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Rentrer à Paris après Deauville, c'est comme rentrer en classe après les vacances, se lamentait Vincent Lindon. "On a prévu un sas de décompression après ? Genre des figurants en bas de chez moi pour continuer à me demander des autographes et à prendre des photos... Garder Omar, mon garde du corps... " Le président du jury du 39ème Festival du film américain militait samedi soir sur scène pour sa réélection l'an prochain, et se plaignait de cette tradition de changer chaque année. Avant de demander au public de voter pour lui à main levée. Des plaisanteries qui ne suffisaient pas à dissiper l'émotion de son speech puisque l'acteur a également rendu hommage à l'actrice Valérie Benguigui, disparue la semaine dernière, par une minute de silence.

Le jury présidé par Lindon a remis son Grand prix à Night Moves : un thriller écolo à la limite de l'expérimental signé Kelly Reichardt (le western La Dernière piste avec Michelle Williams). Dans lequel trois militants radicaux cherchent à faire péter un barrage sur une rivière afin de protester contre l'industrialisation. Avec un réalisme clinique, on suit les trois compères monter leur plan dans les moindres détails - acheter un bateau, fabriquer une bombe artisanale, passer à l'action... Longs plans-séquences, ambiance mutique et autopsie parfois démonstrative des idéaux écolos face à la réalité, le film vaut surtout pour son trio d'acteurs, d'une sobriété exemplaire : Jesse Eisenberg, flippant et tourmenté, Dakota Fanning en élève appliquée et Peter Sarsgaard en ancien taulard.

Tandis que Fruitvale Station de Ryan Coogler (drame récompensé à Sundance et à Cannes sur l'histoire vraie d'un jeune abattu par un flic) remportait deux prix (public et révélation Cartier), confirmant son statut de bête de festival, le prix du jury récompensait deux ex aequos. D'un côté le magnifique All is lost avec Robert Redford en navigateur solitaire face au naufrage de son navire (on vous a déjà dit tout le bien qu'on pensait du film à Cannes 2013), et de l'autre le très très minimaliste Stand Clear of the Closing Doors de Sam Flesichner, ou la balade de l'autiste Ricky dans le métro de New York. Deux films hyper sobres sur l'errance, la solitude et la perte, mais dans deux domaines différents, l'aventure maritime pour l'un, et la vacuité urbaine pour l'autre.

Enfin, Les Garçons et Guillaume, à table ! de Guillaume Gallienne (autobiopic de l'acteur sur son identité sexuelle) reçoit le prix Michel-d'Ornano (qui récompense chaque année le meilleur scénario d'un film français). The Retrieval de Chris Eska, chasse à l'homme dans le bayou au temps de la Guerre de sécession est distingué du prix de la critique internationale. The Retrieval représentait à lui tout seul une certaine tendance de la sélection de Deauville 2013, celle du drame sudiste héritier du western et souvent violent, dans toutes ses facettes : du malickien Les Amants du Texas au revenge movie à la Blue Ruin ou A Single Shot, en passant par le western pur jus (Shérif Jackson) et le genre cannibale (We Are What We Are).

Le palmarès complet du 39ème Festival du film américain de Deauville 2013 :

Grand prix: Night Moves de Kelly Reichardt

Prix du jury ex aequo : All is lost de JC Chandor et Stand Clear of the Closing Doors de Sam Flesichner

Prix du public : Fruitvale Station de Ryan Coogler

Prix de la révélation Cartier : Fruitvale Station de Ryan Coogler

Prix de la critique internationale : The Retrieval de Chris Eska

Prix Michel-d'Ornano : Les Garçons et Guillaume, à table ! de Guillaume Gallienne