'une starlette ne crève dans sa chambre d'hôtel. Accuséabusivement de meurtre et de viol, le gros rigolo se retrouveblacklisté illico d 'Hollywood malgré une relaxe spectaculaire parla justice US. Broyé menu par un star-system balbutiant, Fatty crèveune petite dizaine d'années plus tard, sans le sou, complètementalcoolo, fracassé, schizo et oublié de tous. Le premier d'unelongue lignée.
Funny People marque le retour aux affaires de Judd Apatow, le roi de la comédie US, l'homme à qui l'on doit Supergrave, En cloque, mode d'emploi, Rien que pour cheveux... Funny People, donc, soit une heure et demie d'apnée dans le monde en perdition d'un comédien de stand up malade. Un chef d'oeuvre drôle, grave et un peu dépressif. L'occasion de faire le point sur ces comiques qui, un jour, ont décidé d'être grave. Mort de rire vous avez dit ? Par François Grelet
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